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III. DISCUSSION ET CONCLUSIONS

6. Discussion et conclusions

6.1 Discussion

L’objectif de notre recherche était d’évaluer le niveau de bien-être des élèves dans l’environnement scolaire, plus précisément celui de leur participation sociale et émotionnelle, ainsi que de leur concept de soi académique. Au cours des dernières années, dans le contexte légal de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) (UN, 2006), qui exige l’égalité des chances pour tous les élèves, un grand intérêt a été porté aux avantages de l’éducation inclusive au niveau social, émotionnel et académique, notamment pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Les recherches abordées dans le chapitre 1.4 confirment les effets bénéfiques de l’éducation inclusive. Néanmoins, la littérature scientifique indique qu’un environnement scolaire inclusif n’implique pas automatiquement le bien-être social et émotionnel des élèves (Pijl, et al., 2008 ; Schwab, et al., 2015). Un instrument qui tente de mesurer les trois dimensions principales de l’inclusion scolaire (l’inclusion émotionnelle, l’inclusion sociale et le concept de soi académique) est le Perceptions of Inclusion Questionnaire » (PIQ). Ce questionnaire a été utilisé pour la première fois en langue française dans une recherche menée auprès des élèves du degré 5P à 8P Harmos de deux écoles primaires de la campagne genevoise.

L’analyse statistique des données recueillies indique, en premier lieu, que toutes les échelles du PIQ présentent une fiabilité très élevée. Ce constat est conforme aux résultats de la recherche de Zurbriggen, et al. (2017), qui ont administré le PIQ en Allemand à 831 élèves à l’école primaire, avec et sans difficultés d’apprentissage. Les chercheurs soulignent que les échelles du PIQ répondent à des normes psychométriques très élevées et que les items de chaque échelle sont fortement corrélés, fournissant des informations remarquables sur l’inclusion sociale, émotionnelle et le concept de soi académique, de façon égale pour les élèves avec et sans difficultés d'apprentissage.

A cet égard, l’analyse des corrélations de notre recherche répond à la conclusion précédente, puisque des corrélations significatives moyennes à élevées apparaissent entre les échelles du PIQ dans chaque groupe de participants, ainsi qu’entre les groupes. Spécifiquement, les trois échelles du PIQ sont positivement associées aussi bien dans la version des élèves que dans celles des parents et des enseignants. En conséquence, cela indique que plus les élèves se sentent

41 émotionnellement et socialement intégrés, plus ils considèrent leur performance académique comme élevée. Respectivement, le niveau de leur concept de soi académique affecte positivement (ou négativement dans le cas d’un concept de soi académique faible) leur bien-être émotionnel et social en milieu scolaire. Une telle corrélation positive est aussi observée chez les autres groupes, soit une corrélation moyenne concernant les perceptions du groupe des parents et forte concernant les perceptions des enseignants. Ces associations entre les dimensions de l’inclusion à l’environnement scolaire renforcent l’approche multidimensionnelle suggérée par la littérature scientifique, selon laquelle l’inclusion est un concept dynamique, impliquant plusieurs aspects sociaux, émotionnels et académiques de la vie à l’école (Cawley, et al., 2002 ; Farrell, M., 2000 ; McMahon, et al., 2016).

En ce qui concerne les corrélations des échelles du PIQ entre les trois groupes, les résultats de l’analyse indiquent qu’elles sont aussi significatives. Les perceptions des élèves concernant leur inclusion émotionnelle et sociale sont positivement associées avec les perceptions de leurs parents (corrélations moyennes), ainsi qu’avec les perceptions de leur enseignant de classe (corrélations fortes). Cette indication suggère que plus les élèves se sentent bien intégrés à l’école, plus leurs parents et leurs enseignants jugent le niveau de leur inclusion émotionnelle et sociale satisfaisant. De manière similaire, les perceptions des parents sont aussi positivement associées aux perceptions des enseignants, notamment en ce qui concerne le concept de soi académique de leur enfant. Dans un contexte plus large, il pourrait donc être suggéré que les corrélations significatives (mais pas parfaites) entre les perceptions des élèves, des parents et des enseignants sur les dimensions de l’inclusion éducative indiquent l’importance du rôle des trois parties prenantes sur l’évaluation et l’efficacité de l’inclusion, comme relevée dans l’étude de cas de Chmiliar (2009). La chercheuse souligne la nécessité de prendre en compte le point de vue des trois groupes impliqués – élèves, parents, enseignants – afin d'évaluer plus globalement le niveau d’inclusion sociale et émotionnelle, ainsi que du concept de soi académique des élèves et de faire en sorte que la mise en œuvres des projets d’intervention soit plus efficace.

L’analyse statistique des réponses des trois groupes des participants au PIQ indique que les élèves de notre échantillon sont en général intégrés socialement et émotionnellement de manière satisfaisante. Conformément aux études précédentes (Chmiliar, 2009 ; Pijl, et al., 2008), les réponses des élèves, des parents et des enseignants sont similaires. En mettant l’accent sur les différences subtiles entre les scores moyens des trois groupes, il apparaît cependant que les

42 élèves ont le score le plus élevé pour la dimension d’inclusion sociale, en comparaison avec leurs parents et leurs enseignants. Ce constat va dans le même sens que la conclusion des recherches précédentes (Avramidis, 2012 ; Koster, et al., 2010 ; Pijl, et al., 2008 ; Schwab, et al., 2016), selon lesquelles les élèves, même ceux ayant des besoins éducatifs particuliers, ont tendance à évaluer plutôt positivement leurs relations avec leurs pairs et parfois les surestimer, malgré le constat que les résultats sociométriques indiquent le contraire. Cela est probablement dû au fait que les élèves ne sont pas encore capables de faire des auto-évaluations précises, se concentrant sur les aspects positifs ou donnent des réponses sujettes à une image sociale souhaitable.

Les moyennes des scores dans chaque échelle sont généralement assez élevées. Pourtant, un pourcentage non négligeable des scores se trouve au-dessous de la moyenne théorique du PIQ (≤10). Malgré le fait que le score moyen total de l’inclusion émotionnelle selon les estimations des élèves, des parents, et des enseignants est positive, l’analyse indique que presque 20% des élèves indiquent de ne pas être satisfaits. Ces élèves probablement ne considèrent pas l’environnement scolaire comme agréable. De manière similaire, selon les réponses des parents, ce pourcentage est de 7.5%, alors que selon les réponses des enseignants il s’élève à presque 23%. Quant à l’échelle d’inclusion sociale, les scores moyens totaux sont plus élevés que ceux d’inclusion émotionnelle. Néanmoins, presque 4% des élèves ne se sentent pas socialement intégrés à l’école. Le score moyen total du groupe des parents et celui des enseignants est aussi élevé, mais leurs réponses indiquent que respectivement 6.5% et 16.2% des élèves affrontent des difficultés à la participation sociale.

Ces pourcentages provenant d'un échantillon d'élèves dans une école ordinaire, sans distinction en termes de niveaux d'apprentissage (avec ou sans besoins éducatifs particuliers), contribuent à la conclusion que les difficultés sociales à l’école concernent toute la communauté scolaire.

En effet, tous les élèves, et pas seulement ceux ayant des difficultés d’apprentissage, sont susceptibles d’être isolés (Avramidis, 2012). En ce qui concerne, la troisième dimension, le concept de soi académique, les scores des groupes de participants indiquent que le niveau est généralement élevé. Cependant, un pourcentage des élèves, plus important que celui indiqué sur les échelles d’inclusion émotionnelle et sociale, n’est pas satisfait de ses performances scolaires et rencontre des difficultés académiques. Spécifiquement, l’analyse des réponses indique que 15% des élèves a un concept de soi académique faible. Ce pourcentage est plus faible selon les perceptions des parents, mais il s’élève à 33.3%, selon les enseignants. Il

43 apparaît ainsi que le concept de soi académique est un facteur qui pourrait avoir un impact considérable sur le bien-être des élèves dans l’environnement scolaire.

Enfin, la dernière partie de l’analyse statistique porte sur l’association des échelles du PIQ avec les variables de l’âge et du sexe des élèves. Les élèves participant à notre recherche étaient âgés de 9 ans à 13 ans et 1 mois. En ce qui concerne l’inclusion sociale et émotionnelle, Pijl, et al.

(2008) relèvent que le contexte et l’importance des relations sociales à l’environnement scolaire se différencient, selon l’âge des élèves, et évoluent au fil du temps. Les résultats de l’analyse des corrélations indiquent que, dans notre échantillon, seule l’inclusion émotionnelle est significativement corrélée avec l’âge des élèves, avec une corrélation négative, moyenne pour le groupe des élèves et faible pour le groupe des parents et des enseignants. Ce type de corrélations suggère que les plus jeunes élèves se sentent plus satisfaits dans l’environnement scolaire que leurs pairs plus âgés, qui semblent moins intégrés émotionnellement. Cette observation est comparable à la conclusion relevée dans la recherche de Pijl, et al. (2008) sur l’inclusion socio-émotionnelle des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Selon cette étude, les élèves du 7ème degré étaient plus isolés que leurs pairs du 4ème degré, probablement à cause d’un éloignement intellectuel et émotionnel croissant de leurs camarades. La littérature scientifique suggère que le concept de soi académique est aussi négativement corrélé avec l’âge des élèves (Grygiel, et al. ; Jacobs, Lanza, Wayne Osgood, Eccles, & Wigfield, 2002 ; Metallidou & Vlachou, 2007). Autrement dit, le concept de soi académique est plus élevé chez les jeunes élèves et baisse au cours de temps. Cependant, les résultats de notre recherche ne soutiennent pas cette optique, puisque aucune corrélation significative n’est apparue. Ceci peut être dû au fait que l'étendu d'âge n'était que de quatre ans.

Pour ce qui est de la deuxième variable, le sexe des élèves, l’analyse statistique n’indique une corrélation significative qu’avec l’échelle du concept de soi académique. Selon les résultats des réponses des élèves, des parents ainsi que des enseignants, il y a une corrélation négative faible entre le niveau du concept de soi académique et le sexe des élèves. Il apparaît ainsi que les filles sont moins satisfaites de leur performance académique et pensent avoir des compétences académiques plus faibles que les garçons. Contrairement à nos résultats, les recherches scientifiques concernant l’effet du sexe sur le concept de soi académique concluent généralement qu’il n’y a pas de différences entre les filles et les garçons (Grygiel, et al., 2017 ; Lohbeck, et al., 2017). Malgré cela, les chercheurs soulignent que le niveau du concept de soi académique des filles baisse plus rapidement que celui des garçons au cours de temps,

44 probablement influencé par une diminution du concept de soi général des filles, pendant la puberté (Grygiel, et al., 2017). De plus, certaines différences observées entre les filles et les garçons concernent plutôt des matières spécifiques, comme les sports et les mathématiques, que le concept de soi académique global (Jacobs, et al., 2002). Or, notre recherche n’est pas en mesure d’évaluer le lien avec des disciplines scolaires, puisque le PIQ évalue le concept de soi académique global.

Finalement, bien que plusieurs recherches, abordées dans le chapitre 2.2.3, confirment l’effet du sexe sur la participation sociale des élèves (Bossaert, Colpin, et al., 2015 ; Frostad, et al., 2011 ; Mand, 2007), les données recueillies dans notre recherche n’indiquent pas de corrélation significative entre le sexe et les échelles de l’inclusion sociale et émotionnelle de PIQ.