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CHAPITRE 4 : Analyse en champ des mécanismes physiologiques et métaboliques de

3. Discussion

Cette étude nous a permis de confirmer l'impact très variable d'Azospirillum sur le rendement

agricole des plantes cultivées (Díaz-Zorita et Fernández-Canigia 2009; Okon et

Labandera-Gonzalez 1994). Des augmentations de rendement ont été observées sur certaines parcelles,

certaines années mais l'effet n'était pas répétable sur d'autres sites ou années. Il semble donc

dépendant de conditions pédoclimatiques dont nous n'avons pas pu déterminer la nature. Des

diminutions de rendements toutes aussi non-reproductibles ont également été observées sur

certains jeux d'échantillons. Les effets positifs et négatifs d'A. lipoferum CRT1 sur le rendement

du maïs ne concernaient qu'un site par année et se compensaient, générant un effet nul sur

l'ensemble des quatre sites de l'étude.

Un certain nombre d'études a suggéré que les effets stimulateurs de croissance d'Azospirillum

pouvaient être inhibés lorsque le sol était trop riche en matière organique (Fallik et al. 1988).

Dans un sens, les seuls deux sites (C et Corg) où aucune augmentation de rendement par A.

lipoferum CRT1 n'a été observée étaient ceux dont une des caractéristiques pédologiques était

une forte teneur en matière organique du fait de leur position en fond de vallée. Mais les sols

des sites différaient par de nombreux facteurs. Notamment, les sites C et Corg différaient des

autres sites par un taux de calcaire plus élevé. La comparaison des effets d'ajouts croissants

d'engrais azoté sur le rendement a cependant révélé que la concentration de cet élément dans le

sol avait un impact positif sur le rendement mais pas sur la modulation du rendement par l'agent

bactérien. Le niveau d'azote résiduel dans les sols des différents sites n'est donc pas apparu

comme un facteur important pour permettre à A. lipoferum CRT1 d'augmenter le rendement.

Ceci signifie que non-seulement des teneurs élevées en azote n'inhibent pas la plus-value

agronomique de cette souche de PGPR mais que sa capacité à rendre l'azote atmosphérique

accessible à son hôte ne contribue pas à augmenter le rendement. Ce dernier point est confirmé

par les analyses des teneurs en métabolites racinaires et foliaires durant cette étude qui ne

montrent aucune amélioration de la nutrition azotée et il soutient les conclusions d'autres études

utilisant d'autres souches de PGPR (El Zemrany et al. 2006; Baudoin et al. 2009; Okon 1993).

Une autre hypothèse classiquement avancée pour expliquer l'augmentation de rendement par

des Azospirillum est que les hormones végétales qu'ils sécrètent, et au tout premier ordre les

auxines comme l'IAA, modifient l'architecture du système racinaire pour lui permettre

d'explorer un plus grand volume de sol (Aloni et al. 2006; Overvoorde et al. 2010). Lors des

études en conditions contrôlées des Chapitres 2 et 3, des modifications de l'architecture racinaire

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de modifications de l'architecture racinaire ont également été observés sur certains sites ou blocs

durant cette étude où ils généraient des plantes avec un ratio de masse diminué entre les parties

aériennes et racinaires (PA/PR). Mais si les valeurs de PA/PR des placettes corrélaient au

rendement final (aussi suggéré par la connaissance agronomique générale sur le maïs), leur

augmentation par A. lipoferum CRT1 ne corrélait pas avec l'augmentation de rendement par

cette souche. Cette conclusion n'est pas simple mais est cruciale pour bien comprendre la

relation établie entre le maïs et A. lipoferum CRT1. Les résultats de cette étude montrent que

les plantules de chacun des 4 sites avaient une signature morphologique, métabolique et de

rendement photosynthétique propre sans ajout de l'agent microbien. Ceci montre la grande

adaptabilité à des sols différant par leur composition chimique, microbiologique et structure

physique mais aussi à des climats différents d'une année sur l'autre. L'ajout exogène d'A.

lipoferum CRT1 n'a pas amené les plantules de toutes les parcelles à adopter une morphologie

ou équilibre métabolique similaire. Il a influencé ces paramètres de manière site spécifique,

suggérant que la présence de la bactérie sur le grain puis au niveau de la rhizosphère et des

racines a été considérée par la plante comme un paramètre environnemental supplémentaire à

prendre en compte pour adopter la croissance et le développement précoce les plus optimums.

La stimulation par la PGPR n'a pas imposé une réponse spécifique à la PGPR mais a modulé la

réponse des plantes aux autres stimulations de son environnement. Par effet domino, la bactérie

elle-même sera impactée dans sa survie, sa croissance et sa colonisation de la plante hôte par

les conditions environnementales (Ho et al. 2017). Il est cependant important de noter que le

rendement agronomique d'une culture est la résultante d'une myriade d'évènements durant sa

culture allant de sa germination, sa croissance et sa tolérance aux divers stress et pathogènes

rencontrés. Ce que les données de cette étude suggèrent est que l'ajout d'A. lipoferum CRT1 sur

les grains au semis n'a pas le pouvoir d'augmenter suffisamment la nutrition et la croissance des

jeunes plantules face aux autres contraintes du milieu pour conduire à une augmentation du

rendement final en grain. Son impact sur le rendement en grain se fait donc autrement.

Le traitement statistique conduit durant l'étude a suggéré que l'augmentation de rendement par

A. lipoferum CRT1 corrélait avec des plantules plus grandes dans toutes leurs parties, comme

si elles étaient plus avancées en développement, i.e. avaient germé plus tôt. Des analyses en

conditions de culture contrôlées ont confirmé cet effet germinatif. Comme une germination plus

précoce en champ mettra à l'abri de la sécheresse, du froid mais aussi de prédateurs les très

jeunes plantules, les niveaux de germination ont été estimés dans les diverses conditions de

l'essai. Ils ont montré des baisses importantes dans une condition chaque année de l'étude. Il est

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très difficile d'être certain de ce qui a causé ces baisses du taux de germination car les conditions

adverses qui peuvent en être à l'origine peuvent être multiples et combinées (Chaves et Oliveira

2004; Chaves et al. 2002; Mittler 2006). Mais de l'observation des personnes ayant participé

aux essais et de celle des agriculteurs partenaires, il est suggéré qu'une année un des sites a subi

lors de la lévée des pertes au semis suite à la prédation de corbeaux et que l'autre année, un

autre site a subi un gel et une sécheresse juste après le semis (sol le plus drainant de l'étude).

Prédation par les oiseaux et sécheresse sont mieux tolérées par des grains de maïs en

germination s’ils germent plus précocement grâce à un ancrage plus profond dans le sol. Le

maïs est de plus une plante non-compensatrice pour qui rendement et peuplement sont corrélés.

Il a donc été fait l'hypothèse que la présence d'A. lipoferum CRT1 sur la semence a limité les

effets de conditions adverses sur la germination au moment du semis. A. lipoferum CRT1

n'augmenterait donc pas le rendement par augmentation de croissance des plantes mais en

rétablissant des rendements optimums en cas de germination insuffisante. Dans l'étude suivante

(Chapitre 5), les mécanismes d'interaction entre A. lipoferum CRT1 et le grain de maïs ont été

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