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Les résultats de l’inventaire aérien de 2009 confirment l’augmentation appréhendée du cheptel d’orignaux à la suite de l’examen de différents indices issus de la récolte, sportive et de subsistance, et des modifications du couvert forestier dans la zone 17 (voir Leblanc 2007). En effet, en utilisant l’estimation des effectifs totaux pour la zone, l’augmentation se chiffrerait à 74 % depuis 2003, ce qui correspond à un taux de croissance annuel moyen de l’ordre de 9,86 %. Dans l’hypothèse où les effectifs de population estimés en 2003 et 2009 correspondraient aux valeurs estimées les plus faibles, c’est-à-dire les bornes inférieures en considérant l’intervalle de confiance de l’estimateur, le taux de croissance des effectifs aurait atteint 10,6 %.

Cette croissance notable de la population d’orignaux s’est fort probablement amorcée au début des années 2000, sans toutefois qu’il soit possible de la détecter dans les résultats d’inventaire de 2003, compte tenu des limites des outils statistiques. Comme ce fut observé dans d’autres zones de chasse, la protection des femelles est un des principaux facteurs responsables de cette augmentation. Même si la productivité des femelles semble inférieure à la moyenne des autres zones de chasse, un nombre croissant de femelles en âge de se reproduire contribue inexorablement à une croissance de la productivité. L’augmentation concomitante du succès de chasse, davantage que le nombre total de bêtes récoltées par la chasse sportive, témoigne bien de cette augmentation de la disponibilité d’orignaux durant cette période.

L’estimation de la productivité obtenue en 2009 se compare étroitement aux valeurs estimées dans la zone 17 en 2003 (42,1 ± 22,1 %), 1991 (35,4 ± 5 %) et 1985 (41,0 ± 16 %) (St-Pierre et al, 2005). Une productivité variant entre 35 et 45 faons par 100 femelles semble donc caractériser cette population. Elle est inférieure à la valeur moyenne estimée pour le Québec, soit 53,5 faons par 100 femelles (Lefort, 2009, comm. pers.)1. Dans la zone 16 directement au sud, la productivité est d’ailleurs plus élevée, car elle se chiffre à environ 66 faons par 100 femelles (Paré, 2003 dans Lamontagne et Lefort, 2004). Crête et Dussault (1986) considèrent qu’un ratio

1 Ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

supérieur à 60 faons par 100 femelles indique une productivité excellente; moyenne lorsque entre 40 et 60, et déficiente lorsque inférieur à 40. La productivité dans la zone 17 pourrait donc être qualifiée de faible. La forte productivité mesurée en 1996 (70,5 faons/100 femelles) pourrait être attribuée à une plus grande proportion de femelles matures, plus productives et plus méfiantes, donc moins sujettes à l’abattage, alors que les modalités de chasse avant 1996 permettaient la récolte de femelles. Bien que l’hypothèse d’un aléa de l’échantillon ne peut être écartée, l’explication précédente semble plus plausible dans une situation où la population était en décroissance à cette époque.

Courtois et al (1993) ont observé un taux de survie très élevé chez les faons sur la Côte-Nord en raison de l’impact marginal de la prédation, ce qui compenserait pour la productivité moindre des milieux nordiques. Le taux de mortalité naturelle annuel mesuré lors de cette étude était de 8,9 % et est considéré comme moyen en Amérique du Nord (Courtois et al 1993). Bien qu’on ne connaisse pas le taux de mortalité naturelle engendré par le loup ou l’ours noir dans la zone 17, on peut penser qu’il se situe dans le même ordre de grandeur, soit entre 8 % et 10 %.

La comparaison des parcelles inventoriées à la fois en 1996 et 2009 indique que l’augmentation des effectifs d’orignaux se serait manifestée particulièrement dans les portions du territoire associées à la strate faible (tableau 1). En effet seule cette strate montre une différence significative dans le nombre d’orignaux observés entre 1996 et 2009 bien que dans la strate moyenne, on se rapproche du seuil de signification indiquant une tendance à la hausse.

La strate faible représente la majeure partie de l’habitat disponible dans la zone 17.

Or, compte tenu de la dominance du couvert résineux dans les parcelles associées à cette strate, les modifications apportées par l’activité forestière ont eu plus d’effets positifs sur la qualité et la quantité de l’habitat pour l’orignal que les parcelles classées dans la strate forte relativement bien pourvues en peuplements feuillus et mixtes, , jeunes ou matures ou en régénération. Les effets d’une augmentation de la disponibilité de peuplements feuillus, mixtes ou en régénération plus favorables à

l’orignal seraient donc plus importants dans les strates dont la qualité des habitats, et par conséquent le potentiel, pour l’orignal était moindre avant les perturbations.

Dans l’ouest de la zone de chasse, l’examen des données d’inventaire forestier a démontré que les peuplements feuillus et mixtes ont remplacé des peuplements résineux durant les années 70, tendance qui est moins marquée dans l’est de la zone.

Globalement, les superficies occupées par les peuplements feuillus et mixtes ont presque doublé durant les trente dernières années, passant de 8,6 % dans les années 70 à 16,2 % dans les années 90 (Leblanc, 2007). Enfin, lors de l’inventaire en 2003, l’équipe avait observé un grand nombre de sites à bon potentiel d’habitat pour l’orignal, mais qui n’étaient pas fréquentés au moment de l’inventaire (St-Pierre et al, 2005), probablement à cause de la plus faible densité d’orignaux présente à ce moment. Avec la croissance des effectifs, ces sites sont colonisés par des jeunes adultes en dispersion. Une étude plus approfondie de l’évolution de l’habitat sera effectuée à partir de données écoforestières pour documenter davantage cet aspect.

La proportion de femelles dans la population a augmenté entre 1996 et 2009, ce qui reflète bien les résultats des mesures prises en 1996 visant à protéger les femelles dans le cadre de la chasse sportive. Les chasseurs cris ont également redirigé de façon volontaire leur effort de chasse vers le segment mâle. Durant cette même période, le nombre de mâles par 100 femelles est passé de 52,4 à 34,0. Cette baisse est également perceptible dans la proportion de mâles dans la population. En effet, les mâles comprenaient 23,5 % des effectifs observés en 1996 comparativement à 18,9 % en 2009. Il est généralement reconnu que pour maintenir une bonne productivité, la proportion de mâles adultes devrait se maintenir à plus de 30 % (Lamontagne et Lefort, 2004). Toutefois, Taquet et al (1999) ont démontré qu’un rapport des sexes fortement débalancé (19 % de mâles adultes) n’avait pas d’effets sur la survie des faons en raison d’une fécondation tardive des femelles. Or, comme la productivité de 2009 est similaire à celle 2003, soit près de 45 faons par 100 femelles, rien n’indique qu’une proportion insuffisante de mâles caractérise cette population. En d’autres termes, il y aurait suffisamment de mâles pour assurer la reproduction dans ce cheptel dont les effectifs sont fortement représentés par des femelles.

Les résultats de la chasse sportive ont démontré une augmentation de la récolte entre 2002 et 2006. Cette hausse s’est poursuivie en 2007 et 2008 où on a enregistré respectivement 89 et 82 orignaux alors que les Cris présentaient une récolte de 106 orignaux en 2007-2008 et de 120 orignaux en 2008-20092. Cette augmentation de la récolte s’est traduite par une hausse de 2,5 % du taux d’exploitation global (chasse sportive et de subsistance) calculé pour 2008 comparativement à la valeur calculée pour 2002 (tableau 4). La hausse est concentrée sur les mâles, car c’est sur ce segment de la population que la pression de chasse est orientée.

Bien que la déclaration de la récolte de subsistance de gros gibier soit encadrée en vertu d’une entente administrative, il est admis qu’une proportion de la récolte ne soit pas déclarée par les maîtres de trappe. St-Pierre et al (2005) ont majoré le taux d’exploitation de 15 % pour tenir compte des orignaux récoltés, mais non déclarés.

Cette valeur demeure une évaluation sommaire, car il n’y a pas de données disponibles pour l’estimer.

Dans un objectif de croissance d’une population exploitée, Timmerman et Buss (1998) indiquent que le taux d’exploitation ne devrait pas dépasser 12 %. Or, si on ajoute à l’estimé du taux d’exploitation majoré de 2008 (12,2 %), le taux d’accroissement des effectifs, à l’échelle de la zone, estimé à 9,7 % entre 2003 et 2009, la productivité de cette population serait autour de 21,9 %. Cette valeur se situe dans les valeurs moyennes au Québec, soit entre 20 % et 25 % annuellement (Claude Dussault, comm. pers.)3. Évidemment, le taux d’exploitation ne devrait pas dépasser cette valeur afin d’éviter la décroissance de la population. Dans le cas présent, depuis l’application des mesures visant la protection des femelles, le taux d’exploitation se maintient entre 8 % et 12 %, favorisant ainsi la croissance de cette population.

2 La période chasse de subsistance s’étend généralement de l’automne au printemps suivant

3 Ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

Tableau 4. Comparaison du taux d’exploitation de l’orignal dans la zone de chasse 17 estimé suite aux trois derniers inventaires. Le taux entre parenthèses inclut une majoration de 15 % pour les orignaux récoltés mais non enregistrés.

Taux exploitation (%)

Segment 1995a 2002 2008

Mâles 40 22,9 (26,4) 35,2 (40,5)

Femelles 19 2,9 (4,5) 3,5 (4,1)

Faons 11 2,1 (2,5) 2,7 (3,1)

Total adultes 27 9,7 (11,2) 13,1 (15,1)

Total 22 8,1 (9,3) 10,6 (12,2)

a : calculé à partir de la moyenne des récoltes de 1994 et 1995 alors que le scénario de l’alternance était en application.

Il faut toutefois demeurer prudent compte tenu de l’incertitude reliée au taux d’exploitation découlant de la récolte déclarée et de la variation interannuelle qui sont difficiles à estimer. On devra également chercher à préciser davantage la récolte de subsistance afin de réduire l’incertitude sur le taux d’exploitation combiné.

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