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CHAPITRE 2 : Etude des modifications du contenu chimique de la sève ascendante du maïs

4. Discussion et conclusion

Nos résultats confirment que la sève ascendante sert de véhicule pour le transport de

nombreuses substances organiques (acides organiques, acides aminés, composés phénoliques)

des parties racinaires vers les feuilles. Contrairement à certaines études, il nous a fallu utiliser

un spectromètre de masse à haute résolution et sensibilité pour pouvoir détecter des

phytohormones. Ceci est vraisemblablement dû au plus grand soin que nous avons pris pour

récolter nos échantillons de sève et éviter toute contamination par la sève élaborée du phloème

ou le parenchyme coupé. Les seules autres analyses du métabolome de la sève brute récoltée

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faible nombre de phytohormones (Alvarez et al. 2008; Hansen et Dörffling 1999). Si la

technologie moderne d'APCI-Q-TOF-MS semble plus à même de détecter et quantifier les

phytohormones dans la sève brute, des améliorations doivent encore être apportées au niveau

des bases de données qui doivent être complétées en y ajoutant notamment les nombreuses

formes conjuguées possibles des hormones végétales.

Le dispositif expérimental que nous avons utilisé (usage de deux cultivars développant, ou non,

des réponses symbiotiques avec A. lipoferum CRT1) nous a permis de montrer que la présence

d’A. lipoferum CRT1 sur les racines du maïs s’accompagne d’une baisse des teneurs de

nombreux composés énergétiques simples et ce, même en absence de toute réponse symbiotique

de la plante à la bactérie. Notre hypothèse est que ce phénomène est lié à la consommation

d’exsudats racinaires par les bactéries. Elle sera testée dans le chapitre 3 durant une analyse des

métabolomes et transcriptomes des feuilles et racines de ces deux variétés de maïs en présence

ou absence d’A. lipoferum CRT1.

Un des métabolites dont la teneur est spécifiquement modifiée dans la sève brute lors d’une

réponse symbiotique à A.lipoferum CRT1 est le glucose. Ce métabolite intervient au niveau de

différents processus physiologiques dans la plante. Il peut être utilisé en tant qu’élément

énergétique, de stockage du carbone, de formation de la paroi cellulaire, de molécule signale

pour la croissance (en interaction avec les voies de signalisation des phytohormones) ou de

répresseur de la photosynthèse en tant que produit terminal de cette dernière (Moore et al.

2003a). Des approches mutant chez Arabidopsis ont pu montrer le rôle prédominant du glucose

en tant que signal d’induction de la morphogénèse précoce de la plantule (Arenas-Huertero et

al. 2000). Les signaux de réponses du glucose, médiés par des hexokinases nécessitent de même

une forte accumulation d’ABA chez la plantule à ce stade de croissance, une preuve que le

signal glucose et la signalisation par les phytohormones sont fortement liés. D’après nos

résultats, la concentration en glucose diminue uniquement dans la sève ascendante du cultivar

Seiddi inoculé avec la PGPR, en comparaison avec le contrôle et le cultivar FuturiXX qui ne

développent pas de réponse symbiotique à A. lipoferum CRT1. Rappelons que la réponse

symbiotique du maïs à A. lipoferum CRT1 se caractérise par une augmentation de croissance

racinaire et une meilleure efficacité de conversion photochimique. L’hypothèse probable est

donc que la diminution de la teneur en glucose observée dans la sève ascendante lèverait l’action

inhibitrice que cette molécule exerce sur la photosynthèse, un phénomène que nous avons

observé lors de nos mesures de rendement quantique de conversion photochimique (Fv/Fm).

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La formation accrue de photosynthétats qui en résulterait permettrait alors de soutenir

l’augmentation concomitante de croissance racinaire.

Les modifications d'architecture racinaire que nous avons observées ressemblent à celles

induites par les auxines. Même si de nombreuses souches d'Azospirillum sont productrices de

l'auxine IAA, celle que nous avons utilisée dans cette étude ne possède pas le gène IpdC qui est

classiquement utilisé pour la synthèse de cette substance. Il est cependant possible qu'elle

possède une autre voie de synthèse encore inconnue ou qu'elle produise d'autres substances aux

effets auxiniques (Sauer et al. 2013). La question reste donc entière de savoir si l'augmentation

de croissance racinaire induite par A. lipoferum CRT1 est liée à sa sécrétion de substances aux

effets auxiniques ou à son impact négatif sur les teneurs en glucose. Glucose et auxines sont en

effet des substances signal qui partagent une grande partie de leurs voies de signalisation

cellulaire. La théorie a même été émise que l’induction de la dominance apicale chez les plantes

n’était finalement pas due à un signal auxinique mais à un signal produit par les sucres dont le

glucose (Mason et al. 2014). Ainsi deux hypothèses sont probables selon lesquelles A. lipoferum

CRT1 :

1) soit diminue la teneur en glucose dans une partie stratégique de la plante qui induirait

par voie de conséquence des modifications morphologiques du système racinaire qui

ressemblent à celles induites par les auxines par modulation de la cascade de

signalisation des auxines endogènes

2) soit sécrète une substance aux effets auxiniques qui pénètre la plante pour y induire une

modification de l'architecture racinaire de type auxinique. Cette croissance racinaire

serait alors à l'origine d'une baisse de la teneur en glucose du fait de sa plus grande

consommation par les tissus en croissance.

Une perspective intéressante à ce niveau serait d’investiguer le dialogue entre les deux

partenaires. Ceci peut être mis en place par un marquage isotopique d’un des deux partenaires

de l’interaction. Il serait alors possible de déterminer si la bactérie envoie directement un signal

à la plante qui modifie la concentration en sucre et/ou agit comme signal auxinique sur la plante.

Des analyses transcriptomiques et métabolomiques des racines en interaction avec A. lipoferum

CRT1 pourraient également apporter un éclairage sur cette question. Les analyses ont été

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CHAPITRE 3 : Modifications métaboliques et