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Résistance à la fatigue de composants

La fatigue est un processus qui, sous l’action de contraintes répétitives appliquées à un matériau, entraîne la formation puis la propagation de fissures conduisant à la fracture de la structure. Lorsqu’ils sont soumis à des contraintes cycliques inférieures à une valeur limite, certains matériaux (acier par ex.) vont se fracturer avec un délai infiniment long ; Cette valeur est appelée « limite de fatigue » du matériau. La Limite de fatigue peut être déterminée expérimentalement en appliquant un nombre croissant de cycles de fatigue (force constante) à des échantillons. Par ailleurs, il est aussi possible de déterminer la résistance à la fatigue d’un matériau pour un nombre de cycles prédéterminé ; On définit alors la « limite d’endurance » du matériau.

La procédure suivie dans notre étude avait pour but de déterminer la limite d’endurance des connections décrites précédemment avec 106 cycles de contrainte. La géométrie complexe et variable des connections utilisées ainsi que l’estimation de la durée du test (106 cycles) empêchent de présenter les résultats obtenus dans un référentiel universel. Les valeurs obtenues ne sont donc seulement valables qu’avec la configuration expérimentale présentée précédemment.

L’analyse des valeurs de « limite d’endurance » obtenues permet de mettre en évidence deux groupes parmi les 5 connexions testées : (1) le groupe « Easy Abutment » (avec ou sans connexion interne) qui a obtenu les meilleures valeurs au test de fatigue rotationnelle et (2) un groupe comprenant le Multi-Unit Abutment et les deux Ceramic Abutment. Les valeurs du second groupe sont inférieures au premier groupe de l’ordre d’approximativement 20%. Il est intéressant de souligner que le deuxième groupe comprend un pilier entièrement métallique et deux piliers en céramique ; la résistance des deux piliers en céramique est donc comparable à un pilier entièrement métallique.

Les résultats de cette étude démontrent que la partie interne de l’implant assurant la stabilité anti-rotationnelle du système grâce à 3 rainures verticales semi-circulaires n’a pas d’incidence sur la résistance à la fatigue rotationnelle de ce type connexion utilisée par le système implantaire Replace. Il est possible d’expliquer ceci de la manière suivante. Lors du vissage de la supra-structure sur l’implant, la vis sera tendue (pré-tension) sous l’effet du serrage et subira un allongement ; elle se comportera ainsi comme un ressort en traction. Cette pré-tension va induire une force parallèle à l’axe de la vis

ne peut se faire que par l’intermédiaire de surfaces perpendiculaires à l’axe de la de la vis35, c’est-à-dire la surface « horizontale » externe de l’implant dans le cas présent (figure-5). Comme le mécanisme anti-rotationnel est orienté parallèlement à la force de rétention et que sa partie apicale ne vient jamais en butée (figure-5), il n’est pas en mesure de transmettre la contrainte imposée par la vis, les portions verticales de la connexion ne participant pas à la propagation du stress. Ce mécanisme anti-rotationnel peut donc être considéré comme un système d’index ayant pour seule fonction de permettre un repositionnement constant de la supra-structure, sa participation à la résistance mécanique de l’ensemble étant négligeable. On peut ainsi qualifier la connexion Replace-Select de « flat-to-flat »36(par opposition à la géométrie à 15 degrés biconique du « Cône Morse » de l’implant Straumann37).

Les résultats de notre recherche ont pu être comparés à ceux obtenus lors d’une étude précédente visant à déterminer la limite d’endurance de plusieurs connexions appartenant au système implantaire ITI Straumann28. En effet, afin que la comparaison entre les connexions de divers systèmes implantaires soit possible, le diamètre des implants devait être comparable, le bras de levier (distance entre le point de fixation à l’implant et le point d’application de la force) et la force de serrage des vis identiques. Les comparaisons suivantes ont pu être effectuées :

- Les piliers en céramique des deux systèmes présentaient des limites d’endurance à 106 cycles comparables (54.5 ± 2.3 N pour Straumann et 57.2 ± 2.2 N et 56.4 ± 2.8 N pour Replace-Select).

- Le pilier Octa de Straumann et le pilier Multi-Unit de Replace-Select donnaient aussi des valeurs comparables (58.8 ± 2.1 N pour Straumann et 53.5 ± 2.3 N pour Replace-Select).

- La comparaison entre les piliers pleins coniques mettait en évidence une différence marquée. En effet, le pilier plein standard de chez Straumann présentait une valeur de 55 ± 2.7 N tandis que le Easy Abutment de chez Replace-Select donnait une valeur de 71.8 ± 2.5 N. Cette différence induite par la différence de géométrie entre les connexions (biconique Straumann vs « flat-to-flat » Replace-Select) peut trouver une explication dans la « théorie des poutres » qui relate le stress à l’intérieur d’un solide cylindrique (poutre) (S) à la force appliquée (F), la longueur du bras de levier (L) et le diamètre de la poutre (d) suivant l’équation38 :

32 FL

Il apparaît qu’une très faible augmentation du diamètre induit une diminution considérable du stress à l’intérieur du solide. Dans le cas présent, le diamètre maximal du cône de l’implant Straumann est de 3.5 mm tandis que celui de la plateforme externe de l’implant Replace-Select est de 4.3 mm. Si l’on

admet que les composants testés peuvent être assimilés à des solides cylindriques homogènes et isotropes, leur différence de diamètre peut induire une différence de stress à l’intérieur du solide de l’ordre de 50% ; une analyse aux éléments finis pourrait quantifier avec précision cette évaluation.

D’autres explications pourraient également être apportées en analysant des domaines traditionnels de la mécanique des connexions tels que la pré-tension des vis, la pré-charge des surfaces de contact et la friction des vis lors du serrage.

Principe du test

L’objectif de cette recherche était d’évaluer la résistance de la connexion et non celle de la partie intra-osseuse de l’implant ou de la restauration proprement dite. Une phase de test préliminaire a donc été conduite afin d’adapter le dispositif expérimental dans le but d’éliminer tous les sites de fracture/dislocation considérés comme improbables, c’est-à-dire sans pertinence clinique. En effet, durant cette dernière, un certain nombre de fractures se sont tout d’abord produites sur le corps de l’implant, au niveau de la zone de pression imposée par les mords du serrage rapide, reproduisant ainsi une situation cliniquement improbable. L’implant a donc été « vissé » dans un tube en aluminium, interface permettant de répartir les contraintes imposées par le mode de serrage sur toute la surface de l’implant. Une fois ce premier problème contourné, il est apparut que certains analogues de restaurations se descellaient sur les piliers en céramique, nous obligeant à modifier leur configuration interne.

Cette étude indique qu’il n’y a pas de différence statistiquement significative entre la résistance à la fatigue des piliers Easy Abutment et celle des piliers Easy Abutment avec ablation du mécanisme anti-rotationnel. Ces résultats sont en contradiction avec ceux obtenus lors d’une précédente étude réalisée par Binon en 1996durant laquelle, la taille de la partie femelle (creuse) du pilier accueillant l’hexagone externe de l’implant testé était progressivement augmentée, diminuant ainsi la précision de l’adaptation des parties en contact36. La machine de fatigue utilisée était capable de soumettre les échantillons à des forces dont l’orientation était aléatoire sur 360° autour de leur axe. Bien que très rudimentaire, l’analyse des données montrait une relation négative entre l’augmentation de la taille de la partie interne du pilier et la résistance à la fatigue des connexions. A l’instar de notre étude, le dispositif expérimental de Binon comportait toutes les conditions requises pour un test de fatigue appliqué à des composants prothétiques : incidence multi-vectorielle des forces soumettant les connexions alternativement à des

expérimentales, l’origine de la différence entre les résultats des deux études est peu claire. L’auteur expliquait la diminution de la résistance de la connexion par l’existence de micromouvements induits par des contraintes internes lors des cycles de fatigue, provoquant ainsi des abrasions dans les angles des éléments en contact36. D’autres facteurs comme le niveau des contraintes imposées, la pré-charge des vis et la qualité de l’adaptation entre les surfaces en contact peuvent influencer les résultats. On peut encore souligner le fait que dans notre étude, nous avons affaire à des connexions dites « internes » alors que l’étude de Binon est basée sur des connexions « externes » ; cette petite différence technique associée à un comportement différend lors de contraintes cycliques laisse supposer que d’autres éléments non cités ici peuvent encore entrer en ligne de compte.

6- Conclusions - Implications cliniques

En guise de conclusion les résultats de cette étude peuvent être exposés de la manière suivante : 1) La résistance à la fatigue des piliers en céramique (Alumina & Zirconia) et du pilier Multi-Unit est approximativement 20% inférieure à celle des piliers Easy Abutment, tout en restant à un niveau comparable à celle observée sur les piliers plein du système Straumann.

2) Le mécanisme anti-rotationnel ne participe pas de manière significative à la résistance mécanique.

3) La résistance à la fatigue du pilier Easy Abutment est environ 20% supérieure à celle de son équivalent dans le système Straumann.

Les résultats d’une étude de ce type ne sont scientifiquement validés que lorsque qu’il est possible d’établir une corrélation entre les taux de survie des connexions observés cliniquement et les données issues du test au laboratoire. Dans ce but, il était important, dans un premier temps, de porter notre choix sur une configuration prothétique dont le taux de survie clinique est bien connu et considéré comme optimal ; cette dernière peut ensuite être utilisée comme référence pour la phase de test au laboratoire ainsi que pour l’évaluation d’autres configurations prothétiques. Pour ce dispositif expérimental, les piliers pleins coniques Straumann ont été choisit comme référence lors d’une précédente étude28, déterminant ainsi une limite d’endurance se situant approximativement entre 60N et 65N. Dès lors, si l’on considère les résultats de notre étude se rapportant par exemple aux piliers en céramique (limite d’endurance située entre 56N et 57N), on peut conclure que ces derniers devraient avoir un taux de survie comparable ou très faiblement inférieur à notre configuration de référence. En consultant la littérature concernant les études cliniques se rapportant spécifiquement à la survie des piliers en céramique, on constate que les résultats oscillent entre « absence de fractures »40, 41 et « taux de fracture de 2% à 8% »42, 43, 44. Dans l’analyse des résultats des études cliniques, il faut encore tenir compte de paramètres tels que la localisation en bouche (antérieur / postérieur), le type de structure (couronne unitaire / pont), l’existence d’éventuelles para-fonctions (bruxisme / clenching), la morphologie du patient, etc… Cependant, les résultats considérés dans leur globalité permettent d’établir une corrélation entre les données issues des tests au laboratoire et les taux de survie observés en situation clinique, ce qui démontre la pertinence de ce type d’étude.

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