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Discussion : une capacité épuratoire effective pour certains ETM

PARTIE II. H YPOTHESES SUR LES CAPACITES DE RETENTION ET D ’ EMISSION DES

2.4 Discussion : une capacité épuratoire effective pour certains ETM

Le passage dans les différentes structures et en particulier celles disposant d’argile expansée augmente fortement le pH des eaux. La comparaison de bacs expérimentaux avec et sans végétaux a permis de montrer que la présence de certains sedums comme S. mexicanum pouvait permettre de neutraliser le pH (Vijayagaraghavan et al., 2012). Mis à part au mois de mai 2012 dont les conditions pluviométriques étaient très spécifiques (Partie III paragraphe 1.1), tous les mois au moins une des parcelles végétalisées dépasse le seuil supérieur de 8,2 définissant le « bon état d’une masse d’eau » dans l’arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d’évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface. Rappelons toutefois que le pH des eaux de pluie sur ce site expérimental est plus élevé que ce qui est généralement observé dans des milieux comparables. La capacité de certains matériaux à augmenter le pH des eaux issues de toitures végétalisées peut cependant être mise à profit sur les territoires soumis à des retombées de pluies acides comme souligné par Czemiel Berndtsson et al. (2009) et Vijayagaraghavan et al. (2012). De plus, un pH élevé favorise l’immobilisation des métaux (Partie III paragraphe 1.2.3).

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Des concentrations comparables à celles de toitures classiques

Afin d’évaluer l’intérêt de la végétalisation sur la qualité des eaux pluviales, il est important de comparer les concentrations en ETM obtenues à celles définies par la réglementation du domaine (Tableau 5 p. 33) et aux concentrations présentes dans les eaux issues de toitures classiques (Tableau 4 p. 31). Quatre tendances principales se dégagent en comparaison avec la réglementation. Les concentrations dans les phases dissoutes de ces toitures dépassent systématiquement ou presque les seuils de la DCE. Ils sont parfois supérieurs à ceux relatifs aux eaux douces superficielles utilisées pour la production d’eaux potables pour As (en particulier les toitures Plateaux calcaires et Extensive) et Ni, surtout pour les toitures Fibre coco, Stockage 40 et Extensive. D’ailleurs ces concentrations en Ni sont également supérieures à celles qui peuvent être observées en sortie de toitures classiques. Pour As, aucune référence bibliographique fournissant des concentrations en sortie de toitures n’a pu être identifiée. Cependant la Wold Health Organization préconise la récupération et l’utilisation d’eaux de pluie issues des toitures comme ressource en eau dans les pays dont les masses d’eaux sont fortement contaminées en As. Or ce même organisme a fixé des seuils de potabilité à 10 µg L-1 pour As (Sharma et al., 2014). Les concentrations dans les eaux de toitures doivent donc être majoritairement inférieures à ce seuil et par conséquent à ce qui a été trouvé en sortie de certaines toitures végétalisées expérimentales. Il est à noter également que les concentrations en Ni dans les dépôts atmosphériques dépassent également ponctuellement les seuils de la DCE. Pour Cu et Zn, les seuils de la DCE sont systématiquement dépassés aussi bien dans les dépôts atmosphériques que dans les eaux en sortie de toitures mais les concentrations observées sont compatibles avec les autres réglementations. Ces concentrations en Zn sont du même ordre de grandeur que celles observées sur des toitures classiques et celles en Cu plutôt inférieures. Pour Cd et Pb, les concentrations maximales dépassent ponctuellement la NQE Maximale admissible de la DCE en particulier pour les toitures Stockage 40, Plateaux calcaires et Semi-intensive pour Pb. Par rapport à des toitures classiques, les concentrations en Cd sont dans la même gamme et celles en plomb significativement inférieures. Enfin, les concentrations en B et en Cr sont compatibles avec les réglementations qui leurs sont associées même si les concentrations observées peuvent être supérieures à celles de toitures classiques notamment pour Cr avec certaines toitures comme Vosges, Plateaux calcaires et Semi-intensive. Ainsi, selon les paramètres et les structures expérimentales, les toitures végétalisées peuvent présenter des concentrations inférieures ou supérieures à celles de toitures classiques. Ceci peut être à prendre en compte dans le cas d’un rejet dans un milieu naturel ou d’un usage spécifique pour lesquels des concentrations élevées en un ETM spécifique pourraient être problématique. En outre, comme pour les toitures classiques, les seuils de la DCE sont fréquemment dépassés, montrant la nécessité d’améliorer la qualité de ces eaux dans un contexte de gestion à la source des eaux pluviales.

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Des diminutions de flux significatives pour certains ETM, des augmentations non négligeables pour d’autres

La mesure des flux en entrée et sortie de toiture permet de calculer ce qui a été retenu ou apporté par les matériaux de la toiture. L’ensemble des structures présentent des capacités de rétentions importantes pour plusieurs ETM comme Cr, Cd, Cu, Pb, Sb et Zn. D’ailleurs les flux observés pour Cd, Cu et Pb sont significativement inférieurs à ceux observés par Robert-Sainte (2009) sur des planches expérimentales représentant différents types de toits classiques. Les fortes capacités épuratoires sur la phase particulaire associée à la diminution des concentrations en MES observées dans les eaux en sortie de toiture semblent indiquer que ces structures permettent une filtration mécanique des particules arrivant dans le système. Cette hypothèse est corroborée par le fait que, dans les filtres plantés également, le mécanisme de dépollution prépondérant est la rétention de la phase particulaire polluée par décantation (Walker et al., 2002). Ensuite, pour les éléments en phase dissoute, deux mécanismes différents peuvent avoir lieu voire se combiner. Les matériaux peuvent présenter une affinité, et donc une capacité épuratoire, plus ou moins importante selon les espèces. Ils peuvent également être responsables d’une émission d’ETM en quantité inférieure à celle qu’ils ont retenue par rapport au flux apporté par l’atmosphère.

Des rejets de certaines substances ont également été identifiés et l’observation des caractéristiques communes à ces structures permet d’établir que sur ces toitures expérimentales :

- La présence d’argile expansée a induit une émission d’As de l’ordre de 20 à 26 mg m-2 sur deux ans pour certaines structures

- La présence du substrat semi-intensif a induit une émission de B de l’ordre de 55 mg m-2 sur deux ans

- La présence des substrats extensif et fibre de coco a induit une émission de Ni, qui a atteint 11 mg m-2 sur deux ans pour l’une des toitures.

Dans une moindre mesure, d’autres émissions d’ETM, compensées par une rétention plus importante des polluants atmosphériques entrant induisant une capacité épuratoire globale, peuvent également être observées comme B par le substrat extensif. Une diminution des rejets au cours du temps de ces différents ETM a cependant été observée aussi bien au niveau des concentrations que des flux pour quasiment l’ensemble des structures, laissant supposer qu’au bout de quelques années, le stock d’éléments disponibles sera épuisé et que ces matériaux n’émettront plus ces ETM.

En outre, des ETM peu mobiles au début de la vie de la toiture semblent cependant devenir plus disponibles au cours du temps. Les toitures disposant du substrat semi-intensif présentent une réduction moindre des apports d’As que celles composées de substrats extensifs ou fibre de coco. Ainsi, il semblerait que ce substrat commence à émettre certaines substances comme As ou encore Ni et Zn après deux années de vie de la toiture comme l’indique les diminutions des capacités épuratoires au

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cours du temps. Enfin, l’augmentation des concentrations en Cd sur les derniers mois peut indiquer un début d’émission de cet ETM par l’un des matériaux constitutifs des toitures non associés à leur végétalisation comme par exemple les couvertines, les gouttières ou encore l’étanchéité.

Ces résultats montrent ainsi que, contrairement à ce qui a été indiqué par Czemiel Berndtsson (2010), certains matériaux utilisés en toiture végétalisée peuvent se révéler comme des sources significatives de polluants métalliques transportés par les eaux pluviales. L’évolution de la mobilité de ces ETM au cours du temps montre l’importance d’étudier ces structures sur le long terme afin de voir si le vieillissement des matériaux n’induit pas des rejets étalés dans le temps de différentes substances.

Pistes pour la conception de toitures végétalisées aux capacités épuratoires optimisées

Il est important de noter que les flux en sortie de la toiture témoin en gravier sont comparables voire moins importants que ceux de certaines toitures végétalisées. Cependant, pour la majorité des éléments, il existe au moins une structure ayant une capacité épuratoire plus performante que celle de la toiture disposant d’un revêtement classique. En sélectionnant les matériaux adaptés, il doit donc être possible de développer des toitures végétalisées aux capacités épuratoires optimisées.

Une attention particulière doit être portée à l’affinité des matériaux pour les ions en phase dissoute. Celle-ci doit être importante afin d’améliorer la capacité épuratoire globale de l’ensemble des ETM et notamment pour ceux fortement présents en phase dissoute en entrée.

Les matériaux permettant d’augmenter durablement le pH doivent également être favorisés afin de limiter la mobilité des ETM apportés par l’atmosphère voire par les matériaux. Celui-ci ne doit cependant pas atteindre des valeurs qui pourraient avoir un impact négatif sur un milieu naturel sensible, dans le cas d’un rejet direct au milieu par exemple.

La capacité de rétention d’eau d’une structure végétalisée est souvent identifiée comme l’un des principaux paramètres influençant la qualité des eaux issues de ces structures (Steusloff, 1998 ; Czemiel Berndtsson, 2010). Ici nous démontrons que les dispositifs de stockage d’eau en toiture ont un effet sur les flux d’ETM mais pas sur les concentrations. Cela indique donc que ce système influence la capacité de rétention des polluants essentiellement d’un point de vue hydrodynamique en diminuant le volume écoulé et donc la quantité de métaux rejetés à concentration constante.

Il est important de veiller à choisir des matériaux ne rejetant pas d’ETM. Même si la fonction d’épuration des eaux de pluie n’est pas celle recherchée lors de la construction de la structure, ce critère devient important dans un contexte de récupération et d’utilisation des eaux. D’une façon plus générale, la limitation des impacts potentiels sur les milieux naturels devrait devenir prioritaire si la technique venait à se généraliser.

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3 Conclusion

Les apports atmosphériques d’ETM aux toits végétalisés expérimentaux sont dans la même gamme que pour d’autres milieux périurbains en France. Les apports anthropiques liés à l’ajout d’engrais lors de l’introduction des végétaux est une source potentielle d’ETM à ne pas négliger, en particulier si ces apports sont fréquents comme préconisés par les règles professionnelles. D’un point de vue physico-chimique, le pH en sortie de structure est plus élevé qu’en entrée. Ce phénomène contribue à contrôler les effets des pluies acides. Les concentrations en sortie des structures végétalisées sont parfois inférieures à celles de toitures classiques. Elles peuvent, à l’inverse, être supérieures, selon les structures et les ETM. Les valeurs observées sur certaines structures sont supérieures au seuil défini par la DCE. Une diminution des flux a été observée pour plusieurs ETM sur l’ensemble des structures : Cr, Cd, Cu, Pb, Sb et Zn. Certains matériaux se sont comportés comme des sources potentielles d’As, Ni et B. Les émissions semblent toutefois évoluer au cours du temps et débuter à différentes périodes de la vie de la toiture. Afin de comprendre les mécanismes ayant engendré ces phénomènes de rejets et rétentions d’ETM, il est nécessaire d’étudier l’évolution des structures végétalisées sous l’action des précipitations et des apports de polluants atmosphériques.

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ARTIE

IV

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VOLUTION DES STRUCTURES

Cette partie est dédiée à l’observation de l’évolution des structures végétalisées au cours des deux années pendant lesquelles des prélèvements d’eau ont été réalisé et essentiellement dans le cadre de prélèvements effectués en avril 2013. Le premier chapitre s’attache à l’observation descaractéristiques globales des différents matériaux à l’échelle de la parcelle. Grâce à des observations aux échelles méso- et microscopiques, le second chapitre permet de mettre en avant les interactions entre les végétaux et le substrat.

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1 Chapitre 1 : Approche globale par parcelle

Peu d’informations sur l’évolution des caractéristiques de structures végétalisées sont disponibles à ce jour. Les règles professionnelles françaises (ADIVET et al., 2007) donnent toutefois des indications concernant le développement attendu au niveau du pourcentage de recouvrement par la végétation sur les deux premières années de vie de la toiture. Une étude menée dans un contexte de culture de plantes médicinales et potagères a montré une tendance à l’augmentation au cours du temps des concentrations en ETM dans les végétaux notamment en lien avec les teneurs élevées dans le substrat (Ye et al., 2013). Les teneurs dans les végétaux étaient cependant très faibles en comparaison de celles du substrat sauf pour Zn. Des variations significatives des teneurs en Ni et Cd dans le substrat ont également été enregistrées, expliquées partiellement par les apports atmosphériques industriels. Une autre étude sur les teneurs en ETM d’une toiture âgée de plusieurs années à différentes épaisseurs de la structure montre une absence de variation significative des teneurs avec la profondeur (Speak et al., 2014). Les caractéristiques initiales des substrats n’étant pas disponibles, il n’est pas possible de conclure quant à leur évolution.

La réalisation des prélèvements de végétaux et de substrats à différentes périodes des trois premières années de vie des toitures végétalisées expérimentales du Laboratoire de Nancy nous a permis d’obtenir des informations plus précises sur les évolutions rencontrées dans les structures de toitures végétalisées au cours du temps.