• Aucun résultat trouvé

Après avoir interagit avec les glycoconjugués des cellules cibles, MorG peut déclencher des signalisations intracellulaires conduisant à l’activation et à la mort des lymphocytes. A faible dose (5 à 10 !g/ml), MorG est capable d’activer des PBMC prélevées chez des individus sains, et notamment les populations lymphocytaires T et NK. En revanche, à la différence de MorM, MorG est capable d’activer également les lymphocytes B. A plus forte dose (20 !g/ml), comme MorM, MorG induit une perte de viabilité cellulaire de PBMC activées, et plus particulièrement de lymphocytes T activés, et des lymphocytes T leucémiques Jurkat. Cependant, en ce qui concerne les lymphocytes T leucémiques, tandis que la toxicité de MorM induite en 24 h nécessite l’absence de SVF, MorG induit leur mort en présence de SVF, suggérant que MorG est plus toxique sur cette lignée tumorale. Les différences d’effets biologiques entre MorM et MorG peuvent être dûs, en partie, à leur différence de spécificité de reconnaissance glycanique : la N-glycosylation pour MorM et la O-glycosylation pour MorG. Certaines molécules impliquées dans l’activation des lymphocytes ne possèdent que des sites de N-glycosylation (par exemple, les CD3, CD4, CD28 et CD45RO), d’autres présentent à la fois des sites de O- et de N-glycosylation (par

exemple CD7 et CD8) (Tab. 7). La même remarque peut être faite avec les récepteurs de mort, qui sont classiquement impliqués dans le contrôle négatif de l’activation lymphocytaire (AICD) [316] ou dans l’élimination des cellules cancéreuses [321]: DR5 serait uniquement O- glycosylé tandis que Fas serait seulement N-glycosylé (Tab. 7).

Après avoir évalué l’expression des antigènes Tn à la surface des cellules, il apparaît que l’activité cytotoxique de MorG est dépendante du niveau d’expression de ces antigènes. En effet, alors que les lymphocytes T CD3 naïfs, qui n’expriment pas l’antigène Tn, sont résistants à la cytotoxicité induite par MorG, les lymphocytes T activés et les cellules Jurkat, qui expriment l’antigène Tn à leur surface, sont sensibles à la cytotoxicité induite par MorG. Les lymphocytes T activés expriment un niveau intermédiaire d’antigène Tn qui résulte en une cytotoxicité intermédiaire de la lectine. Donc, MorG pourrait être un nouvel outil thérapeutique pour le traitement des lymphocytes pathologiquement actifs et/ou leucémiques lorsque ceux-ci surexpriment l'antigène Tn. En revanche, l’ensemble des expériences de toxicité réalisées avec Jurkat montre qu’il y a toujours une population résistante (environ 30% des cellules) à la mort induite par MorG. Cette résistance ne s’explique pas par le fait que certaines cellules échapperaient à l'interaction avec la lectine car les expériences de cytométrie en flux montrent une seule population homogène marquée par la lectine. Il serait intéressant de déterminer les mécanismes de résistance de ces cellules (déficience en caspases, expression de molécules anti-apototiques…).

Les expériences d’analyse, par microscopie optique et cytofluorimétrie, de la cytotoxicité de la lectine sur les cellules Jurkat mettent en évidence la présence de différents types de morts cellulaires, avec une dominante apoptotique. La lectine pourrait ainsi induire différents mécanismes de mort, comme cela a été observé avec la Concanavaline A, qui peut induire une mort par apoptose ou par autophagie [131,136]. Le phénomène d’apoptose peut s’expliquer de diverses manières. Le contact des cellules leucémiques avec MorG déclenche l’activation de la caspase-8 (dépendante des récepteurs de mort) intervenant au niveau de la voie extrinsèque et intrinsèque, mais aussi de la caspase-9 intervenant au niveau de la voie intrinsèque mitochondriale, les 2 voies convergeant pour activer la caspase-3. L’activation de cette dernière participerait au clivage de PARP. De plus, les cellules présentent une

capases-8 et -10 ou de la protéine FADD, qui joue un rôle indispensable dans la transmission du signal apoptotique entre les récepteurs de mort et les caspases initiatrices -8 et -10, permet l'échappement des cellules à la mort induite par MorG. Le même résultat est obtenu en absence de la caspase-9, ce qui est un argument de plus en faveur d’une mort apoptotique. Parmi les récepteurs de mort FADD-dépendant présents à la surface des cellules Jurkat, seul le récepteur DR5 possède des sites de O-glycosylation, et constitue donc une cible potentielle pour la lectine. Les expériences de neutralisation du récepteur DR5 ou de son ligand naturel TRAIL ont permis de mettre en évidence une résistance partielle des cellules à la mort induite par MorG. Ce résultat suggère (1) que la cytotoxicité de la lectine serait médiée en partie par son interaction avec le récepteur DR5, (2) que l’interaction de MorG sur les cellules leucémiques peut entraîner une sécrétion de TRAIL qui, dans un second temps, peut se lier sur son récepteur DR5.

Pour vérifier l’implication du récepteur DR5, il serait intéressant de démontrer la réalité de l’interaction de MorG avec le récepteur. L’utilisation de siRNA dirigés contre le récepteur DR5 pourrait apporter un premier élément de réponse car après avoir vérifié le « silencing » de DR5, si les cellules résistent a la mort induite par MorG cela renforcerait l’idée que le récepteur DR5 est impliqué. La modélisation moléculaire prédictive a permis de démontrer la possibilité d’interaction de la lectine sur le récepteur DR5 au niveau de plusieurs sites glycaniques potentiels (sites "superficiels" 74, 75, 77 et sites "moyens" 130, 131, 132). De plus, l’orientation des cavités de reconnaissance glycanique de la lectine suggère qu'elle serait capable de dimériser le récepteur et/ou de former des agrégats de monomères ou de trimères de DR5, avec ou sans ligand. L’agrégation des récepteurs de mort est une étape essentielle au déclenchement de la signalisation. Des expériences d’immunoprécipitation de la lectine et du récepteur DR5 sont en cours de réalisation dans le but de vérifier la présence de la lectine dans la fraction contenant le récepteur.

En ce qui concerne l'induction de la sécrétion de TRAIL sous l'effet de la lectine, la réalisation de dosages ELISA permettrait de vérifier l’hypothèse. Ce phénomène pourrait être déclenché par l'interaction de la lectine avec des glycoprotéines possédant des sites de O- glycosylation et connues pour être impliquées dans la modulation de l'activation, mais aussi de la mort lymphocytaire. C'est le cas de CD7 ou CD45 qui sont connus pour leur propriété modulatrice de la mort [34,174] et de l'activation cellulaire [173].

Pour que MorG vienne interagir efficacement avec les cellules leucémiques Jurkat, que ce soit sur le récepteur DR5 ou une autre molécule, il faut que les cellules soient O- glycosylées. En effet, l’utilisation de benzyl-GalNac comme inhibiteur de la O-glycosylation

a entraîné une diminution de la réactivité et de la cytotoxicité de MorG sur les cellules. Cependant cette résistance n'est pas totale. Il est sans doute nécessaire d’inhiber plus intensément la O-glycosylation pour potentialiser cette résistance. Par conséquent il serait intéressant d’utiliser des siRNA dirigés contre la GalNAc-transférase qui catalyse le transfert de la N-acétyl-galactosamine sur une sérine ou une thréonine (antigène Tn). Il serait également intéressant de tenter d'inhiber la cytotoxicité de MorG par addition de sucres (galactose, N acétyl-galactosamine, antigène Tn) ou de protéines O-glycosylées (Mucines).

En conclusion, les mécanismes possibles de la mort des cellules leucémiques induite par MorG peuvent être déclenchés par une interaction avec (1) des récepteurs de mort O- glycosylés tels que DR5, (2) des molécules O-glycosylées de la surface cellulaire (comme CD45 [15]) qui peuvent activer la voie intrinsèque de la mort cellulaire apoptotique, (3) des molécules activatrices O-glycosylées (telles que CD45) qui peuvent induire la production de ligands de mort (FasL, Apo2L/Trail, TNF) qui, a leur tour, vont se lier sur leur récepteur de mort respectif (Fig. 31).