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DIRECTEURS GÉNÉRAUX, DIRECTEURS ET CHARGÉS D’OPERATION DANS L’ORGANIGRAMME DES ORGANISMES HLM

ORGANISMES HLM AU SEIN DU CIRCUIT DE FINANCEMENT DU LOGEMENT SOCIAL

ENCADRÉ 2. DIRECTEURS GÉNÉRAUX, DIRECTEURS ET CHARGÉS D’OPERATION DANS L’ORGANIGRAMME DES ORGANISMES HLM

La gouvernance des organismes HLM peut être assurée sous deux formes distinctes. Les OPH et la quasi-totalité des ESH sont dotées d’un conseil d’administration, qui désigne un directeur général. La gouvernance des ESH, cependant, peut aussi être assurée par un conseil de surveillance1, organe non exécutif, qui nomme et assure le contrôle d’un directoire. Dans ce

ont été réalisés dans ce cadre, auprès de salariés d’organismes HLM actifs ailleurs que dans les terrains d’étude, des consultants travaillant pour le compte d’organismes HLM, des salariés de promoteurs immobiliers ainsi que des directeurs d’associations représentatives d’opérateurs de la production urbaine.

1 Au sein des conseils d’administration et de surveillance siègent principalement des représentants des collectivités territoriales, des personnalités qualifiées, des représentants des locataires et, dans le cas des ESH, des représentants des actionnaires (cf. chapitre 5).

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cas, un président du directoire peut être nommé, qui assure dans les faits la fonction de direction de l’organisme. Selon l’USH, le directeur général comme le président du directoire ont pour mission principale de « piloter la stratégie de développement de l’organisme ». Cela se traduit notamment par la définition d’« orientations stratégiques » et d’« objectifs généraux par activité », tout en veillant à la stabilité financière de l’organisme, à l’amélioration de la qualité de service et au développement d’une stratégie en matière de communication. Il a aussi pour fonction de représenter l’organisme parmi les opérateurs locaux publics et privés et auprès des collectivités territoriales, en développant avec ces dernières des « relations étroites »1.

Le dirigeant de l’organisme est assisté par plusieurs directeurs ou responsables de services, qui ont la responsabilité d’une ou plusieurs des activités de l’organisme. En plus de la mission de pilotage du service dont ils ont la charge, ils participent à la définition de la stratégie de l’organisme et le représentent auprès des acteurs publics et privés locaux dans leur domaine d’activité2. Il est possible de différencier des directions fonctionnelles, chargées notamment de

la comptabilité, des ressources humaines, de l’informatique ou de la communication, et des directions techniques, qui assurent la gestion locative (attribution des logements, gestion des impayés, accompagnement social, etc.) et la maîtrise d’ouvrage (Demoulin, 2014, p. 15). Il est parfois fait référence à ce dernier ensemble d’activités, qui recouvre à la fois l’entretien, la réhabilitation lourde, la démolition et la construction, par les termes de « promotion immobilière » ou de « construction ». À ces directions dites « du siège » s’ajoutent enfin des directions « décentralisées », les agences, qui assurent la gestion de proximité (Demoulin, 2014, p. 15 ; voir aussi : Sainsaulieu, 2004). Ce schéma général peut varier marginalement d’un organisme à l’autre.

Comme le souligne H. Steinmetz (2013, p. 512), les caractéristiques des personnels « du siège » sont relativement méconnues, contrairement à celles des personnels en contact avec les locataires, et notamment en charge de la gestion locative (voir notamment : Marchal, 2006 ; Sala Pala, 2013 ; Bourgeois, 2013 ; Bonnet, 2016). Concernant les personnels assurant les fonctions de direction, les constats faits par plusieurs auteurs suite à des observations réalisées à la fin des années 1990 concernant la direction d’organismes publics et privés paraissent concordants (Bourgeois, 1996 ; Maury, 2001 ; Sainsaulieu, 2004). Ils montrent d’abord que, malgré des rapports généralement bons entre dirigeants et salariés, ces derniers ont tendance à se montrer critiques quant à la qualité du management et au défaut de vision stratégique (Sainsaulieu, 2004, p. 13). Ceci a souvent pour conséquence une mauvaise intégration entre services. R. Sainsaulieu (2004, p. 46) cite par exemple les propos d’un salarié, qui considère que les directeurs « sont bornés dans leur spécialité. Celle d’à côté, c’est l’ennemi, d’où des conflits incessants entre services ». Parallèlement, les auteurs soulignent le fait qu’il y a généralement une domination des rationalités techniques dans les processus de décision. C. Bourgeois (1996, p. 62) souligne que, au sein d’offices publics, c’est le cas pour la quasi-totalité des décisions, à l’exception de celles qui concernant la satisfaction des locataires, et en particulier la politique

1 USH, 2015, « Directeur(trice) général(e) », Les métiers, site internet : http://www.union-habitat.org/les- m%C3%A9tiers/le-management/directeurtrice-g%C3%A9n%C3%A9rale (consulté le 25 mai 2016).

2 USH, 2015, « Directeur(trice) / Responsable de département ou de service », Les métiers, site internet : http://www.union-habitat.org/les-m%C3%A9tiers/le-management/directeurtrice-responsable-de-

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des loyers, à propos desquelles les élus font valoir des arguments politiques. Y. Maury (2001, p. 157) note que cette situation est d’autant plus vraie dans des offices où la direction générale connaît une forte instabilité, liée aux changements de majorité politique dans la collectivité locale de rattachement. Les auteurs identifient cependant des tendances qui remettent en cause cette situation, dans le sens d’une plus grande implication des élus locaux au sein des offices et du développement croissant d’une rationalité gestionnaire au sein des sociétés anonymes (Bourgeois, 1996).

Des observations plus récentes, faites notamment à la suite d’entretiens avec des directeurs chargés de l’activité accession sociale à la propriété au sein de coopératives et d’organismes HLM par H. Steinmetz (2013, p. 508), permettent de confirmer ces tendances pour la période récente. L’auteure note que les personnes enquêtées ont tendance à être diplômées du supérieur (droit, économie et urbanisme à l’université, Sciences Po ou école d’ingénieur), ont une cinquantaine d’années et ont souvent connu une mobilité professionnelle en dehors du secteur HLM. L’auteure constate la féminisation toujours assez faible des fonctions de direction et elle met en évidence le fait que plusieurs des personnes rencontrées ont une vision assez précise du développement de leur organisation, appuyée sur des connaissances certes techniques, mais aussi politiques et du contexte local. Les constats faits pendant mon enquête vont dans le sens de ces observations.

Au sein des services chargés de la maîtrise d’ouvrage, et plus particulièrement de la construction neuve, la répartition des compétences entre salariés varie d’un organisme à l’autre. Mon enquête m’a principalement amené à rencontrer des prospecteurs fonciers, chargés d’identifier et d’acquérir des terrains sur lesquels il est possible de réaliser une opération, et des chargés d’opération, qui assurent généralement le suivi d’un projet de son financement à sa livraison. Il est intéressant de constater l’évolution de la place de ces salariés au sein des organisations. Y. Maury (2001, p. 116) montre que, à la fin des années 1990, « le statut de l’ingénieur, du technicien supérieur en bâtiment ou en génie civil, demeure une incontournable valeur de référence ». La maîtrise d’ouvrage a longtemps été perçue comme un service technique, « noble » et qui reste le « principal donneur d’ordre au sein de l’organisation » (Maury, 2001, p. 118‑121). Cependant, les rythmes de construction ayant ralenti dans les années 1980 et 1990, l’auteur montre que la maîtrise d’ouvrage apparaît à la fin des années 1990 comme surdimensionnée, les enjeux de qualité de service et d’entretien prenant le pas sur la construction, (Maury, 2001, p. 118). De plus, les métiers du développement impliquant de plus en plus de dimensions relationnelles du fait des partenariats avec les opérateurs privés et des négociations auprès des collectivités locales, des profils nouveaux commencent à être recherchés, qui valorisent les parcours généralistes (droit, économie, urbanisme) plutôt que les compétences techniques (Sainsaulieu, 2004, p. 38). Si, comme le note H. Steinmetz (2013, p. 512), « la reprise de la construction […] au milieu des années 2000 a peut-être freiné cette évolution », j’ai pu en constater les effets lors de mon enquête : la maîtrise d’ouvrage semble rester un des départements les plus valorisés au sein des organisations, mais les profils des salariés rencontrés témoignent de la diversification du recrutement.

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Le fait que l’enquête soit largement orientée autour de dirigeants a eu un impact sur le choix ainsi que sur le mode d’accès à mes interlocuteurs, qui s’est déroulé selon deux modalités. Comme le souligne M.-A. Montané (2002, p. 23), les milieux dirigeants sont notamment caractérisés par le fait que les individus qui les composent sont « restreint[s] en nombre ». Cela rend possible, dans un premier temps, la réalisation d’une enquête visant à l’exhaustivité, dans laquelle les enquêtés sont abordés de façon directe. J’ai donc cherché à rencontrer un membre de l’équipe de direction dont les fonctions sont liées au développement du patrimoine au sein de chacun des organismes HLM actifs dans la CAB, la CUB et la CAVDB. Ainsi, des interlocuteurs ont été rencontrés dans 25 des 31 organismes identifiés selon ces critères1. Dans un second temps, j’ai cherché à rencontrer

d’autres salariés des organismes HLM et d’autres acteurs du circuit de financement du logement social, en m’appuyant sur les informations citées lors des premiers entretiens. Le mode d’accès était alors indirect, et l’enquête ne visait plus à l’exhaustivité mais à obtenir des points de vue nouveaux sur un phénomène identifié comme pertinent, à confirmer certaines informations ou encore à approfondir ma compréhension de certains modes de faire. En particulier, le point de vue d’autres salariés des organismes HLM, appartenant principalement aux services liés à la maîtrise d’ouvrage, ainsi que celui d’élus et de salariés des collectivités territoriales, a permis de confronter les discours d’ordre stratégiques aux modalités concrètes de leur mise en œuvre.

En conséquence, les entretiens réalisés dans la thèse l’ont principalement été avec six types d’acteurs :

– Des directeurs généraux d’organismes HLM ;

– Des directeurs et responsables de services d’organismes HLM (principalement maîtrise d’ouvrage, aménagement et études urbaines) ;

– Des salariés d’organismes HLM, notamment des prospecteurs fonciers et chargés d’opération ;

– Des élus locaux ;

– Des salariés de collectivités locales, notamment des responsables de service (principalement logement, aménagement du territoire et projet urbain) ;

– D’autres acteurs du circuit de financement du logement social, parmi lesquels des salariés d’agence d’urbanisme, d’association représentatives des opérateurs urbains ou encore d’institutions en interaction avec les organismes HLM (CGLLS, CDC, ministère chargé du logement, etc.).

Au total, une centaine d’entretiens a été réalisée au cours des deux étapes de l’enquête (cf. Liste des enquêtés).

1.2.3. Enquêter auprès d’élus et de dirigeants

La concentration de l’enquête sur des dirigeants et, dans une moindre mesure, des élus locaux, a motivé un ensemble de précautions, les entretiens semi-directifs avec ce type d’acteurs ayant plusieurs particularités. Celles-ci ont été mises en évidence par plusieurs auteurs, en particulier

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des sociologues (voir notamment : Chamboredon et al., 1994 ; Hertz, Imber, 1995 ; Cohen, 1999 ; Montané, 2002). Deux difficultés ont été particulièrement notables.

La disponibilité des dirigeants et élus locaux a, en premier lieu, constitué un problème : ce type d’acteurs est en effet généralement difficile à rencontrer (Montané, 2002, p. 26). Au cours de mon enquête, j’ai peiné à obtenir certains entretiens, notamment du fait de l’absence de contact préalable, du manque d’intermédiaires m’introduisant auprès des enquêtés ou encore de la difficulté à faire parvenir un message aux dirigeants, l’accès à leur adresse mail ou numéro de téléphone direct faisant l’objet d’une médiation par leurs services. Plusieurs personnes ont ainsi été contactées par courrier. Comme M.-A. Montané (2002, p. 26), j’ai de plus pu constater que la « planification de l’enquête se heurte à l’inégalité des positions dans la négociation des rencontres », avec la possibilité d’annulations ou de reports jusqu’à la dernière minute. Enfin, le temps imparti à l’entretien a généralement été limité, entre une heure et une heure et demie en moyenne, et il a rarement fait l’objet d’une définition a priori. L’ensemble de ces paramètres crée une situation d’entretien dans laquelle l’enquêteur a tendance à se sentir redevable du temps accordé par l’enquêté1 et ne maîtrise

qu’approximativement la temporalité de l’entretien. Comme le souligne P. Garraud (1999, p. 173), cela rend par exemple nécessaire des ajustements « sur le vif » quant au choix des questions à poser, lorsque sont identifiés des signes que l’entretien doit toucher à sa fin (impatience manifeste de l’enquêté, coups de téléphone récurrents, présence à la porte du bureau du rendez-vous suivant, etc.). Une autre conséquence de cette situation a résidé dans des difficultés occasionnelles à interrompre ou contredire des enquêtés ressentant un plaisir manifeste à retracer leur parcours ou à présenter ce qu’ils considèrent comme important.

En second lieu, les dirigeants ont « une pratique du pouvoir, du secret et de la communication, qui pèse sur toute situation d’enquête » (Montané, 2002, p. 24). Concrètement, cela se traduit, pour E. Friedberg (1999, p. 93, cité par : Pinson, Sala Pala, 2007, p. 565) par la nécessité d’une vigilance en entretien quant à trois phénomènes : la langue de bois, c’est-à-dire « la limitation du discours à ses formes officielles », le non-dit et la tendance de certains enquêtés à trop réfléchir à leurs pratiques, qui complique l’obtention d’informations factuelles et l’interprétation de certains de leurs propos. J’ai fréquemment rencontré, lors d’entretiens, ces trois manifestations de l’habileté des dirigeants en matière de communication. Cependant, j’ai surtout été marqué par leur capacité à « plier la situation d’entretien à leur guise » et, plus généralement, à maîtriser l’échange (Montané, 2002, p. 26). Cela se traduit en particulier par des reformulations de questions, qui ont pour effet de les réorienter (« Ce que vous voulez dire, c’est… ») ainsi que par des hiérarchisations des arguments, qui font passer au second plan l’objet de la question posée (« C’est une question intéressante, mais le vrai problème, c’est… »). Ces procédés discursifs sont intéressants, car ils peuvent être révélateurs, mais ils compliquent généralement l’accès à l’information. Enfin,

1 Le fait pour l’enquêteur de se sentir redevable peut occasionnellement être renforcé par l’inégalité plus générale de la relation d’entretien. H. Chamboredon et al. (1994) ont montré en particulier comment le fait d’être un jeune chercheur et d’être en position d’enquête sur un champ dont on ne connaît pas encore tous les détails contribue à créer une position d’infériorité relative par rapport à certains enquêtés, du point de vue du capital social, du pouvoir et du savoir. Sans avoir été confronté aux situations d’intimidation décrites par ces auteurs, j’ai pu ressentir cette inégalité dans la relation, parfois renforcée par le fait que la quasi-totalité des entretiens que j’ai réalisés se sont déroulés au lieu de travail de l’enquêté, voire dans son bureau, et donc dans un espace qui n’était pas neutre. Comme le remarque M.-A. Montané (2002, p. 25), cette situation rend parfois nécessaire « quelques concessions » de la part de l’enquêteur, parmi lesquelles il cite : effort vestimentaire, « politesse marquée et autres marques de déférence » ou encore « prudence dans la formulation des questions ou des remarques ».

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l’ensemble de ces contraintes est redoublé par le fait que les dirigeants ont tendance à considérer que le détail des modes de faire et des outils mobilisés n’est pas digne d’intérêt, ou du moins pas ce à propos de quoi l’enquêteur a demandé à les rencontrer. Mettre au second plan ces activités permet en effet aux dirigeants de valoriser leurs fonctions stratégiques et de management. Cela renvoie aussi à la difficulté plus générale des acteurs à « verbaliser et expliciter ce qui leur est ‘trop’ naturel », c’est-à-dire leurs activités quotidiennes (Pinson, Sala Pala, 2007, p. 565).

Ces deux difficultés ont dicté certaines stratégies et attitudes dans la passation des entretiens. J’ai d’abord fait le choix d’adopter une posture de « neutralité bienveillante » (Montané, 2002, p. 27) vis-à-vis des enquêtés. Au contraire de stratégies d’entretien qui consistent à exagérer l’artificialité de la situation, je n’ai pas cherché à rester insensible aux propos énoncés, à refuser de m’engager dans l’échange ou à contredire les enquêtés sur le vif. Cependant, tout en ayant eu recours aux stratégies d’entretien décrites ci-dessous, à des relances et à des questions d’approfondissement, j’ai adopté une posture visant à favoriser l’engagement des enquêtés dans l’échange, à contribuer à la formulation de propos réflexifs quant à leurs pratiques et à « prendre au sérieux » les informations transmises (Pinson, Sala Pala, 2007, p. 592).

J’ai ensuite adopté une attitude relativement souple vis-à-vis de la directivité, alternant des moments d’écoute passive parfois longs et des interventions plus fréquentes (Bertaux, 1980, p. 210, cité par : Montané, 2002, p. 27). Le plus souvent, après une courte présentation des enjeux de la thèse1, les entretiens ont débuté soit par la présentation de l’organisation ou de l’institution

enquêtée soit par la présentation du déroulement d’une opération de construction identifiée en amont, que j’ai peu interrompues. Ils étaient ensuite suivis par des questions plus rapides, visant à l’approfondissement, à l’obtention d’informations factuelles complémentaires, à aider l’enquêté à formuler des choses qu’il n’arrivait pas à verbaliser et à aller au-delà de ce qu’il pensait devoir répondre (Montané, 2002, p. 24). Ce procédé permettait d’instaurer dans un premier temps une relation de confiance tout en observant les mises en cohérence et hiérarchisations produites par les enquêtés, qui a souvent facilité le déroulement des échanges plus brefs dans un second temps2.

La construction des grilles d’entretien a enfin joué un rôle important dans la mise en œuvre de ces stratégies et attitudes. Le canevas de ces grilles a été mis en place à la suite de l’enquête exploratoire, qui a permis de repérer certaines des difficultés décrites ci-dessus et d’identifier des pistes d’investigation. Je me suis de plus appuyé, malgré les divergences évoquées quant au statut de l’entretien dans le dispositif de recherche, sur la grille d’entretien mobilisée par C. Topalov (1974) dans son étude des promoteurs immobiliers. Je l’ai complétée à l’aide de questions permettant d’envisager l’existence et le fonctionnement de dispositifs institutionnels au sein des champs HLM locaux. Ce canevas a évolué tout au long de l’enquête, dans la mesure où il a été mis à jour pour chaque entretien, de façon à prendre en compte les acquis des échanges précédents et les spécificités de l’organisation ou de l’institution enquêtée, identifiées à la suite d’une recherche documentaire. De façon à ce que la grille constitue un outil utile dans l’échange avec les

1 De façon à ne pas orienter l’entretien sur des enjeux exclusivement financiers, la présentation de la problématique de la thèse s’est faite à un niveau assez général : les modalités de la mobilisation des acteurs publics locaux et des organismes HLM pour la production neuve, en matière de stratégie, de types de produits et de modes de faire. 2 Ce procédé peut correspondre à ce que G. Pinson et V. Sala Pala (2007, p. 581) appellent la « mise en récit cadrée », qui contraint l’enquêté « à effectuer in situ un travail non préparé, auquel il consent dans le contexte social particulier de l’entretien » et qui permet d’éviter « une reconstruction des faits fantaisistes, ou lui donnant un rôle trop favorable, ou plus cohérente que les faits eux-mêmes ». Plusieurs auteurs ont d’ailleurs noté que les récits de pratique et les anecdotes sont des outils utiles en entretien (Beaud, Weber, 1998, p. 220, cités par : Pinson, Sala Pala, 2007, p. 594).

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dirigeants, elle était très structurée, ce qui permettait de passer rapidement d’un point à un autre, et comportait beaucoup de relances formulées, de façon à pouvoir prolonger les dires de l’enquêté, les contredire ou les mettre en relation avec le contenu d’autres entretiens ou documents.

L’ensemble de ces éléments ne doit cependant pas dissimuler plusieurs avantages liés à la passation d’enquêtes avec des dirigeants. Comme je l’ai précisé, ils constituent d’abord, au sein de chacun des EPCI enquêtés, un groupe relativement restreint, au sein desquels l’interconnaissance est forte. Ainsi, une question systématiquement posée par les enquêtés, généralement avant que l’enregistrement ait commencé ou en fin d’entretien, a été : « Vous avez vu qui jusqu’à maintenant ? »1. La réponse à cette question leur permettait de chercher à identifier mes

informateurs, d’évaluer mon sérieux à l’aune de la qualité perçue de mes interlocuteurs précédents et de me proposer des contacts. L’interconnaissance représente aussi un avantage dans le cadre d’une enquête dans la mesure où elle implique que les enquêtés « n’ont pas intérêt à mentir, le risque qu’un mensonge ou une dissimulation soit trop aisément débusqué par le chercheur exerce un effet dissuasif » (Pinson, Sala Pala, 2007, p. 585). Par ailleurs, plusieurs des biais pouvant se manifester au cours d’entretiens dans lesquels l’enquêteur est en position de domination, tels que les effets de légitimité, par lesquels les enquêtés cherchent à justifier leur position sociale en réinterprétant leurs parcours, ou les impositions de problématique par l’enquêteur, sont généralement évités. L’enquêté n’est en effet « pas sollicité en tant qu’individu ou représentant d’une classe sociale », mais « en