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Discussion générale

Dans le document UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES (Page 90-97)

7 week-old BalB/C

6. Discussion générale

Au sein du laboratoire, une étude portant sur la dimérisation des récepteurs CCR2 et CCR5 a montré que ces récepteurs étaient capables de former des homodimères et des hétérodimères de manière constitutive, et que la formation de ces hétérodimères entraîne un phénomène de coopérativité négative, où l’activation de l’un des récepteurs inhibe la liaison des chimiokines spécifiques sur l’autre. Nous avons dès lors voulu étendre cette étude au récepteur CXCR4, phylogénétiquement plus éloigné que les récepteurs CCR2 et CCR5 entre eux. Lors de ce travail de thèse, nous avons étudié la dimérisation des récepteurs aux chimiokines CCR2, CCR5 et CXCR4 entre eux, ainsi que les conséquences pharmacologiques et fonctionnelles de ce phénomène, tout d’abord dans un système hétérologue où deux récepteurs sont co-exprimés. De manière plus précise, nous nous sommes focalisés sur les interactions entre CXCR4 et CCR2 d’une part, et CXCR4 et CCR5 d’autre part.

Comme démontré précédemment par différents groupes, nous avons mis en évidence la dimérisation des récepteurs CCR2 et CXCR4 par des techniques de BRET. Nous avons également montré, par cette même technique, que CCR5 est également capable d’hétérodimériser avec CXCR4, ce qui est en désaccord avec plusieurs études préalables. Toutefois, ce phénomène d’hétérodimérisation entre CXCR4 et CCR5 n’est pas inattendu, compte tenu de la similarité importante entre les récepteurs CCR2 et CCR5, et ce particulièrement au sein des segments transmembranaires, domaines connus pour leur implication dans les interactions inter-récepteurs. Il était donc probable que si CCR2 hétérodimérisait avec CXCR4 avec la même affinité qu’il homodimérisait, CCR5 serait également capable de former des dimères avec CXCR4. Nous avons ensuite voulu étudier l’influence de la stimulation de ces récepteurs sur leur état dimérique. Différentes études se contredisent à ce sujet, certaines montrant un effet des ligands sur la dimérisation (Mellado et al., 2001;Rodriguez-Frade et al., 1999;Vila-Coro et al., 1999) alors que d’autres études montrent que ceux-ci n’influencent pas l’état des dimères (Benkirane et al., 1997;El Asmar et al., 2005;Issafras et al., 2002). Dans notre étude, la stimulation des hétérodimères par des chimiokines ne modifiait pas les valeurs des BRET50 mais avait des conséquences sur le

BRETMAX. En effet, MCP-1 augmente les valeurs maximales du transfert d’énergie pour le couple CCR2-hRluc/EYFP, alors qu’il n’en est rien pour le couple CXCR4-hRluc/CCR2-EYFP. En ce qui concerne les dimères CCR5/CXCR4, nous avons observé des résultats similaires : MIP-1β et SDF-1α augmentent les valeurs maximales de transfert d’énergie du couple CCR5-hRluc/CXCR4-EYFP, mais ne semblent avoir aucune influence sur le couple CXCR4-hRluc/CCR5-EYFP. Des variations de signal induites par l’ajout de ligands ont parfois été interprétées comme une régulation de la dimérisation par ces ligands. Il faut cependant considérer que l’efficacité de signal BRET est fortement influencée par l’orientation relative et la distance entre les protéines accepteuses et donneuses. Nos résultats seraient donc plutôt compatibles avec l’hypothèse selon laquelle les effets des ligands sur le signal BRET résulteraient de changements conformationnels au sein de dimères préexistants plutôt que d’un changement du nombre de dimères (Ayoub et al., 2002;Ayoub et al., 2004;Percherancier et al., 2005).

Afin d’étudier les conséquences fonctionnelles et pharmacologiques de l’hétérodimérisation de récepteurs aux chimiokines, nous avons sélectionné des clones CHO qui expriment les récepteurs CCR2, CCR5 ou CXCR4 seuls ou CCR2/CXCR4 et CCR5/CXCR4 en co-expression. Les taux d’expression de récepteurs permettent des études de compétition de liaison ainsi que des études fonctionnelles et biochimiques. Le niveau d’expression dans les lignées co-exprimant deux récepteurs est similaire pour les deux récepteurs, que ce soit dans les lignées CCR2/CXCR4 ou CCR5/CXCR4. Ces lignées ont été testées de manière répétée et l’expression de récepteurs à la surface des cellules reste stable au cours du temps.

Nous avons alors préparé des membranes à partir de ces lignées cellulaires, nous permettant d’étudier les propriétés de liaison de molécules agonistes ou antagonistes dans un contexte où l’implication de cascades de signalisation intracellulaire est exclue. Ces membranes nous permettent d’investiguer la capacité de différents types de ligands à interférer avec la liaison de chimiokines. Dans notre cas précis, nous avons voulu étudier l’influence des chimiokines et de molécules antagonistes des récepteurs CCR2, CCR5 et CXCR4 sur la liaison des chimiokines 125I-MCP-1, 125I-MIP-1β et 125I-SDF-1α. De manière générale, les expériences de liaison ont abouti à des observations similaires à ce qui a été reporté au sein du laboratoire pour les hétérodimères CCR2/CCR5 : une inhibition croisée de la liaison de ligands entre CCR2 et CXCR4, et entre CCR5 et CXCR4 lorsque ces récepteurs

étaient co-exprimés au sein de la même lignée cellulaire. Nous avons donc mis en évidence un effet de coopérativité négative entre les deux poches de liaison de ligands d’un hétérodimère de récepteurs. En effet, dans le cadre des hétérodimères CCR2/CXCR4, la liaison du ligand spécifique de CXCR4, 125I-SDF-1α, était inhibée par MCP-1 uniquement lorsque les deux récepteurs étaient co-exprimés. De manière similaire, SDF-1α inhibe la liaison de 125I-MCP-1 lorsque les deux récepteurs sont co-exprimés, alors que SDF-1α n’a aucun effet sur la liaison de MCP-1 lorsque CCR2 est exprimé seul. Cette compétition est de l’ordre de 35%, ce qui est tout à fait compatible avec les niveaux d’expression similaires de récepteurs dans la lignée cellulaire étudiée et leur tendance relative à former des homo ou hétérodimères. De manière tout à fait similaire, et pour les dimères CCR5/CXCR4, des compétitions hétérologues de chimiokines spécifiques aux récepteurs ont été mises en évidence, et ce, uniquement lorsque les deux récepteurs sont co-exprimés. Ainsi, MIP-1β et SDF-1α inhibaient respectivement la liaison de 125I-SDF-1α et 125I-MIP-1β.

Cette étude a également révélé des propriétés de molécules antagonistes tout à fait nouvelles. En effet, nous avons montré que des molécules antagonistes spécifiques sont capables de transinhiber l’autre membre du dimère, et ce, sans pour autant s’y lier. Ces phénomènes de coopérativité négative et de transinhibition sont observés pour les dimères CCR2/CXCR4 et CXCR4/CCR5. De manière plus précise, l’AMD3100, molécule antagoniste de CXCR4 est capable d’inhiber la liaison et la signalisation induite par MCP-1 ou MIP-1β, respectivement lorsque les récepteurs CCR2 et CXCR4 d’une part et CCR5 et CXCR4, d’autre part, sont co-exprimés. Similairement, le TAK-779, molécule antagoniste de CCR2 et de CCR5, inhibe la liaison et la réponse induite par SDF-1α dans des cellules recombinantes aussi bien que dans des cellules natives. Ces données sont tout à fait originales car elles montrent qu’il faut prendre en compte l’hétérodimérisation de récepteurs et les effets qui en découlent dans l’étude de ces récepteurs. En effet, l’AMD3100 est une molécule de type bicyclame décrite comme un antagoniste de CXCR4 mais sans effets sur d’autres récepteurs, incluant CCR2 et CCR5 (Fricker et al., 2006). Toutefois, ces études ont été réalisées dans des lignées cellulaires surexprimant un seul récepteur, excluant ainsi tout effet potentiel dû à la dimérisation de récepteurs.

Les mécanismes moléculaires sous-tendant la trans-compétition de liaison au sein des hétérodimères CCR2/CXCR4 et CCR5/CXCR4 ne sont toutefois pas déterminés précisément. En théorie, cette compétition pourrait résulter d’une variété d’interactions au

sein des membres du dimère. Premièrement, la formation d’hétérodimères pourrait modifier la structure des sites de liaison individuels, de manière à ce que le site d’un récepteur liant une chimiokine spécifique dans les états monomériques et homodimériques accommoderait la liaison d’autres chimiokines lorsqu’il dimérise avec un second récepteur. Cependant, cette hypothèse paraît peu probable, étant donné que les propriétés de liaison des ligands propres de chaque récepteur apparaissent inchangées suite à la co-expression de deux récepteurs. En effet, dans les tests de liaison, que ce soit de 125I-MIP-1 , de 125I-MCP-1 ou de 125I-SDF-1α, les IC50 mesurés pour les compétitions homologues sont inchangés, que ces tests soient effectués sur des cellules exprimant le récepteur seul ou sur des cellules co-exprimant deux récepteurs. De plus, aucune compétition pour 125I-MIP-1 ou pour 125I-MCP-1 n’a été observée lors de l’utilisation d’un anticorps monoclonal anti-CXCR4, ou pour la liaison de 125

I-SDF-1α lors de l’utilisation d’un anticorps anti-CCR5 et d’un anti-CCR2, démontrant ainsi que chaque traceur iodé continue de se lier à son récepteur spécifique au sein du dimère.

Une seconde hypothèse pourrait être qu’une chimiokine liée à un des récepteurs empiète sur le site de liaison de l’autre récepteur du dimère, empêchant de cette manière la liaison simultanée d’une seconde chimiokine sur le complexe dimérique. L’observation que les anticorps monoclonaux se liant à l’un des récepteurs n’empêchent pas la liaison de la chimiokine sur l’autre partenaire du dimère malgré une taille plus grande que celle des chimiokines, plaide en défaveur de cette hypothèse.

Une troisième hypothèse pourrait être que la liaison d’un agoniste, ou d’un antagoniste à l’un des récepteurs induirait un changement conformationnel au sein de chaque membre du dimère, modifiant de cette façon le site de liaison de l’autre récepteur. Cette dernière hypothèse semble être appuyée par les données BRET selon lesquelles les ligands auraient une influence différente sur le dimère en fonction de l’orientation relative des deux partenaires du dimère. De plus, des cinétiques de dissociation de ligands après dilution du traceur montrent que les ligands spécifiques d’un récepteur peuvent promouvoir la dissociation du traceur lié à l’autre récepteur, démontrant de manière non ambiguë la dimension allostérique de la coopérativité négative de liaison. Par conséquent, c’est cette dernière hypothèse que nous privilégions actuellement, qui consiste en l’induction d’un changement conformationnel concerté dans les deux partenaires du dimère de récepteurs (Figure 8).

D’un point de vue fonctionnel, les effets de la dimérisation peuvent être divers. Par exemple, l’interaction entre les récepteurs GABAbR1, qui possède le site de liaison au GABA, et GABAbR2, qui se couple à la G protéine, est nécessaire pour générer le récepteur GABAb fonctionnel (Marshall et al., 1999;Mohler and Fritschy, 1999). Un autre exemple de conséquences fonctionnelles de la dimérisation de récepteurs est rapporté pour les récepteurs opioïdes. La co-expression des récepteurs opioïdes MOP et DOP mène à la formation d’hétérodimères ayant une affinité faible pour les ligands spécifiques des deux récepteurs. Cependant, une haute affinité de liaison est retrouvée lorsque les deux ligands sont combinés, suggérant l’existence d’une coopérativité positive. La formation de telles entités dimériques entraîne donc une pharmacologie différente de celle des récepteurs pris indépendamment. Ceci est probablement dû à la formation d’un nouveau site de liaison qui peut être activé par les ligands sélectifs des deux récepteurs (Jordan and Devi, 1999). Dans notre cas, nous observons une coopérativité négative de liaison, mais d’un point de vue fonctionnel, tout comme pour le couple CCR2/CCR5, l’’hétérodimérisation ne semble pas modifier l’efficience de la signalisation induite par les récepteurs aux chimiokines au sein des cellules CHO-K1, du moins en ce qui concerne la voie de libération du calcium intracellulaire. En effet, des tests de mobilisation du calcium quantifiés par la protéine rapportrice aequorine montrent que les réponses calciques sont semblables dans les souches n’exprimant qu’un seul récepteur ou co-exprimant deux récepteurs, que ce soit pour CCR2, CCR5 ou CXCR4. Toutefois, lors de l’étude des dimères CCR2/CCR5, aucune molécule antagoniste spécifique d’un des récepteurs n’avait été testées, le TAK-779 inhibant à la fois CCR2 et CCR5. Il n’en est pas de même pour les couples CXCR4/CCR2 et CXCR4/CCR5 où les molécules antagonistes TAK-779 et AMD3100 n’agissent que sur un seul des partenaires du dimère. Dans ces conditions, un antagoniste spécifique d’un récepteur était capable de transinhiber la réponse fonctionnelle induite par la chimiokine spécifique de l’autre récepteur. Ainsi, l’AMD3100 était capable d’inhiber la réponse fonctionnelle de CCR2 et de CCR5 lorsque ceux-ci étaient co-exprimés avec CXCR4. De manière similaire, le TAK-779 inhibait la réponse fonctionnelle induite par SDF-1α sur le récepteur CXCR4. Il s’agit là de la première démonstration de l’effet inhibiteur d’un antagoniste sur un récepteur auquel il ne se lie pas. Cette observation indique aussi que la coopérativité négative de liaison ne nécessite pas l’activation des récepteurs impliqués.

Afin de démontrer que ces effets de liaison et de fonctionnalité induits par des antagonistes n’étaient pas la conséquence de la surexpression de récepteurs dans des lignées

recombinantes, nous avons décidé de réaliser des tests pharmacologiques de compétition ainsi que des tests fonctionnels de chimiotactisme sur des populations leucocytaires ex vivo co-exprimant ces récepteurs de manière naturelle. Nous avons donc purifié des lymphoblastes T CD4+ et vérifié si un antagoniste d’un récepteur inhibait la liaison et le chimiotactisme induit par une chimiokine spécifique de l’autre partenaire du dimère. Nous avons observé les mêmes conséquences fonctionnelles et pharmacologiques de l’hétérodimérisation des récepteurs CXCR4/CCR2 et CXCR4/CCR5 dans des lymphoblastes CD4+ ex vivo, exprimant les trois récepteurs de manière naturelle. En effet, l’AMD3100 inhibait à la fois la liaison mais aussi le chimiotactisme induit par MCP-1 et MIP-1β, alors que le TAK-779 trans-inhibait la liaison et le chimiotactisme induit par SDF-1α. De telles observations ont également été faites sur des monocytes. Ces résultats, outre le fait de démontrer que nos observations ne sont pas le fruit de biais résultant de la surexpression de récepteurs, constituent la première preuve selon laquelle il existe des hétérodimères CXCR4/CCR2 et des hétérodimères CXCR4/CCR5 fonctionnels dans des cellules natives. De plus, le fait qu’un antagoniste comme l’AMD3100 joue un rôle inhibiteur très significatif sur la fonctionnalité de MCP-1 et de MIP-1β, malgré un effet modéré (50% au maximum) sur la capacité de liaison, nous fait penser que les récepteurs aux chimiokines pourraient fonctionner en tant que réseaux de dimères aus sein desquels les récepteurs influenceraient la fonction des récepteurs avoisinants.

Dans des lymphoblastes TCD4+ et des monocytes exprimant CXCR4 et le variant non fonctionnel de CCR5, CCR5 32, les effets hétérologues de MIP-1β ne sont pas observés, que ce soit sur la liaison de SDF-1α, ou celle de MCP-1. Ces observations valident les résultats obtenus sur cellules primaires exprimant le récepteur CCR5 sauvage.

Finalement, nous avons décidé de réaliser des études in vivo via la technique d’air pouch, qui consiste à former une poche de liquide physiologique au niveau du dos de souris BalbC. Une fois cette poche formée, nous avons voulu apprécier les effets d’antagonistes homologues et hétérologues de CXCR4. Ces études in vivo ont confirmé les résultats obtenus in vitro pour le chimiotactisme induit par SDF-1α, c'est-à-dire que le TAK-779, antagoniste de CCR5 et de CCR2, inhibe le recrutement de populations leucocytaires en réponse à une injection de SDF-1α. Un antagoniste est donc capable de trans-inhiber la migration leucocytaire in vivo.

Dans leur ensemble, ces données montrent donc que des petites molécules antagonistes régulent de manière allostérique les propriétés fonctionnelles de récepteurs auxquels elles ne se lient pas directement. Ces résultats démontrent de façon non ambigüe qu’un antagoniste peut influencer la réponse fonctionnelle d’un récepteur auquel il ne se lie pas et que la coopérativité négative de liaison ne nécessite pas l’activation des récepteurs impliqués. Ces résultats, conséquences claires de la dimérisation de récepteurs, ont donc des implications sur les effets de ces agents thérapeutiques potentiels in vivo.

7. CONCLUSIONS GENERALES ET

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