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Selon les guides de pratique, une sténose sévère est définie par une aire valvulaire aortique < 1cm2 et un gradient moyen transvalvulaire > 40 mmHg. La présence d’une sténose sévère constitue une indication de remplacement de la valve aortique (RVA) de classe I si le patient devient symptomatique et/ou s’il y a dysfonction systolique du ventricule gauche [149, 150].

Mais il a été montré qu’il existe une discordance des paramètres échocardiographiques chez environ 30 % de patients rencontrés en clinique [157] (Figure 4.1). Cette discordance a lieu entre l’aire valvulaire et le gradient moyen. L’AVA < 1 cm2 indique une sténose sévère alors que le GM < 40 mmHg suggère plutôt une sténose modérée.

Figure 4.1 : Corrélation entre l’aire valvulaire aortique et le gradient dans une étude échocardiographique chez des

patients atteints de sténose aortique et ayant une fonction ventriculaire gauche normale. La courbe bleue représente les valeurs prédites par l'équation de Gorlin (en supposant un débit cardiaque

normal) et la courbe jaune représente les valeurs ajustées de la population étudiée. Les quadrants sont basés sur les valeurs limites pour la sténose aortique sévère, comme indiqué dans les directives actuelles.

Les pourcentages correspondent aux patients par quadrant. Tiré de [157]

L’occurrence de cette discordance est bien connue et acceptée dans le cas des patients avec bas débit avec ou sans diminution de la fraction d’éjection du ventricule gauche. Par contre chez les patients avec un débit cardiaque normal, cette discordance est attribuée à des erreurs de mesure et la sténose est considérée comme non-sévère. Or, nous avons montré récemment qu’au moins 50% des patients

dans cette situation pouvaient avoir une sténose aortique sévère et le besoin de subir un remplacement valvulaire aortique afin d’éviter un devenir très sombre [158-160].

3.1.

Erreurs de mesures

Comme on a pu le voir dans la section 3.5, bien que l’échographie cardiaque soit le « gold standard » pour l’évaluation de la sévérité de la sténose, l’observation du cœur à travers la cage thoracique peut représenter un certain nombre de défis, qui empêchent une observation complète du cœur et peuvent entrainer des erreurs de mesures.

La plus fréquente à laquelle on peut faire face est une erreur de l’AVA. En effet, le calcul de l’AVA par échocardiographie-Doppler fait intervenir différents paramètres dont notamment le diamètre de la CCVG qui est mis au carré dans la formule de l’aire valvulaire et la mesure de l’ITV dans la CCVG. Une petite sous-estimation du diamètre entrainera une sous-estimation encore plus grande de l’AVA. Cette erreur de mesure du diamètre de la CCVG peut s’expliquer également par sa forme ovale plutôt que circulaire. La coupe obtenue à l’échocardiographie peut être le petit diamètre au lieu du grand diamètre. De plus, cette mesure du diamètre de la CCVG par échocardiographie aurait tendance à être sous-évaluée comparativement à d’autres méthodes d’imagerie (tomographie axiale ou résonance magnétique). Quant à l’ITV, la présence d’un bourrelet septal peut causer un mésalignement avec le faisceau Doppler entrainant une sous-estimation de la mesure.

On peut également réaliser des erreurs lors de la mesure du gradient moyen transvalvulaire (GM) et la vélocité maximale (Vmax). Un débit cardiaque trop élevé, la présence d’une insuffisance aortique ou bien la présence d’un bourrelet septal engendre une surestimation du GM et de la Vmax, alors qu’au contraire un bas débit et un mauvais alignement avec le flux aortique vont aboutir à une sous- estimation. On notera par ailleurs que seulement 30 à 50 % des patients atteignent leur vitesse maximale en vue apicale [161]. Il est donc important de ne pas négliger les différentes vues du cœur, notamment le parasternal droit, et de multiplier les prises d’images.

3.2.

Indexation de l’aire valvulaire aortique

L’indexation de l’aire valvulaire aortique par la surface corporelle du patient (AVAi) peut permettre de corriger une sévérité apparente chez ce patient. Cela est particulièrement utile chez les patients de petites tailles. En effet, une AVA < 1cm2 est considérée comme correspondant à une sténose sévère mais une fois indexée, et donc en accord avec les besoins physiologiques de la personne, la sténose peut apparaitre comme non sévère.

Au contraire, dans le cas d’un patient souffrant de surpoids ou d’obésité, l’indexation peut grandement surestimer la sévérité hémodynamique réelle du patient. Dans ce cas de figure, il est plutôt recommandé d’utiliser uniquement l’AVA non indexée.

3.3.

Présence de bas débit

Le bas débit est défini par les guides de pratique comme un volume d’éjection indexé à la surface corporelle comme < 35 mL/m2. Cet état est présent chez environ 35 % des patients atteints de sténose aortique [162, 163].

On a vu précédemment que le gradient moyen de pression transvalvulaire pouvait être impacté positivement ou négativement par un changement de débit. En effet, le GM est fortement dépendant du débit, puisque c’est une fonction carrée du débit, et peut donc être « pseudo normalisé » et sous- estimer la sévérité de la sténose en présence d’un bas débit. D'autre part, l'AVA peut être pseudo- sévère en raison d’une diminution de la pression appliquée par le sang sur les feuillets, qui engendre une ouverture incomplète de cette dernière.

Il existe deux entités de bas débit entrainant un bas gradient [164]:

 À fraction d’éjection altérée (FEVG < 50%), que l’on appelle « classique » : elle s’explique par le fait que le ventricule gauche n’est plus en mesure de se contracter normalement.  À fraction d’éjection conservée (FEVG >50%), que l’on appelle « paradoxale » : elle

s’explique par un ventricule hypertrophié pour lequel le petit diamètre de cavité entrainerait un petit volume de sang à éjecter, d’où la présence de bas débit.

3.4.

Hypertension artérielle concomitante

Nous avons vu que l’hypertension artérielle coexistait fréquemment avec la sténose aortique [117, 119, 123]. Malheureusement, plusieurs études ont montré qu’elle pouvait influencer de manière négative sur l’évaluation hémodynamique de la sténose [110, 165, 166].

Deux études portant sur des modèles animaux [110, 167] ont montré qu’en augmentant expérimentalement la pression artérielle, allant jusqu’à créer de l’hypertension, les gradients mesurés par cathétérisme et par écho-Doppler étaient abaissés.

La modification des propriétés hémodynamiques artérielles systémiques associée à une hypertension systémique peut entraîner une diminution du flot et une augmentation de l'AVA, ce qui aboutirait une réduction importante du gradient.

Par ailleurs la seconde étude [167] a montré que malgré une diminution du volume d’éjection, le débit cardiaque lui est resté semblable, ce qui corrobore les propos de Laskey et collaborateurs, sur le fait que le GM mesuré par échocardiographie peut être modifié à cause d’une augmentation des résistances vasculaires périphériques sans modification du débit [166]

Figure 4.2 : Évolution des variables hémodynamiques de sténose aortique sévère (ligne bleue) et critique (ligne rouge)

chez les ovins présentant une tension artérielle normale, une hypertension et une diminution de la compliance artérielle systémique. (A) L'évolution du gradient transvalvulaire moyen, (B) la vitesse maximale du jet aortique, (E) le volume

Dans la pratique, lorsqu’un patient hypertendu présente des indices de sévérité hémodynamique discordants, il est recommandé de normaliser sa pression artérielle avant de refaire une

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