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ETUDE EXPERIMENTALE Objectifs

C. Discussion générale

La méthode utilisée comme technique de routine pour évaluer les lésions musculaires d’origine iatrogène est l’examen anatomopathologique. Nous avons vu que cet examen consiste souvent au classement des lésions par rapport à une grille pré-établie. Les comparaisons sont difficiles puisque les résultats sont au mieux semi-quantitatifs. Dans le modèle que nous avons utilisé chez la brebis, les résultats des examens macroscopiques qualitatifs étaient en agrément total pour 53 % seulement des tranches musculaires examinées. Lors des mesures quantitatives par 3 opérateurs, les coefficients de répétabilité et de reproductibilité (48 et 34 %) ont confirmé que l’examen anatomopathologique n’est pas une méthode optimale pour l’évaluation quantitative pour les lésions musculaires iatrogènes.

1. Echographie

Nos résultats montrent que l’échographie est une méthode de mesure fiable pour la mesure des distances anatomiques. Ainsi, les coefficients de variation de répétabilité et de reproductibilité obtenus lors de la mesure des dimensions du muscle intact chez la brebis étaient inférieurs à 15 %. Ces résultats sont en accord avec les coefficients de variation inférieurs à 16,5 % décrits par exemple pour la mesure des organes urinaires (Braun, 1993, 1991) ou de la région ventrale de l’encolure (Braun

et al., 1994) chez les bovins. Chez le cheval, des mesures de la structure du bassin par échographie ont été également très fortement corrélées aux mesures réalisées par résonance magnétique (Tomlinson et al., 2001). De manière simplifiée, le principe de l’échographie est basé sur l’émission d’ultrasons et leur réflexion secondaire lorsqu’ils traversent un tissu d’impédance différente. Ainsi, une onde est renvoyée à l’appareil lorsque le faisceau traverse une frontière entre deux tissus. L’aptitude de l’échographie à bien mettre en évidence les limites des organes et des muscles plus particulièrement est liée à leurs interfaces (enveloppes, fascias…) qui sont très échogènes.

Malgré ses bonnes qualités métrologiques intrinsèques, l’échographie n’est pas une technique suffisamment sensible et fiable pour la détection et la mesure des lésions musculaires iatrogènes. Ainsi, alors que tous les muscles examinés par échographie chez la brebis présentaient des lésions de type aigu ou plus chronique, les lésions ont été détectées sur seulement 60 % des clichés. De plus, les surfaces moyennes

mesurées par échographie étaient 2,5 à 5,3 fois inférieures aux surfaces mesurées par analyse d’images après abattage et découpe des animaux, ce qui souligne l’inexactitude de la méthode. Enfin, les coefficients de variation de répétabilité et de reproductibilité (61,4 et 101,4 % respectivement) entre les 3 opérateurs ont été très supérieurs aux limites communément admises en biologie. A l’inverse d’un muscle aux limites bien définies par des fascias, les contours d’une lésion musculaire ne sont certainement pas assez marqués pour permettre un renvoi important des ondes vers l’appareil et une délimitation nette des lésions. Ce défaut de netteté des contours lésionnels a conduit à des difficultés dans le suivi quotidien de la détection et de l’évolution des lésions.

L’échographie, malgré ses qualités pratiques a priori (Kles et al., 1997), n’est pas une technique utilisable pour la détection, ni pour l’évaluation quantitative des lésions musculaires iatrogènes en l’état actuel de la technologie des systèmes proposés. Même des techniques d’imagerie médicale plus précises, comme l’imagerie par résonance magnétique, sont difficilement utilisables dans l’évaluation des lésions iatrogènes. En effet, une autre étude a mis en évidence des difficultés dans la délimitation des lésions musculaires iatrogènes chez l’homme, de manière comparable à l’échographie utilisée dans notre étude (Nosaka et Sakamoto, 1999), malgré le fait que la précision de mesure semble excellente en comparaison avec la mesure d’images photographiques de pièces anatomiques (Beneke et al., 1991).

2. Analyse pharmacocinétique de la CK

L’analyse pharmacocinétique de la CK plasmatique pour l’évaluation quantitative des lésions musculaires a été développée précédemment avec une description des principaux facteurs de variation analytiques ou pré-analytiques ainsi qu’une évaluation de ses paramètres pharmacocinétiques chez plusieurs espèces (Lefebvre HP, 1994; Lefebvre H. P. et al., 1996). Cette approche a été utilisée pour évaluer ou pour comparer la tolérance locale de formulations injectables chez plusieurs espèces, mais n’avait pas été validée par rapport à la quantification directe des lésions musculaires (Aktas et al., 1995b; Lassourd, 1995; Oukessou et al., 1992; Pyorala et al., 1999; Toutain et al., 1995). Nos résultats démontrent en outre que cette méthode est utilisable comme technique de routine puisque les résultats sont en corrélation et en agrément avec la taille des lésions musculaires mesurées par

analyse macroscopique directe sur les mêmes animaux. Dans notre étude, le calcul des paramètres d’élimination (clairance) et de biodisponibilité (F) de la CK pour chaque brebis par injection IM et IV d’homogénat musculaire homologue ont permis d’individualiser les estimations des quantités de muscle détruit par chaque administration. Cette étape n’est pas nécessaire lorsque l’on souhaite comparer plusieurs formulations chez les mêmes animaux, il est alors possible d’utiliser les coefficients généraux décrits dans la partie bibliographique si l’on veut exprimer la quantité de muscle détruit en équivalent de masse musculaire atteinte.

La méthode de calcul des AUC par analyse non-compartimentale repose sur la construction de trapèzes arithmétiques entre les points de dosage (Gibaldi et Perrier, 1982). Cette méthode est simple à mettre en œuvre et ne dépend pas de l’opérateur, en comparaison avec l’analyse compartimentale qui repose sur le choix d’un modèle et l’optimisation mathématique de ses paramètres. De plus, les résultats obtenus par analyse pharmacocinétique non-compartimentale sont comparables aux résultats obtenus par modélisation pharmacocinétique suivie de déconvolution à partir des concentrations d’activité CK observées.

L’application de la méthode que nous avons menée avec 3 volumes croissants de phénylbutazone chez la brebis a montré que l’augmentation de l’étendue lésionnelle n’avait pas d’influence sur la biodisponibilité du principe actif.

3. Hypothèses physiopathologiques

La technique de déconvolution a permis d’estimer le débit d’entrée de la CK depuis le muscle vers la circulation générale, ce qui donne des informations sur la cinétique de la souffrance des myocytes. Le premier pic de débit, observé très précocement après l’injection, a pu être mis en relation avec la destruction mécanique brutale des cellules musculaires et endothéliales, suivie d’un passage direct et massif de composants cellulaires, dont la CK, dans la circulation sanguine. En effet, la CK libérée par le muscle atteint normalement la circulation générale par voie lymphatique lorsqu’il n’y a pas de lésion musculaire majeure (Hsu et Watanabe, 1983). Le deuxième pic, observé environ 6 h après l’administration IM pourrait correspondre au temps de transit lymphatique d’une partie de la CK qui a été libérée brutalement au moment de de l’injection. Un troisième pic de débit, plus tardif,

d’intensité moins importante mais de durée plus longue peut signer les dommages tardifs subis par le muscle à bas bruit.

Lors de l’administration d’oxytétracycline chez la brebis, l’observation de variations de la température cutanée après l’administration nous a permis de dégager des hypothèses de travail sur les mécanismes physiopathologiques mis en jeu. En effet, l’hypothermie transitoire au site d’injection pouvait traduire une vasoconstriction locale importante conduisant à une ischémie tissulaire juste après l’administration. L’hyperthermie observée ensuite pouvait refléter une inflammation du tissu (d’ailleurs visible lors de l’examen macroscopique ou microscopique des sites d’injection), ou une vasodilatation réactionnelle (avec un syndrome d’ischémie-reperfusion associé aux deux phases).

II. Mécanismes physiopathologiques du développement

des lésions musculaires d’origine iatrogène