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III. Résultats, mise en discussion et perspectives

3.2. Analyse et interprétation des résultats à l’échelle globale

3.2.3. Une dimension temporelle (non significative mais) à ne pas négliger

Comme évoqué auparavant, cette dimension de l’intégration temporelle s’est révélée non significative pour l’ensemble des collèges d’acteurs (taux de réponse trop faible ou questions jugées prématurées au moment des entretiens). Cette dimension s’impose toutefois comme un élément important à prendre en compte pour la suite des actions à mener. La remise du présent rapport étant effective à mi-parcours de la durée d’engagement du contrat de baie (mai 2010 – mai 2015), il paraît ainsi important, comme l’ont souligné certains acteurs interrogés, de s’intéresser à la dynamique du contrat de baie dans le temps. Cette dimension intègre en particulier des critères liés aux moyens permettant d’inscrire le contrat de baie et ses actions dans le temps, ce qui conduira à s’intéresser à un organe du contrat de baie non évoqué (volontairement) jusqu’ici, à savoir la cellule d’animation du contrat de baie.

La « jeunesse » du contrat de baie est soulignée par tous les interviewés qui n’ont pas connaissance d’un bilan critique à l’échelle du contrat de baie depuis sa mise en œuvre. Si des bilans réguliers sont réalisés entre chaque réunion du bureau du comité de baie, les acteurs ne mentionnent que très peu (voire pas du tout) les rapports annuels adressés au comité de baie. Ce document dresse la synthèse des actions conduites sur l’année et permet de proposer les orientations à donner, en continuité, pour l’année suivante (voir CACEM, 2010, pour le dernier rapport annuel soumis au comité de la baie de Fort-de-France). Mais, comme il l’a été souligné pour la dimension horizontale, le fonctionnement même du comité de baie semble ne pas jouer le rôle attendu dans les bilans et les orientations du contrat de baie.

Les comptes-rendus tardifs des comités de baie ne permettraient pas d’inscrire ce processus dans une continuité et une réactivité indispensables au maintien de la dynamique des représentants des organismes partenaires. Le tableau de bord de l’avancement des actions ne semble pas être discuté entre les partenaires, mais constitue un outil de suivi utile pour l’ensemble des partenaires. Au titre des outils de suivi et d’auto-évaluation, soulignons certaines critiques à l’égard du « trop grand nombre d’actions » (acteur socioéconomique) dont ferait l’objet le programme du contrat de baie, et ce faisant la dispersion et le manque de suivi ressentis par ces personnes pour des actions sur lesquelles ils ont été sollicités ou ils participent directement (certains acteurs pouvant se défaire progressivement de cette dynamique par absence de reportage sur les actions qui les concernent). La participation est ainsi intimement liée à l’échelle temporelle sur laquelle elle opère et qui, pour les actions à visée environnementale notamment, porte généralement sur des échelles de temps longues et nécessite des moyens et des outils de suivi et de maintien de la dynamique partenariale.

Ces opérations de rendus, de secrétariat, d’animation, de bilan, etc. reposent en grande partie sur la cellule d’animation du contrat de baie, qui est explicitement évoquée par nombre des personnes interrogées comme l’organe moteur de la dynamique du contrat de baie. Son rôle est jugé vital pour la réussite et l’atteinte des objectifs. Certains acteurs interrogés (personnes qualifiées, collectivité, acteur socioéconomique) estiment que les moyens humains alloués à la cellule d’animation ne sont pas suffisants pour assurer la pérennité ou la concrétisation des actions, cette question étant mise en exergue avant celle des moyens financiers (bien que le lien entre les deux existe). L’intégration temporelle renvoie également à des critères qui permettent d’appréhender l’adaptabilité de l’outil contrat de baie, celle-ci étant jugée insuffisante, au plan organisationnel et institutionnel, et expliquée en grande partie par l’absence d’un(e) nouveau (nouvelle) animateur (animatrice) depuis début 2012. D’aucuns regrettent en effet un essoufflement de la dynamique depuis ce moment, le président du comité de baie lui-même (élu à la ville de Fort-de-France et à la CACEM) évoquant cette question comme la priorité à venir pour redonner l’impulsion nécessaire à la vie du contrat de baie.

La cellule d’animation, élément moteur de la dynamique partenariale

Si la cellule d’animation n’a jusqu’à présent pas été mentionnée dans les résultats sur les différentes dimensions de l’intégration, cela est notamment dû au fait que celle-ci est considérée avoir joué un rôle fondamental dans la dynamique positive dans la manière dont est mis en œuvre le contrat de baie. Il ressort en effet des entretiens qu’une grand part des points forts de la démarche repose (ou reposait, du fait de la « rupture » marquée depuis début 2012) sur la cellule d’animation et en particulier sur l’animatrice du contrat de baie. Tous s’accordent à dire que ces exigences de coordination, d’intégration, de transversalité évoquées jusqu’ici ont pour beaucoup été concrétisées et matérialisées par le travail de l’animatrice, dont les qualités en tant que « médiateur/trice » et facilitateur sont largement reconnues parmi les enquêtés. Analysant dans cette étude la manière dont est mis en œuvre le contrat de baie, celle-ci repose ainsi de manière substantielle sur la manière dont l’animation, en tant que « fil conducteur du contrat » (Brun, op. cit.), est réalisée et mise en œuvre. « Ainsi, les animateurs de bassin manifestent une capacité à composer en personne un ensemble d’opérations : expertise, traduction, médiation, négociation, portage de projet, passage entre proche et commun. Cette dernière opération distingue l’animateur d’un prestataire extérieur qui a rarement la possibilité de s’impliquer personnellement sur la durée. Par ailleurs, l’animateur de bassin se distingue par ses compétences techniques qui lui permettent de procéder à des « traductions scientifiques » et à des « traductions croisées » (Beuret, op.cit.) par une connaissance fine du milieu naturel. La conjonction des différentes opérations par une même personne permet de les mettre en cohérence. De ce point de vue, l’embauche d’une personne qui allie des compétences pour ces différentes opérations ajoute une pièce majeure à un dispositif de gestion de l’eau » (Richard-Ferroudji, 2008, p. 325). « Si l’équipement du dispositif cadre l’action, ce sont les personnes qui le font vivre et changer. […] Le terme d’animateur rappelle qu’un dispositif ne peut vivre de façon autonome. L’animateur lui donne vie et participe à son appropriation » (ibid., p.328).

Le lien avec la dimension temporelle étudiée ici est important, au regard justement de la nécessité d’une dynamique continue pour mobiliser et rapprocher les parties prenantes. Cette continuité requiert en effet des efforts d’adaptation face à des changements (environnementaux, socio-institutionnels…) ou des ruptures qui peuvent survenir durant la mise en œuvre d’une telle démarche. L’essoufflement de la dynamique ressentie depuis début 2012 par les enquêtés traduit bien ces exigences d’adaptation, au regard de la période d’engagement sur cinq ans du partenariat en cours. Cette adaptabilité amène aujourd’hui la structure porteuse à porter une attention particulière sur les moyens d’animation. Il convient également d’en tirer des enseignements afin de pouvoir tendre ultérieurement vers une « gouvernance adaptative » (Olsen et al., 2009) apte à conduire les changements attendus et à atteindre les objectifs fixés.

La démarche du contrat de baie, en tant que contrat d’études et de travaux, doit également trouver une articulation entre lesdites études (approfondissement de la connaissance sur un sujet particulier, etc.) et les travaux (restauration de sites ou de sous-bassins versants…) permettant l’atteinte des objectifs de bon état écologique des masses d’eau, ceci selon des échelles de temps adaptées aux échéances (Directive Cadre sur l’Eau), aux procédures, aux financements… Si certains acteurs interrogés estiment que les financements alloués ne sont pas à la hauteur des objectifs et du nombre d’actions identifiées, il y a lieu de mener une telle réflexion collective, avec à l’appui un « bilan à mi-parcours ». Des modes de financement innovants peuvent à ce titre être envisagés, à l’image des quelques partenariats public-privé initiés jusqu’alors sur certaines actions (ex. de l’expérimentation de « zone libellule » pour le traitement d’eaux usées à partir des capacités épuratoires de certains végétaux).

Enfin, en matière de prospective, aucune initiative n’est relevée par les personnes enquêtées, et seulement quelques discussions informelles sont mises en exergue concernant la période « après contrat de baie ».