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4 Discussion

4.1 Discussion sur l’impact des cellules souches mésenchymateuses sur la biologie des

Concernant les cellules souches mésenchymateuses, nous avons pu tout d’abord montrer in vitro que lorsqu’elles étaient cultivées en présence de cellules tumorales ovariennes, celles-ci développaient leur pouvoir métastatique. Nous avons défini le pouvoir métastatique des cellules tumorales ovariennes comme la somme de propriétés différentes telles que la capacité à adhérer à la matrice extracellulaire, la capacité à envahir celle-ci, la prolifération des cellules malignes et enfin leur habilité à résister aux traitements de chimiothérapies. Cette somme de propriétés est nécessaire et suffisante à l’émergence chez la patiente d’une maladie métastatique résiduelle 264.

Les cellules souches mésenchymateuses sont capables d’augmenter le pouvoir métastatique de deux lignées tumorales ovariennes distinctes (NIH:OVCAR3 et SKOV3), nous avons voulu corréler cette augmentation de pouvoir métastatique à des modifications transcriptomiques chez les cellules tumorales.

Contrairement aux résultats attendus, et ce malgré des tests fonctionnels concordants, les profils transcriptomiques induits par les cellules souches mésenchymateuses se sont révélés distincts dans les deux lignées tumorales ovariennes considérées. Ceci constitue

partagée, semblable, en réponse à un même stimulus. Récemment le TCGA a publié ses travaux de caractérisation avancée des adénocarcinomes ovariens séreux. Ils sont capables, sur la base de profilage transcriptomique, d’établir différentes entités présentes au sein des adénocarcinomes ovariens séreux. Ils décrivent quatre groupes, différencié (caractérisé par l’expression de MUC1, MUC16 et SLP1), immunoréactif (caractérisé entre autre par l’expression de CXCL10, CXCL11 et CXCR3), mésenchymateux (expression élevée des gènes de la famille HOX, ANGTL1 et 2) ou encore prolifératif (haute expression d’HMGA2, SOX11, MCM2, PCNA) 37. Les différences obtenues entre NIH:OVCAR3 et SKOV3 pourraient donc s’expliquer par le fait que ces deux lignées représentent deux entités distinctes d’adénocarcinomes ovariens séreux. Il nous semble donc important pour la suite de l’étude, (i) d’identifier à quelle entité appartiennent les lignées tumorales que nous avons à notre disposition, (ii) homogénéiser nos résultats en choisissant des lignées tumorales ovariennes appartenant à la même entité.

Une fois les résultats homogénéisés une validation fonctionnelle, in vitro and in vivo des cibles identifiées sera requise. Cependant par notre démarche, et ce de façon assez intéressante, nous avons pu identifier certaines cibles déjà décrites dans la littérature. Ainsi nous avons démontré que les cellules tumorales NIH : OVCAR3, lorsqu’elles sont cultivées en présence de cellules souches mésenchymateuses, voient leur pouvoir invasif augmenter. Cette augmentation de la capacité à envahir la matrice extracellulaire est corrélée à la diminution de la protéine matricielle extracellulaire SPARC.

Les cellules souches mésenchymateuses lorsqu’elles sont recrutées au niveau du stroma tumoral sont capables d’augmenter l’agressivité des tumeurs ovariennes par la sécrétion de LPA 174,175,180. La migration et l’invasion induite par le LPA secrété par les cellules souches mésenchymateuses peuvent être inhibées par la protéine SPARC 304. Ainsi la diminution de l’expression de SPARC par les cellules tumorales ovariennes NIH : OVCAR3 est un signe clair de l’induction par les cellules souches mésenchymateuses d’un pouvoir métastatique renforcé 305,306.

Nous avons pu aussi identifier une autre cible de choix. En effet, en co-culture, l’expression du récepteur CXCR4 par les cellules tumorales ovariennes est augmentée. Le ligand du CXCR4 est le CXCL12 (aussi connu sous le nom de SDF1). Cette cytokine est impliquée de façon majeure dans les phénomènes de migration, d’invasion et d’initiation de la métastase 181,183,184. Cette augmentation de l’expression du récepteur à cette cytokine pro-inflammatoire et pro-tumorale pourrait rendre la cellule tumorale ovarienne plus « sensible » au stimulus pro-tumoral délivré par les cellules souches mésenchymateuses.

Le CXCL12 est une molécule pivot dans la physiologie des tumeurs ovariennes, capable d’induire la survie des cellules malignes, leur prolifération ou encore renforcer leur interaction aux cellules mésothéliales péritonéales, elle constitue une molécule de choix dans l’étude la maladie ovarienne résiduelle et métastatique 274.

Malgré son rôle proéminent sur la biologie des tumeurs d’origines ovariennes, il existe encore peu d’études s’intéressant au rôle du CXCL12 sur les résistances aux thérapies anticancéreuses.

Dans la deuxième partie de ce travail de thèse nous nous sommes intéressés au rôle du CXCL12 sur l’émergence des résistances à une alternative thérapeutique dans les cancers de l’ovaire : la chimiothérapie intra-péritonéale hyperthermique 307. La chimiothérapie intra-péritonéale hyperthermique présente deux avantages majeurs. Le premier est le mode de délivrance du médicament au sein même de la cavité péritonéale. Le second est le choc thermique induit sur les cellules tumorales. Ce choc thermique est d’une part toxique pour les cellules tumorales : l’augmentation de la température, conduit à l’agrégation des protéines dans le cytoplasme, l’acidification de celui-ci, le renforcement de l’interaction protéines-ADN par changement de conformation conduisant à l’occurrence d’évènements clastogènes. Ce choc thermique agit, d’autre part, en synergie avec les thérapies à base de sels de platines. En effet l’augmentation de la température intranucléaire renforce l’interaction des adduits de platine avec leur ADN cible, augmentant ainsi la cytotoxicité du sel 308.

Cependant les résultats des différents essais cliniques utilisant la chimiothérapie intra- péritonéale hyperthermique, n’ont pas rencontré les résultats escomptés 279,280.

Bien que l’hyperthermie seule ne constitue pas une modalité thérapeutique, nous avons voulu dans le cadre de ce travail, démontrer qu’il existe dans le microenvironnement tumoral une source de résistance à cette alternative thérapeutique.

Nous avons tout d’abord pu démontrer que, contrairement aux cellules tumorales ovariennes, les cellules souches mésenchymateuses ne sont pas sensibles aux chocs hyperthermiques. Une des raisons pour lesquelles les cellules souches mésenchymateuses ne sont pas affectées par ce stress, pourrait être leur relatif état de quiescence. En effet, puisque le choc hyperthermique a pour conséquence la création de cassures simple- et double-brin de l’ADN, la quiescence des cellules souches mésenchymateuse leur permettrait d’échapper à la mort cellulaire programmée par défaut

Nous avons pu ensuite montrer que, lorsque les cellules tumorales ovariennes sont cultivées en présence de cellules souches mésenchymateuses, les cellules malignes étaient moins sensibles à la mort cellulaire liée à l’hyperthermie. L’action protectrice des MSC serait en grande partie dirigée par la cytokine CXCL12, étant donné que l’ajout d’un

Figure 16: Schéma récapitulatif des résultats obtenus sur l’effet des MSC sur la biologie des cellules tumorales ovariennes.

Les cellules en bleu représentent les cellules tumorales ovariennes. Les cellules en vert représentent les cellules souches mésenchymateuses. Les gènes surexprimés dans les cellules tumorales ovariennes sous l’effet des MSC sont représentés en rouge, tandis que les gènes sous-exprimés sont représentés en vert.

anticorps monoclonal bloquant le principal récepteur du CXCL12 est capable de reverser le phénomène de thermo-tolérance 265.

On peut entrevoir au moins deux limites à ce travail. Tout d’abord nous avons, durant cette étude, utilisé exclusivement des lignées de cellules tumorales ovariennes, plus particulièrement SKOV3 et CaOV3. Ces deux lignées exhibent une résistance accrue aux thérapies standard. On notera que celles-ci résistent aux doses de sel de platine cliniquement administrées. Puisque l’un des mécanismes par lequel l’hyperthermie exerce son effet cytotoxique est partagé avec les mécanismes d’action des sels de platines, on peut envisager que les lignées tumorales que nous avons utilisées présentent aussi une résistance accrue au stress hyperthermique. Ainsi répéter ces expériences en utilisant des cellules tumorales ovariennes primaires nous permettrait de comprendre la régulation fine de la protection apportée par les cellules souches tumorales ovariennes.

La deuxième limite de cette étude, est sa restriction à l’étude d’un phénomène in vitro. En effet, la compréhension de toute forme de résistance pharmacologique nécessite la mise au point d’un modèle animal. La mise au point d’un modèle animal, nous permettrait, tout d’abord d’insérer une hétérogénéité de traitement sur les cellules tumorales. On peut envisager que le stress hyperthermique ne se propage pas de façon uniforme au sein d’un nodule tumoral, on peut aussi, de la même manière, estimer que le CXCL12 secrété par les cellules souches mésenchymateuses ne diffuse pas de manière homogène. Il est donc certain que la suite de ce travail s’attachera à créer un modèle de thérapie par hyperthermie chez le petit animal en carcinose péritonéale.

Nous avons donc pu démontrer que les cellules souches mésenchymateuses participent à la progression tumorale et à l’émergence de résistance aux traitements. Cependant, l’utilisation du type cellulaire souche mésenchymateux peut être sujet à controverse, du moins à discussion. Bien que le concept de cellules souches mésenchymateuses soit aujourd’hui communément accepté dans la communauté scientifique, leur phénotype, leurs origines ainsi que leurs fonctions restent très élusives. De nombreux groupes travaillant sur ce type cellulaire ont pu générer des résultats extrêmement différents ne serait-ce que sur la capacité des cellules souches mésenchymateuses à s’auto- renouveler, ou encore sur l’éventail de leur multi-potence (revu dans 309).

Les divergences concernant les résultats obtenus sur les MSC peuvent s’expliquer, au moins partiellement, par la présence au sein des cultures cellulaires, d’un pool de précurseurs hétérogènes en terme de nature et d’origine bien qu’ils semblent similaires

rare d’observer en culture la présence de clones présentant des différences de morphologies 310-312, de prolifération 312, de capacité à se différencier 311 ou à générer des implants osseux en injection ectopique 312,313.

L’isolation de clones de cellules stromales mésenchymateuses à partir de cordons ombilicaux, ou de membrane fœtale, a pu nous montrer, d’une part que ces clones présentent une grande variabilité en terme de capacité à se différencier et à s’auto- renouveler ; et d’autre part ces différents génèrent des cellules filles qui au fil des générations vont perdre peu à peu leur caractère multipotent 314.

L’ensemble de ces données suggèrent que ce que nous appelons de façon conventionnelle les cellules souches mésenchymateuses proviennent, du moins contiennent, un pool de précurseurs mésenchymateux ou de cellules souches, qui pourraient être organisé hiérarchiquement, de façon analogue aux autres systèmes «souches» décrits dans la littérature.

Au delà des cellules souches mésenchymateuses, certains groupes de recherche suggèrent qu’il existe un groupe de cellules adultes multipotentes capables de générer in vitro l’intégralité des trois feuillets embryonnaires. Ces cellules souches multipotentes adultes, résideraient à l’instar des cellules souches mésenchymateuses, au sein de nombreux tissus, et pourraient donc contaminer les protocoles d’isolation des MSC. Cependant, il est important de souligner que l’existence de ces cellules souches multipotentes adultes 315-317 demeure à ce jour une théorie controversée, du fait de l’absence de description précise de leurs propriétés biologiques, et d’une caractérisation détaillée.

Une considération importante à prendre en compte est, qu’en plus d’exhiber des morphologies différentes en culture ou des capacités de différentiation assez variées 310-

312

, les cellules souches mésenchymateuses isolées de différents tissus embryonnaires, post-nataux ou encore adultes, présentent des profils transcriptomiques assez distincts318-

320

. Ces résultats suggèrent que ce que nous appelons conventionnellement les cellules souches mésenchymateuses, lorsqu’elles sont isolées de tissus différents, puis sélectionnées sur leur capacités à adhérer, ou par d’autres méthodes de culture, ne constituent pas forcement un type cellulaire à part entière et pourraient exhiber des propriétés biologique assez différentes.

Collectivement, ces travaux démontrent que les cellules souches mésenchymateuses, ou plutôt les cellules stromales mésenchymateuses, pourraient provenir d’une panoplie de précurseurs multipotents tissus-spécifiques résidants au sein des tissus adultes, et présenteraient des degrés divers de plasticité et d’auto-renouvellement.

L’identité assez élusive du type cellulaire souche mésenchymateux, limite grandement l’étude de son rôle sur la biologie des tumeurs, solides ou d’origine hématopoïétique, et explique en partie la variété, voir les contradictions, des résultats publiés dans la littérature scientifique.

Un des défis à relever pour comprendre l’impact réel des cellules souches mésenchymateuses sur la biologie des tumeurs sera (i) de définir une équivalence biologique ainsi qu’une organisation hiérarchique entre les précurseurs mésenchymateux isolées à partir des différents organes, (ii) de comprendre leur origine développementale, et (iii) de caractériser leur propriétés de différenciation ainsi que leur contribution exacte à l’homéostasie tissulaire.

4.2 Discussion sur le rôle des cellules endothéliales sur l’émergence