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Pour poser le diagnostic de syndrome de Noonan face à un patient, il faut sans doute avoir lu et s‟être imprégné des descriptions originales détaillant les différents signes cliniques des patients vus et rapportés par Jacqueline Noonan. Il faut sans doute aussi avoir lu les publications des descriptions ultérieures de ce même auteur et des généticiens cliniciens qui ont détaillé, au fil des publications, les manifestations cliniques de ces patients, qui ont rapporté les variations rencontrées et les modifications observées selon l‟âge des patients ; tout ce qui constitue l‟histoire naturelle du syndrome de Noonan. Il faut sans doute enfin avoir eu la possibilité de voir un grand nombre de ces patients afin de mesurer et d‟apprécier les manifestations caractéristiques, les variations individuelles et familiales et ce qui en dysmorphologie permet de reconnaître ces patients : l‟identification de petits signes et la reconnaissance du gestalt. Disposer d‟échelle(s) ou de score(s) cliniques représente, dans la démarche diagnostique, un outil qui peut s‟avérer précieux. Elaborées par des spécialistes, ces grilles sont constituées de paramètres nommés critères et souvent répertoriés en catégories majeure et mineure. Elles autorisent souvent d‟asseoir l‟impression clinique davantage sur des éléments plus objectifs ou spécifiques (diagnostic probable, certain, typique, suspect ou douteux, improbable) : les deux échelles disponibles pour le syndrome de Noonan sont le score de Duncan (Duncan 1981) et le score élaboré par Van der Burgt (Van der Burgt 1994).

Pour le(s) clinicien (ne)(s) peu habitué (e)(s) à voir des patients porteurs du syndrome de Noonan, le score de Duncan, reposant sur l‟inventaire de la présence (ou de l‟absence) de 26 critères cliniques et paracliniques, peut paraître ainsi très complet. Cependant, son utilisation scrupuleuse et linéaire

ne pas retenir le diagnostic de syndrome de Noonan (score <50%), avec une zone de partage des eaux de 50-59% peu discriminante. En outre, ce score ne pondère pas les différents éléments dysmorphiques pouvant varier avec l‟âge ; il requièrt la réalisation d‟examens radiologiques qui ne constituent pas des éléments objectifs pouvant relier un processus développemental typique ou permettant effectivement de retrouver ces particularités radiologiques chez les seuls patients au syndrome de Noonan, spécifiquement. Enfin, de manière rigoureuse et méthodologique, ce score est construit au départ d‟une cohorte de 23 patients (12 garçons et 11 filles) dont les âges varient de 8 mois à 18 ans et demi : 3 patients sont décrits „tombant‟ dans la zone grise (entre 50 et 60%), ce qui autorisent Duncan et al. de mentionner que ce score composé est ainsi très discriminant. D‟un point de vue statistique, la taille de la cohorte est trop restreinte, les groupes selon le sexe ne sont pas détaillés et les différences entre les groupes, s‟ils étaient constitués, ne pourraient être étudiées. Aucune notification des modifications des traits phénotypiques n‟est évoquée ni même mentionnée alors qu‟il existe une grande variabilité des âges des patients. Enfin, retrouver 3 patients (sur 23) ayant un score entrant dans la zone indéterminée, représente un chiffre important, contrairement à ce que Duncan et al. commentent.

Le score de Van der Burgt présente l‟avantage d‟être composé d‟élements (critères) facilement identifiables et simples car répartis en deux catégories avec un processus d‟élaboration du diagnostic aisé.

Pour le généticien ayant davantage d‟expérience clinique, le score de Duncan représente un outil peu utile car il repose sur la constitution d‟une somme arithmétique de critères cliniques et paracliniques dont le total ne permet pas une distinction claire entre des patients ayant le syndrome (typique) de ceux qui ne l‟ont pas (suspect). Il ne tient pas compte du caractère évolutif des manifestations. Enfin, les mesures radiographiques ne sont pas réalisées en clinique de radiologie de manière régulière de sorte que les valeurs et

paramètres mesurés ne sont pas connus des radiologues et leurs mesures et interprétations n‟ont jamais été démontré pathognomoniques des patients au syndrome de Noonan.

Lorsque nos travaux ont débuté en 2002, seul le gène PTPN11 était identifié responsable du syndrome de Noonan. Une certaine hétérogénéité génétique était postulée puisque dès les deux premières études de cohorte, le taux de déctection de mutation était de 40% (Tartaglia 2001 ; Tartaglia 2002). Nous ne pouvions soupçonner alors que 6 autres gènes pourraient également produire le syndrome de Noonan (SOS1, KRAS, RAF1, NRAS, MEK1 et SHOC2), que ce syndrome ferait partie des syndromes neuro-cardio-facio-cutanés (ou maladies de la voie RAS) pour lesquels en mai 2009, 9 gènes sont identifiés responsables.

Vivant à l‟époque de la découverte de ces gènes, de la découverte de leur séquence, de leur composition et des premiers travaux étudiant leurs fonctions au niveau de la biologie cellulaire, nous avons quitté la description clinique initale et les éléments cliniques classiquement utilisés permettant de poser le diagnostic de syndrome de Noonan. Les découvertes de biologie moléculaire autorisent la constitution d‟équipes de recherche multidisciplinaires pour analyser et mieux comprendre les mécanismes intimes de la voie des MAP kinases tant au niveau cellulaire qu‟au niveau tissulaire et qu‟au niveau d‟un organisme entier pour finalement arriver à l‟homme. La complexité de la voie RAS rend, à l‟heure actuelle, encore dérisoire voire inadaptée, la démarche qui tente de faire le lien entre les effets possibles d‟une mutation et des manifestations cliniques sur l‟ensemble d‟un organisme. Par exemple, comment comprendre la démarche qui vise à tenter de différencier les patients sur des signes cliniques peu quantifiables, tels la présence de cheveux bouclés, épars ou fins, pour orienter la stratégie moléculaire (quel gène séquencer) ou, dans l‟autre sens, à partir de l‟identification d‟une mutation de l‟un des gènes

Malgré cette complexité et cette diversité clinique, nos travaux sur la cohorte de patients au syndrome de Noonan ont analysé le retentissement et les implications des atteintes cardiaques. Avec le recul et les découvertes plus récentes, ces analyses demeurent valides et pertinentes. Au fil de la collecte des données, nous avons eu des difficultés à retrouver, pour des patients adultes par exemple, les données échographiques antenatales. Au-delà, certains critères diagnostiques qui sont utilisés de nos jours ne l‟étaient pas en 1980 (exemple : mesure de la clarté nuquale). Ces éléments ont limité les possibilités de description mais une fois encore, la complexité des voies cellulaires impliquées réduit actuellement la portée d‟interprétation de telles données cliniques. Les mesures et évaluations échocardiographiques et les électrocardiogrammes, quant à eux, n‟ont pas changé (même si les outils techniques ont considérablement été améliorés).

Pour ce qui concerne le syndrome LEOPARD, certains commentaires spécifiques, en plus de ceux décrits ci-dessus, s‟imposent. Les manifestations cliniques n‟apparaissent pas simultanément et dès la naissance chez tous les patients porteurs de ce syndrome. Chez le nourrisson, par exemple, il serait imprudent de se baser uniquement sur les critères de Voron pour poser ou rejeter ce diagnostic. En effet, dans les critères cliniques servant d‟échelle de référence, les lésions cutanées (lentigines) constitutent le pré-requis indispensable avant de vérifier la présence d‟au moins deux autres critères (Voron 1976). Or ce signe peut n‟apparaître que dans l‟enfance et souvent qu‟après plusieurs années de vie ! Là encore, l‟expérience, la connaissance de l‟histoire naturelle et le suivi longitudinal doivent garantir l‟établissement du diagnostic clinique qui permettra d‟orienter la stratégie du diagnostic en biologie moléculaire sur les exons 7,12,13 du gène PTPN11, en première intention.

Les découvertes très récentes extraites des expériences réalisées chez la

distincts in vitro et in vivo de la mutation du gène PTPN11 ouvrent une nouvelle voie de compréhension et permettent de mieux comprendre les manifestations finalement observées sur un organisme entier (plutôt qu‟au sein de cultures cellulaires) (Oishi 2009). Les manifestations cardiovasculaires des patients au syndrome LEOPARD peuvent comprendre des malformations anatomiques telles que celles rencontrées chez les patients au syndrome de Noonan. Les patients au syndrome LEOPARD ont toutefois une prévalence accrue de désordres électrophysiologiques que nous ne sommes pas encore aptes à comprendre spécifiquement. Les modèles cellulaires et orthologues sont disponibles mais, à notre connaissance, ces études ne sont pas encore en cours de réalisation. Par extension, cela devra sans doute être analysé chez les patients et en cas de mutation du gène HRAS des patients au syndrome Costello puisque ces derniers peuvent présenter des arythmies particulièrement graves.

Notre troisième travail est la description d‟une patiente présentant le syndrome CFC et développant une cardiomyopathie hypertrophique avec mutation du gène BRAF et déficience en coenzyme Q10. Le point commun de cette présentation avec les deux travaux précédents est l‟atteinte cardiovasculaire. Quoi que de nature différente, celle-ci apporte un éclairage nouveau sur le spectre des cardiopathies rencontrées dans les syndromes neuro-cardio-facio-cutanés. Elle ouvre des pistes de compréhension et d‟investigations, elle permet d‟intégrer les connaissances acquises extraites des autres syndromes ou des composants de la voie RAS pour aider à la compréhension intégrée de la biochimie et de la biologie cellulaire.

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