• Aucun résultat trouvé

PARTIE II. H YPOTHESES SUR LES CAPACITES DE RETENTION ET D ’ EMISSION DES

2.3 Essais en colonne de sorption du Zn sur l’argile expansée et le substrat extensif

2.3.5 Désorption du Zn

Les caractéristiques des courbes de désorption de Zn par les différents matériaux étudiés individuellement et en superposition peuvent également apporter des informations par rapport aux mécanismes induisant la rétention des éléments et aux éventuelles interactions entre le substrat et le drainage.

L’argile expansée présente une désorption rapide, notamment en comparaison des autres essais (Figure 33). Les courbes de sorption et de désorption de Zn par la colonne contenant le substrat extensif sont symétriques. La désorption dans le cas de la superposition des deux matériaux est également symétrique à la sorption notamment par rapport à la tendance à double pente au niveau des courbes de percées déjà identifiées dans le paragraphe précédent. Une forte similarité est visible entre les courbes de désorption du substrat et de TV sim, avec une désorption initiale plus forte de cette dernière. Ensuite, un ralentissement de la désorption est visible sur la colonne TV sim alors qu’elle est terminée sur la colonne de substrat, cela provient donc probablement de la désorption du Zn retenu sur l’argile expansée.

A ratio volume écoulé / volume poreux équivalent et égal à 400 (la désorption étant terminée pour l’ensemble des matériaux à cette période), 76 % du Zn initialement retenu sur le substrat et 41 % de celui retenu sur l’argile expansée est retrouvé en sortie. Pour la colonne contenant les deux matériaux, 74 % du Zn retenu est désorbé. Cette valeur est légèrement supérieure à la moyenne des deux matériaux considérés individuellement pondérée par leur proportion massique respective, soit 70 % environ. Une légère augmentation de la désorption issue de l’un et/ou l’autre des matériaux par rapport à chaque matériau pourrait donc avoir lieu.

Ces différences doivent être induites par des interactions entre matériaux lors de la superposition. L’eau entrant dans l’argile expansée a en effet un pH plus faible que celui de l’eau apportée initialement suite à la traversée de la couche de substrat (paragraphe 2.3.1 de cette partie). Celui-ci pourrait notamment expliquer une remise en solution plus importante du Zn sorbé par l’argile expansée dans le cadre d’une superposition par rapport à l’étude du matériau seul.

127

Figure 33- Comparaisons des courbes de sorption et désorption des différents matériaux en fonction de V/Vp

2.3.6 Discussion : des modifications significatives induites par la

dynamique de l’écoulement et la superposition des matériaux

Des mécanismes de sorption principalement liés à l’échange d’ions

Les essais réalisés en colonne sur le substrat extensif et l’argile expansée montrent une forte diminution des capacités de sorption de Zn par rapport à celles des essais en batch, de l’ordre de 93 % pour le substrat et 95 % pour l’argile expansée.

Le taux de désorption est significativement plus important en comparaison des 10 à 15 % désorbés uniquement pour les très fortes concentrations initiales dans le cadre des essais en batch. Cela provient de la mise en contact avec une solution renouvelée en permanence dans le cadre des essais en colonne. En outre selon les matériaux, la rapidité des phénomènes de désorption ou encore la relative symétrie entre les courbes de sorption et désorption de Zn2+ ainsi que de sorption de Zn2+ et désorption de Ca2+ tendent à indiquer que la sorption non spécifique par échange d’ions est le phénomène majoritaire de sorption de Zn sur ces matériaux testés en colonne (Miretzky et al., 2006 ; Gujisaite, 2008). Or les résultats obtenus dans le cadre des essais en batch démontraient la prépondérance de la formation de liaisons spécifiques pour la sorption de Zn2+ en particulier sur l’argile expansée (paragraphe 2.1 de cette partie).

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 100 200 300 400 500 600

C/C

0

V/V

p

AE ads

Extensif ads

TV sim ads

AE des

Extensif des

TV sim des

128

Ainsi, la circulation dynamique du flux de Zn dans la colonne induisant un temps de contact beaucoup plus court (de quelques minutes contre plusieurs jours en batch), seuls les sites de sorption permettant un échange d’ions sont sollicités du fait de la formation plus rapide de ces liaisons électrostatiques par rapport aux liaisons chimiques. Or ces sites étant moins nombreux que ceux permettant la formation de liaisons spécifiques, cela induirait une diminution de la capacité de rétention des matériaux en condition dynamique. En outre ils induiraient une plus grande réversibilité de la sorption du fait de leur plus faible force d’interaction (Miretzky et al., 2006).

Une complexité des phénomènes induite par la superposition des matériaux

La nature des liaisons de sorption des deux matériaux superposés semble comparable à ceux des deux matériaux considérés individuellement puisqu’ils démontrent notamment une certaine symétrie entre les mécanismes de sorption et désorption.

Cependant, la superposition des deux matériaux dans la même colonne induit un stockage global légèrement inférieur à la somme des quantités de Zn stockées par les deux matériaux considérés séparément. Le taux de désorption global est quant à lui légèrement supérieur à la moyenne des taux de l’argile expansée et du substrat pondérée par leur masse respective. Cela peut être lié à une différence dans le tassage des matériaux entre les différentes colonnes. En outre, alors que l’on pourrait s’attendre à un temps de percée égal voire supérieur à celui du substrat seul, qui est le premier matériau traversé, ce temps se trouve entre ceux des matériaux considérés individuellement. La superposition des deux matériaux a donc bien un impact sur la sorption du Zn et pas uniquement au niveau des mécanismes induits dans la couche inférieure suite à la traversée de la couche de substrat.

La présence d’une stratification dans une colonne favorise notamment l’écoulement de l’eau de la macroporosité vers la microporosité, en particulier dans la zone à l’amont de la séparation, et réduit ainsi l’impact de la macroporosité en termes d’écoulement préférentiel notamment (Muca-Lamy, 2009). Cependant peu d’études existent sur la caractérisation des capacités de rétention de substances par des colonnes composées de différents matériaux et il n’a pas pu être identifié de comparaison entre des matériaux utilisés individuellement puis superposés. En outre, les deux matériaux présentent également des pH significativement différents avec notamment un pH plus élevé pour l’argile expansée de l’ordre de 9 contre 6,8 pour le substrat. Ainsi, bien que situé à l’aval, il pourrait y avoir un impact de l’argile expansée sur le substrat, probablement dans la zone proche de l’interface entre les deux matériaux et potentiellement dû aux différences de pH entre ces deux matériaux. Or celui-ci conditionne fortement les conditions de sorptions des ETM sur les sols (Bradl, 2004).

129

Limites et intérêts des conditions expérimentales retenues

Plusieurs éléments relatifs aux conditions expérimentales diffèrent de ce qui se passe réellement sur les toitures végétalisées. Il est donc important de voir dans quelle mesure cela peut influencer les résultats obtenus. Tout d’abord, l’injection ascendante induit une saturation du milieu. Or les substrats et drainages ne sont pas systématiquement saturés en temps de pluie sur les toitures réelles, même si les teneurs restent relativement proches de la teneur à saturation. Gujisaite (2008) a cependant montré que les mécanismes d’échange d’ions, prépondérants dans le cadre de ces essais dynamiques sur les matériaux de toitures végétalisées, ne sont globalement pas affectés par la teneur en eau lorsque l’on reste dans une gamme proche de la saturation.

Du fait de la capacité de rétention de Zn relativement élevées des matériaux, il a également été nécessaire d’utiliser des débits et concentrations élevés par rapport à ce qui peut classiquement se faire en colonne ainsi que des hauteurs de colonne faibles pour obtenir une saturation puis une désorption dans des temps raisonnables. Miretzky et al. (2006) ont adopté la même stratégie d’utilisation de petites colonnes à des vitesses importantes pour prendre en compte les fortes capacités de rétention du sol considéré et les résultats obtenus ont finalement montré une faible influence de ces paramètres sur les caractéristiques de sorption du matériau considéré. Par ailleurs, le débit de 0,3 mL min-1 correspond à une intensité surfacique de 0,57 mm h-1 environ. Or cette intensité peut être rencontrée dès certaines pluies annuelles en Lorraine, selon les courbes tracées grâce aux coefficients de Montana. En outre, les matériaux de toitures végétalisées ont des conductivités hydrauliques élevées et bien supérieures au débit introduit. Ainsi un apport de pluie avec une intensité et une circulation à travers le milieu comparable à celle des essais en colonne peut être rencontré ponctuellement sur les toitures expérimentales réelles.

Une étude menée par Seidl et al. (2013) a consisté à arroser pendant 4 semaines des colonnes de substrats de différentes épaisseurs avec des pluies d’intensité et de volume globaux comparables à la pluviométrie sur 3 ans à Paris avec des concentrations en Zn plus proches de la réalité que celles utilisées dans le cadre des essais présentés précédemment. Plus représentatif des conditions hydrologiques réelles, ces essais complémentaires ont permis de démontrer l’impact des caractéristiques des pluies et des périodes de sécheresses sur la qualité des eaux en sortie. Une rétention d’ETM plus importante lorsque la période préalable à la pluie était plutôt sèche a notamment été observée, probablement en lien avec la répétition de cycle humide/sec qui favorisent la stabilisation des ions sorbés dans les sols (Han et al., 2001). Cependant ces essais n’ont pas mis en évidence l’impact de la hauteur de matériau ni une évolution des capacités de sorption liée à une saturation progressive des sites de sorptions disponibles qui sont visibles grâce aux essais en colonne

130

avec des débits forcés et des concentrations plus élevées. Or ces deux aspects sont importants à prendre en compte dans un objectif de dimensionnement de toitures végétalisées aux capacités épuratoires optimisées et d’évaluation de l’efficacité de la structure à long terme.

Ainsi, malgré certaines limites liées au protocole expérimental retenu, ces essais en colonne permettent toutefois d’obtenir des informations intéressantes en termes de mécanisme de sorption de Zn et d’impact de la superposition des matériaux. En outre, ils permettent de nuancer les résultats obtenus dans le contexte idéal du batch par rapport à ce qui se déroule réellement en toiture végétalisée.

Pistes pour la conception de toitures végétalisées aux capacités épuratoires optimisées

Les essais sur différentes épaisseurs d’argile expansée apportent des informations importantes en vue de la conception de toitures végétalisées aux capacités épuratoires optimisées. Une augmentation de la hauteur d’un coefficient 2 a en effet permis d’observer une augmentation proportionnellement plus importante de la quantité de Zn stockée. Ceci peut provenir d’une amélioration des conditions de contacts entre le matériau et les ions en solution, notamment via une augmentation du temps de contact. En comparaison au substrat extensif, une quantité de Zn stockée quasiment similaire est obtenue pour une même épaisseur (10 cm) d’argile expansée avec une masse 5 fois moins importante. Or la masse de la structure est un paramètre essentiel à prendre en compte dans la conception d’une toiture végétalisée.

131

3 Conclusion

La caractérisation physico-chimique des différents matériaux utilisés pour la construction des toitures végétalisées expérimentales a montré une hétérogénéité importante entre les trois substrats utilisés ainsi qu’entre les différentes fractions granulométriques d’un même matériau. Des teneurs en ETM très faibles ont été mesurées dans les matériaux synthétiques. Les matériaux minéraux et organiques, notamment le substrat semi-intensif, présentent des teneurs non négligeables en certains éléments. Cependant, la disponibilité estimée par extraction chimique reste faible. Certaines caractéristiques physico-chimiques sont favorables à la rétention des ETM, notamment ceux apportés en phase dissoute grâce à un pH élevé dans les trois substrats et l’argile expansée. Les valeurs peu élevées de la CEC et la présence de grosses particules peuvent cependant limiter cette capacité.

Les différents essais menés en batch et en colonne ont permis de caractériser plus précisément les capacités de sorption individuelles des matériaux et d’identifier certains mécanismes entrant en jeu dans la sorption de Cu et Zn sur les substrats et les matériaux de drainage. Cu notamment semble plus particulièrement lié à la matière organique dans les substrats avec un potentiel de désorption important du fait de la solubilité de cette dernière. Concernant Zn, l’argile expansée a montré une capacité de sorption élevée et stable en lien avec la formation de liaisons spécifiques dans le cadre des essais en batch. Les essais en colonne ont apporté une approche complémentaire permettant d’évaluer l’impact d’une circulation dynamique du flux d’ETM et de la superposition du substrat et du matériau de drainage comme sur une toiture réelle. Ces deux éléments semblent diminuer la capacité de sorption globale des différents matériaux ainsi que la stabilité des liaisons formées. Des variations de pH ainsi que la formation de liaisons d’échange d’ions, moins stables mais se formant plus rapidement, peuvent expliquer ces variations.

Chaque protocole expérimental montre ses limites par rapport aux situations réelles rencontrées sur les toitures végétalisées. Les essais en batch peuvent être considérés comme idéalisés avec des temps de contact important notamment. A l’inverse, ceux en colonne ne prennent pas en compte certains phénomènes stabilisant les liaisons de sorption. Mais ces deux types d’essais complémentaires permettent donc d’obtenir des fourchettes basses et hautes de capacités de rétention. Il sera intéressant de voir par la suite si les capacités réelles des matériaux se trouvent à l’intérieur de cette gamme.

132

Dans un contexte de conception de toitures végétalisées aux capacités épuratoires optimisées, ces essais ont également permis de comparer les capacités de sorption des différents matériaux entre eux et par rapport à d’autres biosorbents utilisés dans l’industrie, permettant d’identifier de nouveaux matériaux à tester. La structure synthétique stockante a une très faible capacité de sorption de Cu et Zn contrairement à l’argile expansée, qui est comparable à d’autres biosorbents. Celle des substrats est intermédiaire. Les résultats issus des toitures végétalisées expérimentales permettront de voir si ces tendances se retrouvent en situation réelle. En outre, une augmentation des capacités de sorption a été observée sur les matériaux concassés par rapport aux non concassés. Les essais sur les différents matériaux constitutifs des substrats ont permis une meilleure compréhension des phénomènes complexes de sorption qui se produisent dans ces milieux hétérogènes et d’établir des méthodes d’évaluation de la capacité de rétention globale d’un mélange par rapport aux capacités individuelles des différents constituants. Enfin, plusieurs de ces résultats ont mis en avant la nécessité d’une caractérisation régulière des matières premières utilisées pour la production des matériaux du fait de la variabilité des capacités de sorption selon les caractéristiques spécifiques de chaque lot de différents matériaux portant la même dénomination.

133

P

ARTIE

III

C

ONCENTRATIONS ET FLUX DE POLLUANTS DANS LES EAUX ISSUES

DES TOITURES VEGETALISEES

Cette partie vise à caractériser les concentrations et flux d’ETM entrant et sortant des structures expérimentales. Le premier chapitre est dédié à l’observation des apports anthropiques et atmosphériques à la structure, afin de vérifier que ces derniers sont comparables à ce que l’on peut trouver en milieu périurbain en France. Le second chapitre présente à la qualité des eaux en sortie de toiture, permettant ainsi de mesurer l’impact réel des toitures végétalisées sur la qualité des eaux pendant plus de deux ans.

134

1 Chapitre 1 : Entrées du système

Les deux sources d’ETM sont les apports atmosphériques ainsi que les apports anthropiques. Les premiers peuvent représenter des quantités non négligeables par rapport aux flux de polluants dans le cycle de l’eau dans la ville, notamment pour Zn (Percot, 2012). Concernant les apports anthropiques, la présence d’ETM dans les engrais varie en fonction de la nature des produits utilisés ; certains engrais minéraux, notamment les phosphates, peuvent présenter des concentrations élevées en ETM, tels que Cd ou As. Gregoire & Clausen (2011) ont identifié l’apport d’engrais sur leur toiture végétalisée expérimentale comme une source potentielle de Cu, celui-ci ayant en effet une teneur en Cu de l’ordre de 40 mg g-1.