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molécules analogues

III.1. Etude préliminaire

III.1.2. Modes de coordination des molécules à activer : monomères

III.1.2.1. Le dioxyde de carbone

Initialement perçu comme un ligand pauvre, il est aujourd’hui évident que le dioxyde de carbone présente plusieurs sites de coordination et une grande variété de modes de coordination [1-6]. En effet, comme dit précédemment, les oxygènes peuvent interagir avec un métal en tant que bases de Lewis, le carbone central peut interagir en tant qu’acide de Lewis et les doubles liaisons C=O contiennent des électrons π capables d’interagir avec les orbitales de type d et f des métaux de transition, lanthanides et actinides. Quand les orbitales LUMO deviennent occupées, l’état de plus basse énergie correspond à une géométrie coudée de CO2. Une interaction entre un métal et CO2 impliquant un transfert de charge vers CO2 induit donc forcément une perte de linéarité. Les quatre principaux modes de coordination de CO2 décrits dans la littérature sont présentés dans la figure 6 [1-6].

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Figure 6. Quatre principaux modes de coordination de CO2 rapportés dans la littérature.

Un complexe organométallique modèle d’uranium III a été choisi afin d’étudier comparativement ces modes de coordination avec CO2. Il s’agit du complexe [(COT)(Cp)UIII]. Les calculs ont été réalisés avec le pseudopotentiel à petit cœur puisqu’il s’agit de monomères à petits ligands. Les complexes ont été optimisés avec deux multiplicités de spin distinctes : 4 et 2. L’état quadruplet peut correspondre à deux situations : celle où la coordination de CO2 n’implique pas de transfert de charge du métal vers CO2, il s’agit alors d’une interaction entre CO2 neutre et le complexe d’uranium III (qui, rappelons-le, possède 3 électrons non appariés dans ses orbitales 5f) et celle où la coordination implique un transfert de charge du métal vers CO2. Dans ce second cas, l’uranium III est oxydé en uranium IV et le CO2 est réduit en CO2•-. La multiplicité de spin ne varie pas car il y a toujours 3 électrons non appariés (2 dans les orbitales 5f de U(IV) et 1 dans le radical anion, tous dans l’état de spin α). L’état doublet peut lui aussi correspondre à deux situations : celle où une double oxydation du métal s’est produite (oxydation de l’uranium III en uranium V, qui possède 1 électron dans les orbitales 5f, d’où l’état doublet) et où CO2 a été doublement réduit en CO22- (qui est intrinsèquement une espèce singulet), et celle où l’uranium III est oxydé en uranium IV et CO2 est réduit en CO2•-, avec un électron d’état de spin β pour la partie CO2•-. Les quatre situations sont résumées dans la figure 7.

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Figure 7. Quatre situations électroniques possibles suite à la coordination de CO2 sur un complexe

d’uranium III.

Mode de coordination η1

O

Ce mode de coordination est de nature électrostatique : il s’agit d’une interaction entre le centre métallique chargé positivement et un des oxygènes de CO2 chargé négativement. Aucun transfert de charge n’a lieu. Ce mode n’a jamais été identifié par diffraction des rayons X dans la littérature, mais l’a cependant été par des méthodes spectroscopiques et théoriques pour le complexe [Cu(CO2)] [56]. L’adduit optimisé avec notre complexe modèle pour ce mode de coordination est plus stable dans son état quadruplet que dans son état doublet. La géométrie de cet adduit présente une molécule de CO2 inchangée par rapport à CO2 libre (liaisons C-O de 1,16 Å et angle de 179°) et une longue distance U-O de 2,93 Å. L’analyse NBO montre qu’il s’agit bien d’un uranium III en interaction avec un oxygène de CO2 neutre. La formation de cet adduit est endergonique de +4,7 kcal/mol par rapport à [(COT)(Cp)UIII] et CO2. L’interaction électrostatique est donc faible et ne compense pas totalement la perte d’entropie liée à la formation de l’adduit.

Mode de coordination η2

CO

Ce mode de coordination est le plus couramment observé expérimentalement. Le premier complexe de ce type dont la structure a été caractérisée est [(PCy3)2Ni(CO2)] [57]. Plus tard, [(PMe3)4Fe(CO2)] fut identifié [58],ainsi que d’autres complexes de Nb et Mo [59-61]. Notre complexe modèle dans ce mode de coordination est plus stable dans son état quadruplet que dans son état doublet. Sa géométrie est présentée dans la figure 8. Elle présente deux liaisons C-O non équivalentes : 1,25 Å pour la liaison en interaction avec l’uranium (égal à la distance

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C-O dans CO2•-) et 1,20 Å pour celle pointant vers l’opposé du métal. L’angle O-C-O est de 144°, ce qui se rapproche mais n’atteint pas sa valeur dans CO2•- (134°).

Figure 8. Structures optimisées des complexes [(COT)(Cp)U(CO2)] pour les modes de coordination

η2CO (gauche) et η2

OO (droite).

Dans la littérature, ce mode de coordination est décrit par deux processus électroniques: une donation électronique d’une orbitale π de CO2 vers une orbitale vacante dz² du métal et une rétrodonation de la part d’une orbitale dxy du métal vers une orbitale vacante π* de CO2 [1-6]. Ce processus est équivalent au modèle de Dewar-Chatt-Duncanson pour la description de l’interaction entre les métaux et les alcènes [62-64]. Dans notre calcul, les analyses NBO et orbitalaire concordent sur le fait que deux électrons célibataires sont placés dans deux orbitales 5f pures de l’uranium, le dernier se situant dans une orbitale moléculaire issue de l’interaction entre l’orbitale π* de CO2 et une orbitale hybride 6d-5f de l’uranium. Une visualisation de cette orbitale est présentée dans la figure 9. Ce complexe ne peut donc pas être décrit par le modèle Dewar-Chatt-Duncanson comme c’est le cas pour les métaux de transition, mais plutôt par un transfert de charge de l’uranium vers l’orbitale π* de CO2. La formation de ce complexe est endergonique de +8,3 kcal/mol. Il ne s’agit donc pas d’une coordination très favorable. Ceci peut être expliqué par la rupture difficile des liaisons inertes C=O, même si l’oxydation de UIII

vers UIV et la formation d’une interaction U-O sont des processus favorables thermodynamiquement.

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Figure 9. Orbitale HOMO de [(COT)(Cp)U(CO2)] dans le mode de coordination η2CO.

Mode de coordination η1

C

Ce mode de coordination est décrit dans la littérature comme résultant d’un fort transfert de charge entre l’orbitale dz² d’un métal et l’orbitale antiliante π* de CO2 [1-6]. Il est donc préféré pour les métaux riches et peut être facilité par des interactions faibles entre les oxygènes de CO2 et des acides de Lewis localisés dans la sphère de coordination du métal. Dans le cas de notre complexe, l’optimisation d’un tel adduit mène au mode de coordination η2

CO.

Mode de coordination η2

OO

Le dernier mode de coordination peut être décrit comme un complexe carboxylate, avec une liaison ionique M+CO2- et peut être rencontré dans le cas des alcalins ou des alcalino-terreux ainsi que dans l’adsorption de CO2 sur des surfaces métalliques [1]. Le système a été optimisé et est calculé un peu plus stable dans son état doublet. Sa géométrie est présentée dans la figure 8. Les liaisons C-O sont assez longues (1,26 Å et 1,25 Å) et l’angle O-C-O est de 127°, ce qui est proche des paramètres de CO2•-. Néanmoins, les analyses d’orbitales et NBO montrent que le principal processus électronique est un double transfert de charge de l’uranium vers CO2, avec le passage concomitant de UIII

vers UV. En effet, l’électron célibataire se trouve dans une orbitale 5f pure tandis que 2 électrons sont appariés sur l’orbitale π* de CO2 sans interaction avec le métal. Ce double transfert augmente les charges négatives des oxygènes de CO2 et favorise ainsi les interactions électrostatiques U-O. La formation de cet adduit est endergonique de +11,2 kcal/mol.

102 III.1.2.2. Le sulfure de carbone

Mode de coordination η1

S

Nous ne nous attendions pas à obtenir un adduit favorable avec un tel mode de coordination puisque l’atome de soufre dans CS2 est chargé positivement. Un adduit est néanmoins trouvé, avec une distance U-S très longue de 3,16 Å. La molécule de CS2 y est inchangée. La formation de cet adduit est calculée endergonique de +4,6 kcal/mol.

Mode de coordination η2

CS

Il s’agit du mode de coordination le plus courant pour les complexes de CS2. Ceci est dû au fait que la rétrodonation vers l’orbitale π* de CS2 est forte grâce à l’interaction entre le métal et la liaison C-S (n’oublions pas que CS2 possède un caractère π-accepteur plus fort que CO2). Divers complexes tels que [Cp2Ti(CS2)(PMe3)] [65], [(PPh3)2(CO)2Fe(CS2)] [52] ou [CpCo(PPh3)(CS2)][66] présentent ce mode de coordination. Dans le cas de notre complexe modèle, l’état de spin quadruplet mène à la structure la plus stable, dont la géométrie est présentée dans la figure 10.

Figure 10. Structures optimisées des complexes [(COT)(Cp)U(CS2)] pour les modes de coordination

η2

CS (gauche) et η2SS (droite).

La structure est analogue à celle trouvée pour CO2, avec deux liaisons C-S non équivalentes (1,64 Å et 1,61 Å, rappelant CS2•-) et un angle S-C-S de 156°, ce qui est plus élevé que CS2•- (141°). L’analyse orbitalaire montre que la situation est la même que pour CO2, c’est-à-dire que le principal processus électronique est un transfert de charge de l’uranium vers CS2. La formation de ce complexe est exergonique de -3,9 kcal/mol. Cette différence avec CO2 (+8,3 kcal/mol) est due au fait que les liaisons C-S de CS2 sont moins fortes que les liaisons C-O de

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CO2 et que son caractère π-accepteur est plus prononcé, ce qui rend plus favorable un transfert de charge vers CS2 que vers CO2.

Mode de coordination η1

C

Comme pour CO2, l’optimisation de ce mode de coordination mène à la formation du complexe précédent η2CS. Théoriquement, un tel complexe aurait pu être stabilisé grâce à la charge négative du carbone dans CS2, mais il semble préférable de former une interaction entre le métal et une liaison C-S afin de favoriser le transfert de charge vers CS2. Quelques complexes présentant ce mode de coordination ont néanmoins été reportés dans la littérature, par exemple [CpFe(CO)2(CS2)] [67].

Mode de coordination η2

SS

Le complexe dans ce mode de coordination n’a pas été trouvé avec une multiplicité de spin égale à 4. L’optimisation mène alors à la formation du mode η2

CS. Dans l’état doublet, le mode η2

SS est optimisé. Ceci peut être expliqué par le fait que les atomes de soufre ne sont suffisamment chargés négativement pour maintenir des interactions U-S que dans le cas d’un double transfert de charge de l’uranium vers CS2. En effet, une analyse orbitalaire montre un double transfert de charge et donc une double oxydation de UIII vers UV. La géométrie du complexe est présentée dans la figure 10. Sa formation est endergonique de +0,5 kcal/mol.

III.1.2.3. Le sulfure de carbonyle.