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2.3 Résultats & Discussion

4.3.2 Discussion

Les résultats de cette expérience montrent que :

· La sonie provoquée par des bruits à bande étroite basses fréquences était plus forte

lors-qu’ils provenaient du côté des auditeurs que lorslors-qu’ils étaient frontaux, dans les conditions

de présentation réelle (dans laquelle les sons étaient présentés par des haut-parleurs) et

virtuelle (dans laquelle un enregistrement binaural des stimuli était présenté au casque).

· Cette augmentation était du même ordre de grandeur, dans chaque mode de présentation,

à celle observée lorsque les sons étaient latéralisés par le seul ajout d’une ITD de 772µs.

· Cette augmentation de sonie était plus faible dans la présentation réelle que dans la

présentation virtuelle lorsque la source frontale était située à une distance de 1 m des

auditeurs (dans les configurations c etd, voir figure 4.2).

· L’augmentation de sonie était la même dans les deux conditions de présentation lorsque

la source frontale était située à une distance de2 mdes auditeurs (dans les configurations

a etb).

Effet des Conditions de présentation

La sonie directionnelle observée dans les conditions de présentation réelle était globalement

plus faible que celle observée dans les conditions de présentation virtuelle. Cette observation

est en accord avec celles d’Epstein et Florentine (2009, 2012), qui ont mesuré un rapport de

sonie binaural-à-monaural plus faible en augmentant la validité écologique de leurs expériences

en diffusant leurs stimuli sur haut-parleurs plutôt qu’au casque et en ajoutant un support visuel

aux auditeurs.

D’après les résultats de la présente étude, la distance de la source sonore frontale (jouant

les sons de référence) a affecté différemment la sonie directionnelle dans les deux conditions

de présentation des sons. Dans les conditions de présentation réelle, la tête des auditeurs était

fixée par un appui-tête et une mentonnière. Ainsi, seule la source frontale était visible dans

chaque configuration spatiale. Puisque la sonie peut être affectée par les informations auditives

(Zahorik et Wightman, 2001) et visuelles (Mershon et al., 1981) de distance, il est possible que

ces informations soient à l’origine des différences de PSE observées dans les deux conditions de

présentation selon la distance de la source sonore frontale.

Indices auditifs

Puisque le niveau de pression sonore était fixé en un même point d’écoute pour les quatre

haut-parleurs, il ne variait pas selon que les sources sonores étaient situées à1 mou2 mdes

audi-teurs et ne peut donc pas expliquer les différences de PSE. D’autres caractéristiques acoustiques

du son peuvent être affectées par la distance de leur source (i.e., le rapport d’énergie champ

direct à champ réverbéré, la distribution de l’énergie spectrale, voir section 1.2.3). Ces

carac-téristiques étaient cependant similaires pour les sons présentés aux oreilles des auditeurs dans

les conditions de présentation réelle et aux oreilles de la tête artificielle lors de l’enregistrement

binaural. Quelques variations interindividuelles ont toutefois pu résulter des différences entre les

HRTF des auditeurs (lesquelles filtraient les sons dans la présentation réelle) et les HRTF de la

tête artificielle (lesquelles filtraient les sons dans la présentation virtuelle). Cependant, les HRTF

ne dépendent de la distance de la source que dans l’espace proximal (<1 mvoire encore plus près

aux fréquences étudiées d’après Brungart et Rabinowitz (1999) et Otaniet al. (2009)). Ainsi, le

fait que les stimuli aient été filtrés par des HRTF différentes selon les conditions de présentation

n’est pas susceptible d’expliquer les différences observées entre ces deux modes pour les sons

restitués à 1 met2 m.

Indices visuels

La dépendance des PSE vis-à-vis de la distance réelle des sources pourrait provenir de leur

distance perçue. La distance perçue d’une source peut être affectée par des indices visuels de

distance (voir section 1.2.3).

Les indices visuels de distance n’étaient pas les mêmes dans les deux conditions de

présenta-tion. Dans la présentation virtuelle, ni les sources sonores frontales ni les sources sonores latérales

n’étaient présentes. Dans la présentation réelle, les auditeurs voyaient la configuration des

haut-parleurs en entrant dans la salle d’écoute et en se positionnant sur la chaise. Puisque leur tête

était maintenue dans une position fixe par l’appui-tête et la mentonnière (voir figure 4.3), seules

les sources frontales étaient visibles tout au long de l’expérience. Ainsi, les participants n’avaient

pas le même accès à l’information visuelle de distance selon les conditions de présentation et

selon l’azimut des sources sonores.

Lorsque les sources sonores frontales étaient visibles et proches des auditeurs (donc dans les

conditions de présentation réelle et dans les configurations spatiales c et d, voir figure 4.2), les

PSE étaient significativement plus faibles (en valeur absolue) que lorsque les sources n’étaient

pas visibles (dans les conditions de présentation virtuelle). Le fait que l’amplitude des PSE était

plus faible signifie que la sonie des sons de référence et celle des sons test étaient plus proches.

Puisque les PSE étaient négatifs (i.e., les sons test étaient perçus plus forts que les sons de

référence), cela peut être dû soit à une augmentation de la sonie du son de référence, soit à

une diminution de la sonie du son test. Dans chacune des configurations spatiales des sources

sonores, lessons test étaient diffusés à une distance de1 met2 m(selon l’azimut de leur source).

Puisque l’effet de l’ITD sur la sonie est symétrique (Koehl et Paquier, 2015), un potentiel effet

de la distance de la source latérale sur les PSE aurait été compensé dans chaque configuration

spatiale.

Les différences de PSE observées entre les deux conditions de présentation pourraient alors

être dues à des différences de sonie dessons de référence restitués par les sources frontales. À un

même niveau sonore aux oreilles, les sons restitués par une source proche seraient perçus comme

étant plus forts si leur source est visible, ce qui ne serait pas le cas pour des sources plus lointaines.

Un effet similaire a été reporté pour des sources visibles en salle anéchoïque par Mershonet al.

(1981), où un même son était perçu plus fort lorsqu’un haut-parleur muet était présenté à une

distance de 2.25 m des auditeurs que lorsqu’il était situé à 3.75 m de ces derniers, alors que le

niveau de pression sonore était fixé au point d’écoute et que les sons étaient diffusés par un

même haut-parleur caché dans les deux conditions. Ce raisonnement basé sur les indices visuels

de distance pourrait également expliquer le fait qu’aucune différence de sonie directionnelle n’ait

été observée par Sivonen et al. (Sivonen et al., 2005; Sivonen et Ellermeier, 2006) selon que les

sons étaient présentés au casque ou sur haut-parleurs. En effet, les haut-parleurs étaient placés

aux mêmes positions dans les deux conditions de présentation des sons de sorte que les auditeurs

puissent visuellement identifier les sources sonores même lorsque les sons étaient restitués au

casque.

Autres facteurs

Dans la présente expérience, les auditeurs étaient conscients que les sons qu’ils entendaient

étaient diffusés soit par des haut-parleurs (dans les conditions de présentation réelle), soit par

un casque (dans les conditions de présentation virtuelle). Le simple fait d’avoir conscience de

la nature des sources sonores pourrait déclencher des phénomènes de haut niveau susceptibles

d’avoir un effet sur la façon dont est traitée la sonie des sons perçus (Epstein et Florentine,

2012). La sonie de deux sons strictement identiques pourrait alors varier selon les conditions

dans lesquelles ces sons étaient présentés aux auditeurs et, dans le cas présent, mener à des

différences de PSE.

Les auditeurs auraient notamment pu identifier, dans les conditions de présentation réelle,

que les sources sonores disposées autour d’eux jouaient le même son quelles que soient leurs

positions. Ceci aurait pu mener à une certaine forme de constance de sonie, selon laquelle les

jugements de sonie étaient moins dépendants des stimuli aux oreilles que lorsque les sources

sonores n’étaient pas identifiées. Ainsi, la sonie des sons frontaux et latéraux aurait été moins

différente que dans les conditions de présentation virtuelle, aboutissant à des PSE globalement

plus faibles. Ce phénomène a notamment été évoqué par Sivonen et Ellermeier (2006) ainsi que

par Meunier et al. (2016) pour expliquer certaines différences interindividuelles observées sur la

sonie directionnelle.

La perception de distance pourrait également avoir interagi avec d’autres facteurs de haut

ni-veau. Les sons sont susceptibles d’être internalisés (i.e., perçus comme provenant de l’intérieur de

la tête) lorsqu’ils sont reproduits au casque, surtout lorsqu’ils sont situés à l’avant (azimut de0 )

et dans des proportions moindres lorsqu’ils sont situés sur les côtés (azimut de±90 ) de l’auditeur

(Hendrickx et al., 2017a,b). Les sons reproduits sur des sources sonores réelles sont d’ordinaire

externalisés quelle que soit leur position relative à l’auditeur (Hartmann et Wittenberg, 1996).

Ainsi, lessons de référence (localisés à0 d’azimut) auraient pu être moins bien externalisés que

lessons test (localisés à±90 d’azimut) dans les conditions de présentation virtuelle, tandis que

les deux types de sons pourraient avoir été externalisés de la même manière dans les conditions

de présentation réelle. Puisque l’externalisation est un pré-requis pour percevoir la distance d’une

source sonore (Kolarik et al., 2016), la distance perçue n’était probablement pas identique dans

les deux conditions de présentation des sons, ce qui aurait pu mener à des différences de sonie

traduites par des différences de PSE dans les deux conditions.