• Aucun résultat trouvé

3. Présentation et évaluation de ARPH

3.2. Evaluations du prototype ARPH

3.2.4. Discussion

Nous avons observé que les utilisateurs trouvent tous un intérêt à fixer le bras sur une base mobile. Celle-ci devra avoir des dimensions raisonnables afin d’être manipulable dans tout type d’habitat. Le bras est à améliorer par l’utilisation de matériaux de construction plus légers. Il est certain que les utilisateurs ont trouvé le robot mobile utile mais il ne répond qu’en partie à leurs attentes.

La façon dont les personnes ont utilisé ou souhaité utiliser le prototype c’est-à-dire donner quelque chose à quelqu’un, saisir des objets ou se verser à boire, les amène à avoir une interaction avec le monde, et en conséquence, restitue l’autonomie du don, l’autonomie du pouvoir d’agir sur soi et sur le monde physique.

La « non automatisation » de la fonction de saisie amène les utilisateurs à faire de nombreuses manipulations nécessitant de la concentration, entraînant une lassitude. La fonction de saisie devra être automatisée et l’utilisateur devra avoir la possibilité d’alterner la fonction

52 / 146 automatique avec la fonction « non automatique ». De plus, lorsque le robot est dans l’autre pièce, l’activité de saisie implique un repérage uniquement grâce à la caméra. Celui-ci ne permet pas de connaître la position du bras par rapport à la base mobile. L’utilisateur a alors des difficultés à appliquer sa stratégie qui consiste, à partir de la connaissance de la position du bras par rapport à la base mobile, à effectuer les mouvements nécessaires au déplacement du robot ou à la saisie d’un objet. Le seul repère indiqué par la caméra pour localiser la base mobile et le bras dans l’espace lorsque le robot est dans l’autre pièce est insuffisant et par conséquent la tâche est difficile à effectuer. Cela implique d’intégrer des modes de repères supplémentaires. L’une des stratégies consistant à se repérer par rapport au bras, il faudrait y ajouter une caméra et/ou des capteurs pour ainsi repérer sur l’interface sa position par rapport à la base mobile. Notons que les utilisateurs, lors du second entretien, ont tous parlé de l’intérêt qu’il y avait à percevoir l’ombre de la pince sur le mobilier et les objets qui leur permettaient de mieux évaluer les distances. L’analyse met aussi le doigt sur l’utilisation du robot comme vecteur de lien social (don) qui ne permet pas uniquement de saisir des objets mais aussi de les transmettre ou de les soulever près du corps ou du visage. Des améliorations devront donc être apportées pour répondre à ces différents modes d’utilisation en termes de sécurité des biens et des personnes. Par exemple, lorsque le robot approche d’un mur ou d’une personne, il serait intéressant qu’il s’arrête en douceur, de même pour le bras lorsqu’il s’approche d’une personne ou d’un objet. Il faut que le robot puisse s’arrêter automatiquement face à un obstacle ou en cas d’erreur de manipulation.

L’interface, mal adaptée à la manipulation de la pince (icônes pas assez intuitives), amène les utilisateurs à faire des erreurs qui entraînent une perte de confiance en la machine et une peur de détériorer le matériel ou son environnement.

Le public visé ayant des caractéristiques hétérogènes, il faut que l’interface et le robot soient modulaires dans leurs fonctionnalités pour s’adapter non seulement au handicap et à son évolution dans le temps mais aussi à l’individu (âge, capacités cognitives, habileté). Par exemple, l’interface de commande doit pouvoir s’adapter aux différents périphériques utilisés (souris, tracker visuel, joystick...).

Une personne a employé le robot comme un outil afin d’ouvrir une bouteille. En termes de perspectives d’actions, il faudrait adapter le robot à cette fonctionnalité : par exemple, mettre de la mousse autour de la base qui épouserait la forme de l’objet.

3.3. Conclusion

La confrontation du système avec des utilisateurs finaux est riche d’enseignements. C’est la première évaluation du système global, qui jusqu’à présent, n’avait été testé que par partie. On peut regrouper ces enseignements en deux catégories principales : l’interaction homme-machine et la méthodologie de conception de l’aide robotisée.

En ce qui concerne l’interaction homme-machine, de nombreuses remarques ont porté sur l’ergonomie de l’interface notamment la commande du bras et le retour d’information. Des utilisateurs aimeraient que le bras manipulateur joue le rôle de leur propre bras et que la caméra offre un angle de vision comparable à leurs yeux. C’est principalement un problème technologique. La « conscience de la situation » est autre point très discuté dans la communauté de l’interaction homme-robot car elle est très difficile à formaliser. La finalité de « savoir ce qui se passe pour savoir quoi faire » et la fonction anticipatrice « être devant l'action » sont révélatrices de la hantise des utilisateurs d’échouer dans l'ajustement de leur activité au dynamisme de la situation faute de ne pas disposer du temps nécessaire pour

53 / 146 anticiper sur les événements [VALO1996]. Beaucoup de remarques ont trait à cet aspect, c'est-à-dire à la mise à jour, à faible coût, du cadre de référence commun. Ils notent la difficulté de situer la base mobile dans l’espace, la base mobile par rapport aux meubles, le bras par rapport à la base, l’objet par rapport au bras… La coopération homme-machine a été abordée par l’utilisateur à son domicile qui a souligné que, du fait de la dissociation des commandes bras-base, la manipulation du robot requérait de nombreuses manipulations. L’utilisateur n’arrive pas à reproduire le schéma qu’il a prévu pour réaliser sa tâche.

En ce qui concerne la méthodologie de conception, il est apparu que l’utilisateur est essentiel dans le processus. L’évaluation a fait apparaître au cours des phases d’apprentissage libres des détournements d’usages comme l’ouverture d’une bouteille, qui impliquent des adaptations sur le robot. L’utilisateur peut aussi apporter des éléments de solution en exposant son avis sur la façon dont il aurait aimé que l’expérience se déroule. Toutes ces considérations prouvent, s’il était nécessaire, que l’utilisateur doit être au centre du processus de conception (CCU). Cependant, l’évaluation au cours du processus de CCU des prototypes intermédiaires est une problématique à part entière. La CCU a été définie pour le développement de produits à forte composante logicielle, cibles de la norme ISO 13407. La concrétisation des solutions peut se faire grâce à des méthodes simples. La principale difficulté réside dans l’application directe de la CCU à la réalisation de prototypes intermédiaires mi-logiciel et mi-matériel. D’un côté, on se trouve en présence d’un objet complexe en cours de développement qu’il faut fiabiliser pour deux raisons, éviter le rejet par l’utilisateur du système et surtout assurer sa sécurité. Pour obtenir des résultats jugés valables statistiquement dans des limites temporelles et de coût acceptables, il faudrait pouvoir disposer de plusieurs prototypes. De l’autre côté, il y a l’utilisateur handicapé, souvent peu disponible pour des raisons de santé et dont les caractéristiques sont très variables d’un individu à l’autre.

Parmi toutes les questions soulevées par cette évaluation, il a été décidé d’apporter des éléments de réponse sur deux points :

• La coopération homme-machine en développant une commande coordonnée de la base mobile et du bras manipulateur. On a pu s’apercevoir que malgré une bonne acceptation du robot par les utilisateurs, le déplacement simultané de la base mobile et du bras manipulateur durant les phases de saisie oblige à un effort cognitif important, source de fatigue, de stress et d’erreurs de manipulation. Dans le chapitre 4, nous proposerons et comparerons différentes méthodes pour mettre en œuvre un mode de commande coordonnée.

• L’adaptation de la CCU au développement d’une aide robotisée par nature complexe et innovante. Nous exposerons dans le chapitre 6 une méthode de conception centrée utilisateur utilisant les avantages de la réalité virtuelle dans le cycle de développement. Mais auparavant, nous présenterons, dans le chapitre 5, une étude portant sur le transfert d’habiletés acquises sur un simulateur du système ARPH vers le système réel, préalable à l’utilisation de la réalité virtuelle dans les phases d’évaluation et d’apprentissage du prototype de la CCU modifiée.

54 / 146