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Cette étude nous a permis d'observer qu'il existait, une grande variété de points de vue et de pratiques individuelles, sur le sujet du dépistage d'un déficit immunitaire de l'enfant en médecine générale, mais surtout de comprendre les dynamiques communes qui sont à leur origine. En cela cette étude est originale et vient apporter des informations qui n'ont pas été retrouvées dans la littérature.

Elle se situait au centre d'une situation particulière en soi qu'est la consultation pédiatrique en médecine générale, constituée du trinôme relationnel médecin généraliste-parent-enfant . Ce contexte a semblé générateur d'émotions riches et nombreuses venant colorer les actions s'y déroulant et potentialiser une certaine tendance personnelle à voir la pédiatrie comme une pratique anxiogène. Le parent et les représentations qui lui sont rapportées semblaient complexifier la fluidité des interactions entre les différents acteurs. Le pédiatre libéral semblait être un interlocuteur générateur d'émotions ambivalentes, lieu de confrontation entre la réalité d'une pratique et un idéal de relation souhaitée. La réalité de leurs échanges semblait quand-même se poser. Les autres acteurs vus comme intervenants ou référents, étaient envisagés sur un mode uni ou bidirectionnel. Il a semblé qu'ils étaient potentiellement nombreux, et que dans le contexte de la situation sus-citée, et du nomadisme médical potentiellement présent au début de l'histoire des enfants souffrant de déficit immunitaire, le carnet de santé, s'il était présent et rempli, pouvait être un vrai gage de non perte d'information, limitant le risque d'un retard diagnostic.

Au sein des valeurs auxquelles faisait appel les médecins, si l'expérience professionnelle dominait les autres par sa légitimité, y compris sur les connaissances théoriques, la part de croyances mobilisée a semblé un élément particulièrement générateur de tension. Elle semblait s'articuler avec la verbalisation d'une part d'ignorance. Son rôle était plus ou moins conscient et potentiellement à risque de masquer des réalités non attendues. Enfin peut-être que pour des médecins venant d'autres origines socio-culturelle, d'autres valeurs socles seraient à prendre en compte. Imaginons par exemple, le poids d'une religion, l'apport d'une culture différente, ou une autre origine sociale.

De nombreuses étiologies autres qu'un DI sont venues expliquer la répétition d'épisode infectieux chez un enfant, en articulation avec le poids des croyances. Son mode de garde et l'immaturité de son système immunitaire étant au premier plan. Si les causes secondaires semblaient des situations évidentes, une origine primitive était peu soulevée. Il a semblé que sa mention était génératrice de nombreuses questions impliquant un vécu plutôt négatif. À quel moment peuvent se déclarer les premiers symptômes ? Est-ce toujours des situations de la même gravité ? Quelle est la fréquence de ces maladies ? Ont-elles le même pronostic ? Ont-elles des traitements ? Est-ce que, s'il en existe ils

améliorent le pronostic ? Des manifestations extra-infectieuses étaient quasi non envisagées dans le contexte. Adresser au CHU en pédiatrie vers un spécialiste afin de faire le diagnostic de ces maladies était une évidence. D'autres spécialistes étaient parfois sollicités, cela semble raisonner avec la notion d'errance médicale précédente et le rôle central du carnet de santé comme outil. Enfin la question de la réalisation d'un bilan intermédiaire de dépistage et de sa présentation aux parents était aussi génératrice de beaucoup de questions et de tensions. Les médecins estimant qu'ils étaient à risque d'oublier des choses, de ne pas savoir interpréter les résultats et semblaient très perplexes sur la question des sérologies post-vaccinales et ses modalités pratiques. Quelles sérologies, à quel moment, pour quel coût ? Étaient des questions posées. Enfin il semblait décisif de savoir si un bilan négatif éliminait la présence d'un DI.

De ce contexte global ont émergé différents thèmes qui sont venus raisonnés de manière plus ou moins forte et consciente selon le médecin. Ils ne semblaient pas tellement générateurs de représentations mais plutôt à la source du vécu et des tensions induites. La question de la frontière entre le Normal et le Pathologique, illustrée ici par une adaptation classique du système immunitaire de l'enfant ou un réel DI, a semblé être la plus profonde. La potentielle variabilité individuelle de la réponse vaccinale étant illustrative, et s'articulant avec les questions des sérologies post-vaccinales du bilan. L'intégration au sein de la question plus large de la place du médecin généraliste dans la prise en charge des maladies rares, échappant à l'expérience professionnelle, la gestion de la complexité en médecine générale et de la confrontation à ses propres paradigmes ont été aussi déterminant. Différentes réponses structurelles classiques mises en place par les médecins apportaient des contrepoids, permettant de contrôler ces thèmes. Il a semblé qu'une fois qu'un positionnement clair était trouvé sur la réalisation du suivi de l'enfant, son organisation temporelle était source d'une sensation de maîtrise. Segmenter les consultations de suivi et de pathologie, réserver des créneaux d'urgence et accepter de revoir l'enfant parfois très souvent, en étaient les points clefs. La constitution d'un réseau, l’éducation de sa patientèle, la collégialité permise par une activité de groupe étaient d'autres contrepoids. La légitimité du médecin à se poser la question et à y répondre était un questionnement qui semblait traverser les précédentes. Il semble qu'elle obligeait une prise de position de la part du médecin pour le libérer d'une partie des tensions induites.

Enfin la production d'une réponse s'organisait autour de deux types d'objectifs. Le premier était centré sur la production d'une réponse ferme, définitive et sûre pour l'enfant et ses proches à la question de la présence d'un DI. Prendre en compte l'inquiétude parentale et préserver l'enfant étaient des objectifs parallèles. Pour finir la production d'une réponse devait ne pas exposer le médecin à un risque médico-légal, tenter de préserver sa vie privée et peut-être apporter une réponse à la tension issue de la mise en balance des notions de légitimité et de reconnaissance.