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Partie 2 : MESURE EXPÉRIMENTALE DU MOUVEMENT DES MASSES MOLLES

4/ Discussion

L’objectif de notre étude était d’évaluer si une technique d’optimisation locale permettait d’estimer le déplacement des marqueurs par rapport à une position de référence. Cette évaluation a été comparée avec celle menée directement à partir de l’os obtenu par une tige intra-corticale. L’estimation du déplacement des marqueurs permet de choisir les marqueurs les moins déformés pour obtenir la cinématique de l’os sous-jacent [6, 39, 102] afin d’estimer le mouvement des masses molles sous-jacentes [36]. Si les mesures faites à partir de l’os sont celles de références, il reste que cette référence n’est pas toujours disponible et qu’une mesure numérique s’affranchit de l’imagerie médicale et de moyens corticaux. Ces méthodes numériques doivent dans un premier temps être validées et c’est cette démarche de validation qui consiste à tester la capacité de l’optimisation locale à mesurer le déplacement des marqueurs par rapport à celui obtenu avec une tige intra-corticale.

La principale limite de cette étude est son aspect invasif qui a contraint l’un des sujets à abandonner en cours d’expérimentations, un autre a dû s’asseoir pour effectuer tous les gestes souhaités alors que les deux derniers ont exécuté les mouvements sans aménagement particulier du protocole initial. Le nombre de marqueurs placés sur le bras est également une limite. Bien que sept marqueurs aient été placés sur le segment, ils sont tous situés en dessous de la tige intra-corticale, ne donnant aucune idée sur ce qui se passe entre l’insertion de celle-ci et le centre articulaire de l’épaule. Cette limite est liée à l’insertion de la tige intra-corticale car ce dispositif contraint le mouvement des masses molles. La standardisation du protocole est également une limite puisque l’un d’entre eux a dû s’asseoir. À cause de l’opération et de l’effet temporaire de l’anesthésie, les sujets disposaient de plus ou moins de temps pour effectuer l’ensemble des gestes.

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L’utilisation des tiges intra-corticales est considérée comme la méthode de référence en analyse du mouvement humain et représente le moyen d’évaluer l’efficacité d’une méthode numérique [42]. L’avantage de disposer de cette référence est qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une cohorte de sujets importante pour tester des méthodes numériques. Les résultats ont montré que la méthode d’optimisation locale utilisée dans cette partie sous-estime le déplacement moyen d’environ 45% et le déplacement maximal d’environ 50% par rapport aux valeurs obtenues avec l’os pour référence. En plus de sous-estimer le déplacement des marqueurs, il n’existe aucune corrélation entre les valeurs obtenues avec cette méthode numérique et celles constatées par rapport à l’os. Enfin, les conclusions faites à partir de cette méthode sur les marqueurs les moins soumis aux mouvements de peau ne sont pas compatibles avec celles faites à partir de la mesure corticale. En revanche les deux méthodes montrent que le déplacement moyen des marqueurs ne dépend pas du geste quel que soit le sujet. Concernant l’analyse du déplacement maximal, les deux méthodes montrent également que le geste n’a pas d’influence statistique sur le déplacement des masses molles, à l’exception du sujet S3 pour qui la méthode d’optimisation locale montre un effet du geste alors que la méthode corticale n’en relève pas.

Il existe très peu d’études qui évaluent ainsi de nouveaux algorithmes d’estimation du mouvement des masses molles. Le plus souvent les algorithmes testés cherchent à minimiser l’effet du déplacement des marqueurs pour obtenir une cinématique la plus fidèle possible à la cinématique de référence [56, 58]. En revanche Camomilla et al. [83] ont effectué ce type de comparaison à l’aide de la fluoroscopie pour développer une méthode non-invasive d’évaluation du déplacement des marqueurs, la « Multiple local Independant Observers » (MIO). Cette étude mesure le déplacement de marqueurs dans un repère anatomique à partir de plusieurs groupes de marqueurs ; l’idée est de pouvoir proposer par la suite un placement de marqueurs optimal. Il en est tout autre de l’objectif de

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la mesure effectuée dans ce mémoire à savoir, mesurer numériquement le mouvement des masses molles sous-jacentes. Cette mesure numérique doit être comparée avec la mesure de référence. Pour connaitre le mouvement des masses molles sous-jacentes, il faut considérer le segment dans sa globalité et donc considérer un seul groupe de marqueurs. Le déplacement de ces marqueurs est donc calculé en fonction d’une seule et unique référence : la position locale de chaque marqueur reconstruite par une méthode d’optimisation locale.

La méthode locale utilisée dans cette étude sous-estime le déplacement des marqueurs par rapport à la valeur de référence de l’ordre de 45 et 50% respectivement pour le déplacement moyen et maximal des marqueurs. Cette sous-estimation est également constatée par l’étude de Camomilla et al. [83]. À cette sous-estimation du déplacement des marqueurs, les valeurs obtenues par la méthode d’optimisation testée ne montrent pas de corrélation avec celles obtenues directement à partir de l’os. Alors que les coefficients de corrélation obtenus avec la MIO varient entre 0,5 et 0,9. Cette différence de résultats sur les corrélations vient du fait que cette méthode considère les marqueurs comme indépendants les uns des autres. La MIO estime le déplacement de chaque marqueur à partir de différents observateurs répartis sur le segment. Ces observateurs sont en fait des triades de marqueurs. L’hypothèse est que celles-ci peuvent subir une déformation similaire en fonction de leur emplacement sur le segment. C’est à partir de ces triades qu’est mesuré le déplacement d’un marqueur en fonction de deux conditions. La première est que la déformation de leur géométrie doit être corrélée et que le marqueur ne fait pas partie de cette géométrie. De cette manière la méthode MIO prend en compte la déformation de ces groupes de marqueurs peu importe où ils se trouvent sur le segment. Ainsi cette méthode prend en compte le fait que le mouvement des masses molles varie localement sur les segments [19, 36, 37], ce que ne permet pas la méthode d’optimisation locale utilisée dans cette étude. Cette différence entre la MIO et la méthode

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d’optimisation locale vient de leur objectif respectif. À l’inverse de la MIO, la méthode d’optimisation locale utilisée [62] dans cette partie n’a pas pour objectif principal de mesurer le déplacement des marqueurs. Son principal objectif est de déterminer une matrice de rotation optimale [63, 68, 103]. Dans le contexte de cette partie, la matrice de rotation obtenue rappelle, à chaque instant, les positions locales d’un groupe de marqueurs et compare cette position reconstruite à la position enregistrée pour calculer le déplacement des marqueurs. C’est de cette manière qu’elle est utilisée par Monnet et al. [68] pour classer des marqueurs en fonction de leur déplacement.

Les classements de marqueurs établis à partir des déplacements de marqueurs obtenus par rapport à l’os et par la mesure numérique ne montrent aucune concordance. Ces classements permettent de sélectionner les marqueurs les moins sensibles au mouvement des masses molles pour considérer le segment comme un « solide rigide » [68]. Monnet et al. [68] ont montré qu’il était possible de proposer un placement de marqueurs reproductible d’un sujet à l’autre sur deux tâches différentes. Au regard des résultats obtenus dans cette partie, il est possible de remettre en question les résultats de l’étude de Monnet et al. par rapport à l’os car l’optimisation locale utilisée est la même que celle testée dans cette partie [68]. Néanmoins, leurs résultats sur le déplacement des marqueurs montrent des similitudes avec la littérature. Ces similitudes concernent les marqueurs les plus soumis au mouvement des masses molles qu’ils identifient être ceux proche des reliefs osseux. Il s’agit là d’un résultat constaté par les études utilisant l’os comme référence [3, 6, 19, 83] et qui peut être encouragent pour la détermination de placements de marqueurs optimaux sur le membre inférieur par des méthodes numériques. C’est encourageant car les artefacts de tissus mous sont spécifiques aux segments [19, 24, 34, 83] et il n’est pas exclu que les résultats constatés sur le bras soient différents sur le membre inférieur. Il serait donc intéressant d’effectuer le même travail que

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celui mené dans cette partie sur le membre inférieur, pour valider ou invalider les résultats annoncés par l’étude de Monnet et al. [68].

La sous-estimation du déplacement des marqueurs et la non concordance des résultats obtenus par l’optimisation locale par rapport à l’os sont liés au fait que celle-ci subit la composante à l’unisson du mouvement des masses molles [36]. Cette faiblesse est commune à l’ensemble des méthodes d’optimisation segmentaire. Certes, elles améliorent l’estimation du centre articulaire par des méthodes fonctionnelles [66] et diminuent l’effet du mouvement des masses molles sur la cinématique articulaire [36, 56, 58] mais elles ne prennent pas en compte cette composante du mouvement des masses molles connues aussi sous le nom de mouvement rigide des marqueurs [13, 28, 104]. Le développement d’une méthode permettant de prendre en compte ces deux composantes devient donc nécessaire si l’on souhaite avoir une compréhension plus globale du mouvement des masses molles.

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