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Prenant en compte les problèmes soulevés aux sections précédentes, on veut avoir une approche qui respecte les points suivants :

1. Tenir compte de l’effet du coarse-graining qui est assez similaire à l’opération de filtrage spatial et temporel des LES. C’est l’outil mathématique adéquat pour représenter les li- mitations intrinsèques sur les résolutions spatiales et temporelles, qu’elles soient de nature expérimentale ou numérique.

2. Avoir une approche de type milieu continu avec la prise en compte des fluctuations des échelles résiduelles. On essaye de profiter du fait qu’une quantité conservée l’est à toutes les échelles et que les échelles intermédiaires ont vraisemblablement un comportement universel et isotrope (qu’il faut néanmoins déterminer). En l’occurrence, le filtrage de l’équation de continuité microscopique (5.1) donne

∂tqτ+ ∇ · Jτ = 0, (5.18)

et il faut donc modéliser la relation de fermeture décrivant le comportement de Jτ. Cela

suppose implicitement que le modèle sous-maille ne dépend pas du schéma numérique et de l’opération de coarse-graining choisis3.

3. On cherche à modéliser des phénomènes pour lesquels l’hypothèse de séparation d’échelle (et donc d’équilibre local) n’est pas valable.

4. Il faut limiter le recours aux paramètres au maximum. Pour cela, il faut avoir une méthode d’analyse spécifique et systématique des champs coarse-grainés obtenus à partir des simu- lations numériques directes et/ou des mesures expérimentales hautes résolutions. Cette

2. On note toutefois une exception célèbre [Smagorinsky, 1963] où la taille de la maille est introduite dans l’expression de la viscosité turbulente.

3. Cette hypothèse est fausse d’un point de vue mathématique [Meneveau and Sagaut, 2006]. Néanmoins, la dépendance des modèles sous-mailles aux choix de discrétisation est encore une question ouverte à notre connaissance. Nous ne nous y intéresserons pas ici.

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méthode doit permettre d’identifier les variables les plus pertinentes pour la représentation des processus sous-maille avant d’entreprendre la conception du modèle.

On procédera donc en deux étapes. La première consistera à analyser les champs microsco- piques obtenues par simulation numérique directe ou expérimentalement, en vue d’obtenir des informations sur le flux coarse-grainé local Jτ. On note que cette idée est déjà utilisée pour la

modélisation multi-échelle [Vanden Eijnden, 2003,Dolaptchiev et al., 2013,Achatz et al., 2013]. La seconde étape consistera à modéliser le comportement de Jτ en fonction des résultats d’ana-

lyse.

Avant de considérer les équations d’évolution d’un fluide, il est utile de revenir à des modèles plus simples. En fait, une comparaison intéressante entre la théorie cinétique des gaz très dilués (qui est un exemple typique de système pour lequel il faut prendre en compte la non-séparation d’échelle) et la turbulence est discutée par [Chen et al., 2004]. Ils montrent que l’on peut retrou- ver le modèle de turbulence k− [Jones and Launder, 1972,Launder and Spalding, 1974] à partir du formalisme de la théorie cinétique des gaz. Étudier des modèles jouets de théorie cinétique des gaz est une première piste envisagée pour comprendre les problèmes de modélisation sous-maille comme la turbulence. Les travaux présentés au prochain chapitre visent à étudier un modèle dont la dynamique microscopique est intrinsèquement discrète : un gaz sur réseau [Hardy et al., 1973,

Frisch et al., 1987,Grosfils et al., 1993,A Wolf-Gladrow, 2000, Rivet and Boon, 2005].

Dans un second chapitre, on tentera d’étudier un écoulement turbulent réel : l’écoulement de Von-Karman.

Chapitre 6

Cas d’un gaz sur réseau diffusif

6.1

Le système

Vue microscopique Notre modèle est un gaz sur réseau carré de L × L noeuds à 4 vitesses :

c1 = c(1, 0), c2 = c(0, 1), c3 = c(−1, 0) et c4 = c(0, −1) (figure 6.1). Il correspond au modèle

HPP [Hardy et al., 1973,Hardy et al., 1976] auquel on a ajouté des collisions à trois particules. Les échelles de temps et d’espace microscopiques sont le pas de temps (adimensionné) et la distance entre les noeuds c (qui est aussi la norme de la vitesse des particules). Dans la suite, on prendra c = 1 pour simplifier les notations. On note ni(r, t) l’occupation de la cellule i au

noeud r= (x, y) au temps t∗ qui est une variable Booléenne. À chaque pas de temps, les

particules sont collisionnées puis propagées sur le réseau selon les règles représentées sur la figure

6.2. On applique des conditions aux limites particulières aux bords du réseau pour représenter le contact avec des réservoirs de particules de densités différentes : ρB en y= 0, ρR en x= L, ρT en y= L et ρLen x∗= 0. Ce gaz sur réseau est donc un système hors équilibre pour lequel

on impose un gradient de densité. On introduit les observables microscopiques

ρ(r, t∗) = 4 X i=1 ni(r, t∗) = 0, 1, 2, 3, 4, (6.1) j(r, t∗) = 4 X i=1 ni(r, t) ci = −1, 0, 1, (6.2)

qui sont la densité microscopique et le flux de particule microscopique. Les variables microsco- piques (indexées par ∗) représentent les variables d’intérêts jusqu’aux plus petites échelles dyna- miques (ρ∗ peut être vu comme une température locale). On écrit la dynamique microscopique

sous la forme

n(t+ 1) = S ◦ C n(t∗) (6.3)

où n(t) est l’état du réseau au temps t∗(i.e. l’occupation de toutes les cellules), C est l’opérateur

de collision qui agit localement, et S est l’opérateur de propagation qui déplace les particules aux noeuds voisins.

Vue macroscopique À l’échelle macroscopique, dans la limite hydrodynamique, on introduit

les variables t = t, r = (x, y) = roù  = 1/L → 0. On sait dériver l’équation satisfaite par la

densité moyenne et le flux moyen (voir la fin de l’annexeC)

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Figure 6.1 – (a) Vue du réseau carré de L × L noeuds. (b) Chaque nœud est constitué de 4 cellules qui correspondent aux vitesses possibles des particules se déplaçant sur le réseau.

(a) (b) 1 xL 1 yL c1 c3 c2 c4 ρ = hρ∗i ∈ [0 : 4], (6.4) J = hji ∈ [−1 : 1]2. (6.5) On obtient ∂tρ + ∇ · J = 0, (6.6) J = ∇ ρ 4 + 4  = 1 4 − 4 2  ∇ρ. (6.7)

On peut aussi calculer la variance du flux microscopique (voir l’annexe du manuscrit donné à la section6.4) h(j∗α− J∗α)2i → →0 ρ 2  1 − ρ 4  ≡ σ2 ∗(ρ), α = x, y. (6.8)

Vue coarse grainée (mésoéchelle) Il est aussi possible de coarse-grainer le temps et l’espace

en mailles de τ pas de temps et τ × τ noeuds où τ sera appelé le facteur de coarse-graining. On introduit alors les observables coarse-grainées qui sont les valeurs moyennes des observables microscopiques sur les mailles

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Figure 6.2 – (a) Règles de collision du modèle. Ce sont des collisions aléatoires à deux particules avec une probabilité p, et trois particules avec une probabilité q. (b) Conditions aux limites au bord inférieur du réseau avant la collision : en y∗ = 0, les cellules 1, 2 and 3 sont remplies

aléatoirement avec une probabilité ρB/4 et l’occupation de la cellule 4 dépend de l’arrivée d’une

particule. ρB représente la densité du réservoir. Des conditions similaires sont appliquées sur les

autres bords du réseau. (c) Représentation de l’opération de propagation : les particules sont propagées aux nœuds voisins selon leurs vitesses.

y∗= 1 y∗= 0 ρB/4 (a) (b) (c) p q q

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Figure 6.3 – Illustration du coarse-graining pour le gaz sur réseau. Les noeuds et les pas de temps sont représentés en gris claire. La maille Mτ(r, t) regroupe les τ3 noeuds au voisinage de

(r, t). t Mτ(r, t) τ  τ  τ  x 1 0 y 1

aux différentes positions r = (x, y) et aux temps t (figure6.3) :

τ3ρτ(r, t) = X (r,t∗)∈Mτ(r,t) 4 X i=1 ni(r, t∗) ∈ {0, 1, ..., 4τ3} (6.10) τ3jτ(r, t) = X (r,t∗)∈Mτ(r,t) 4 X i=1 ni(r, t)ci ∈ {−τ3, ..., τ3}2. (6.11)

Les variables coarse-grainées (indexées avec τ ) représentent celles qui seraient explicitement ré- solues numériquement (ρτpeut être vu comme une température moyenne à l’échelle d’une maille).

Le problème de modélisation sous-maille pour ce système consiste à obtenir les équations d’évo- lution de ces champs à partir de la dynamique microscopique (ou de sa simplification). Dans la suite, nous considérerons des valeurs de τ modérées, car on s’intéresse à des systèmes où on ne peut pas utiliser une séparation d’échelle pour représenter les processus sous mailles1. Notre

problème s’apparente donc plus à une modélisation mésoscopique qu’à une fermeture turbu- lente, néanmoins les deux cas correspondent à des modélisations sous-maille. Malgré le fait que

τ soit fini et que les variables coarse-grainées prennent des valeurs discrètes, on supposera que

le système peut être vu comme un milieu continu si on le décrit à partir de la méso-échelle. On supposera également que ρτ et jτ peuvent être vues comme des variables continues. Cela est fait

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Figure 6.4 – Champs instantanés de densité microscopique (a) et coarse-grainé avec τ = 5 (b) pour notre simulation. Le problème de modélisation sous-maille consiste à trouver un modèle pour simuler directement l’évolution du champ coarse-grainé.

(a) (b)

pour faciliter la discussion, mais aussi l’extension de la méthode aux systèmes d’intérêts comme les fluides turbulents.

L’idée est d’essayer d’avoir une approche de modélisation proche de l’analyse des données de simulation numériques directes afin d’éviter l’introduction d’hypothèses (et de paramètres) non- nécessaires. Nous utiliserons les résultats d’une simulation de 106 pas de temps pour ρT = ρR=

1.6, ρB = ρL = 2.4, p = q = 1, et L = 300 à l’état statistiquement stationnaire. Des champs de

densité microscopique et de densité coarse-grainé obtenues dans notre simulation sont montrés en figure 6.4.

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