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2.1 Croissance et dimension des fonctions

2.1.2 Dimension et niveau d’une fonction

2.1.2.1 Fonctions de jauge

On va introduire `a pr´esent les familles de fonctions de jauge d´efinies par P´etrogradsky [33]. En comparant une fonctionf `a ces fonctions de jauge, on obtient ainsi des invariants de croissance, le niveau et la dimension de f. D´efinissons par r´ecurrence :

ln(1)n= lnn et ln(q+1)n= ln(ln(q)n), q= 1,2, . . . .

On pose alors, pour tousα∈]0,+∞[ etn∈Nsuffisamment grand :

Φ1α(n) =α ; Φ2α(n) =nα ; Φ3α(n) = exp(nαα+1) ; Φqα(n) = exp n (ln(q3)n)1/α

!

, q= 4,5, . . . .

Notons que, pour q≥4, les fonctions Φqα(n) ne sont pas d´efinies pour nau voisinage de 0.

Lemme 2.9 Pour tous q≥2 et α >0, on aΦqα∼2Φqα.

Preuve. En se servant du lemme 2.8, no4, c’est tr`es facile.

Lemme 2.10 Pour q, r≥1 et α, β >0 on a les in´egalit´es strictes : 1. Φqα(n)≺Φqβ(n) siα < β;

2. Φqα(n)≺Φrβ(n) siq < r; 3. Φqα(n)≺exp(n).

2.1.2.2 Dimensions et niveaux

Soitf :N→R+ une fonction positive. Pour toutq ≥1 on appelledimension de niveau q de

f (resp. dimension inf´erieure de niveau q def) la quantit´e suivante :

Dimq(f) = inf{α >0 |f(n)Φqα(n)} resp. Dimq(f) = sup{α >0 |f(n)Φqα(n)}.

Ainsi Dimq(f),Dimq(f) ∈ [0,+∞]. Par construction, il s’agit d’un invariant de la croissance Γ(f). Grˆace au lemme 2.10, on voit que s’il existe q ≥ 1 tel que Dimq(f) ∈]0,+∞[, alors Dimr(f) = 0 pour r > q et Dimr(f) = +∞ pour r < q. L’entier q est alors d´efini de mani`ere unique et appel´e niveau de la fonction f, not´e lev(f). S’il existe q ≥1 tel que Dimq(f) = +∞ et Dimq+1(f) = 0, on dira quef est situ´ee entre les niveauxq et q+ 1.

2.1.2.3 Dimensions fortes

Il est techniquement agr´eable d’introduire la notion de dimension forte d’une fonction, l´eg`erement diff´erente en g´en´eral de la notion introduite pr´ec´edemment. On appelle dimension forte de niveauq de f (resp.dimension inf´erieure forte de niveauq def) la quantit´e suivante :

stdimq(f) = inf{α >0 |f(n)≤Φqα(n) pour nassez grand}

resp. stdimq(f) = sup{α >0 |f(n)≥Φqα(n) pourn assez grand}. Lemme 2.11 On consid`ere un entier q≥1.

1. On supposeq≥2. Soientc, β, ε >0 etρ >1des r´eels. Il existeN0N? tel que, pour tout

n≥N0 : ρΦqβ(cn)≤Φqβ+ε(n).

2. Soit f:NR+ une fonction. On a : Dimq(f) = stdimq(f) et Dimq(f) ≥stdimq(f). Si de plusf est croissante, alors Dimq(f) = stdimq(f).

Preuve. Il s’agit essentiellement du r´esultat [33, lemme 2]. On va toutefois en reprendre la d´emonstration. D´emontrons le no1 par exemple pourq = 3 ; les autres cas se traitent de mani`ere analogue. Notonsb= ββ+1 eta= β+β+ε+1ε . Pour tout entiern≥1, on a l’´equivalence :

ρexp((cn)b)≤exp(na) ⇐⇒ exp(cbnb−na)≤ 1

ρ (2.1)

Comme 0< b < a, on a lim

n→∞(cbnb−na) =−∞; l’in´egalit´e de droite dans (2.1) est donc v´erifi´ee sinest suffisamment grand.

D´emontrons le no2. Si f(n) ≤ Φqα(n) pour n assez grand, on a aussi f Φqα. L’in´egalit´e Dimq(f)≤stdimq(f) est alors claire. De mˆeme, il est facile de montrer que stdimq(f)≤Dimq(f). Il reste `a ´etablir les in´egalit´es inverses. On traite s´epar´ement les casq = 1 etq≥2.

Commen¸cons par le cas o`u q ≥ 2. Posons α = Dimq(f). Soient ρ > 1 et ε > 0. Il existe

C, N ∈N?tels quef(n)≤ρΦqα+ε(Cn), pourn≥N. D’apr`es le no1, il existe un entierN0 ≥N tel queρΦqα+ε(Cn)≤Φqα+2ε(n) pour toutn≥N0. Il vientf(n)≤Φqα+2ε(n) pournassez grand, d’o`u stdimq(f)≤α+2ε. En faisant tendreεvers 0, on en d´eduit l’in´egalit´e stdimq(f)≤α= Dimq(f). Supposons `a pr´esentf croissante. On pose maintenantα= Dimq(f). Soitρ >1. Pour ε >0 assez petit, il existeC, N1N? tels que Φqαε(n)≤ρf(Cn) pour n≥N1. Par ailleurs, il existe

N2N? tel que Φqαε(n) ≥ρΦqα2ε((C+ 1)n) pour n≥N2. Posons N = max{CN1, CN2, C2}. Pour tout n ≥ N, on peut ´ecrire n= Cm+r, avec 0 ≤r < C. Comme n ≥ N ≥C2, on en d´eduit quem≥C; en particulier, (C+ 1)m≥Cm+C ≥Cm+r=n. De mˆeme,m≥N1. On en d´eduit les in´egalit´es suivantes :

f(n) ≥ f(Cm) (par croissance de f) ≥ 1 ρΦ q α−ε(m) (parce quem≥N1) ≥ Φqα2ε (C+ 1)m (d’apr`es le no1) ≥ Φqα2ε(n) (par croissance de Φqα2ε).

On a ainsi montr´e que f(n) ≥Φqα2ε(n) pourn assez grand. Il vient stdimq(f) ≥α−2ε pour toutε >0 assez petit, puis stdimq(f)≥α par passage /‘a la limite quandε tend vers 0.

Traitons `a pr´esent le cas o`uq = 1. On note encoreα= Dim1(f). Pour tousρ >1 etε >0, il existeC, N >0 tel quef(n)≤ρΦ1α+ε(Cn) =ρ(α+ε) si n≥N. Il vient stdim1(f)≤ρ(α+ε), d’o`u stdim1(f)≤α par passage `a la limite quand ρ tend vers 1 et εtend vers 0.

Supposons maintenantf croissante ; on poseα= Dim1(f). On a, pour toutε >0 assez petit, Φα−εf. Pour toutρ >1, il existe N >0 tel que α−ε≤ρf(Cn) sin≥N. Par croissance de

f, on en d´eduit, pourn≥CN :

α−ε

ρ f(n).

L’in´egalit´e stdim1(f)≥α s’obtient par passage `a la limite quandρ tend vers 1 etεtend vers 0.

Remarque 2.12 L’in´egalit´e stdimq(f)≤Dimq(f) est stricte en g´en´eral. Consid´erons par exemple

f:NR+, d´efinie par f(n) = n si n est pair, et f(n) = 0 si n est impair. Il est clair que stdim2(f) = 0, et comme Φ2

1(n) = n ≤ f(2n), on a Dim2(f) ≥ 1 (on voit facilement que Dim2(f) = 1 en fait).

2.1.2.4 Dimension de Gelfand-Kirillov et superdimension

Introduisons, pour une fonctionf :N→R+ les notions de dimension de Gelfand-Kirillov et de superdimension de f. On pose :

GKdim(f) = lim sup

n→∞

lnf(n)

lnn ; GKdim(f) = lim infn→∞

lnf(n)

Sdim(f) = lim sup

n→∞

ln lnf(n)

lnn ; Sdim(f) = lim infn→∞

ln lnf(n) lnn . Lemme 2.13 [33, Corollary 2]Soit f :NR+ une fonction positive.

1. La dimension forte (resp. dimension inf´erieure forte) de niveau 1 de f co¨ıncide avec la limite sup´erieure (resp. limite inf´erieure) de f :

stdim1(f) = lim sup

n→∞ f(n) ; stdim1(f) = lim inf

n→∞ f(n).

2. Les dimensions fortes de niveau 2def co¨ıncident avec les dimensions de Gelfand-Kirillov def :

stdim2(f) = GKdim(f) ; stdim2(f) = GKdim(f).

3. Les dimensions fortes de niveau 3 de f co¨ıncident, `a une normalisation pr`es, avec les superdimensions def :

stdim3(f) = Sdim(f)

1−Sdim(f) ; stdim

3(f) = Sdim(f) 1−Sdim(f). 4. Les dimensions fortes de niveau q ≥4 de f peuvent se calculer comme suit :

stdimq(f) = lim sup

n→∞ ln(q2)n lnn−ln lnf(n) ; stdim q(f) = lim inf n→∞ ln(q2)n lnn−ln lnf(n).

Preuve. On ´ecrit les d´emonstrations pour stdimq; le cas de stdimq peut s’´etablir de la mˆeme mani`ere. Supposons d’abordq = 1. Comme Φ1α≡α, on a :

stdim1(f) = inf{α >0|f(n)≤α pour n0}.

Par ailleurs, on a lim sup

n→∞

f(n) = lim

n→∞sup

k≥n

{f(k)}; on v´erifie alors imm´ediatement que stdim1(f) = lim sup

n→∞ f(n).

Supposons maintenant q = 2. Notons α = stdim2(f). Pour tout α0 > α, il existe N ≥1 tel que pour toutn≥N :f(n)≤Φ2α0(n) =nα0. Il vient :

(∀n≥N) : lnf(n) lnn α

0,

d’o`u GKdim(f)≤α0; en faisant tendreα0versαon obtient GKdim(f)≤stdim2(f). D´emontrons l’in´egalit´e r´eciproque. On pose β = GKdim(f). Pour tout β0 > β, il existe N ≥ 1 tel que l’on ait : sup n≥N {lnf(n) lnn } ≤β 0,

d’o`uf(n)≤nβ0 pour tout n≥N. Il vient stdim2(f)≤β0; en faisant tendreβ0 versβ on trouve bien stdim2(f)≤GKdim(f).

Supposons ensuiteq = 3. Observons d’abord qu’on a une bijection croissante Θ :]0,∞[↔]0,1[ d´efinie par Θ(a) = a+1a pour tout a ∈]0,+∞[. La bijection r´eciproque Θ1 est donn´ee par Θ1(b) = 1bb pour tout b ∈]0,1[. On pose maintenant α = stdim3(f). Pour tout α0 > α, il existeN ≥1 tel que pour tout n≥N :f(n)≤Φ3

α0(n) = exp(nα0/(α0+1)). Il vient : (∀n≥N) : ln lnf(n)

lnn

α0 α0+ 1,

d’o`u Sdim(f) ≤ α0/(α0 + 1). En faisant tendre α0 vers α, il vient Sdim(f) ≤ α/(α+ 1). En appliquant Θ1, on obtient 1Sdim(Sdim(f)f) ≤ stdim3(f). Similairement, on montre que stdim3(f) ≤

Sdim(f) 1−Sdim(f).

Supposons enfin q ≥4. Posons `a nouveauα= stdimq(f). Pour toutα0 > α, il existe N ≥1 tel que :

(∀n≥N) : f(n)≤exp n (ln(q3)n)1/α0

! .

Pour toutn≥N, on a donc ln lnf(n)≤lnn− 1

α0 ln

(q−2) n, d’o`u l’on tire :

(∀n≥N) : α0ln

(q−2)(n) ln(n)−ln lnf(n).

On en d´eduit comme pr´ec´edemment que α0 ≥ lim sup

n→∞

ln(q2)n

lnn−ln lnf(n), puis que stdim

q(f) ≥

lim sup

n→∞

ln(q2)n

lnn−ln lnf(n). L’in´egalit´e r´eciproque se d´emontre de mani`ere analogue.

Remarque 2.14 D’apr`es le lemme 2.11, le r´esultat pr´ec´edent reste valable en rempla¸cant stdimq par Dimq; si de plus f est croissante, on peut aussi remplacer stdimq par Dimq.

On cherche maintenant `a savoir comment se comportent les dimensions d’un niveau donn´e par rapport aux op´erations naturelles sur les croissances.

1. Pour q= 1 :

Dim1(f+g) = Dim1(f) + Dim1(g) = Dim1(f +g) = Dim1(f) + Dim1(g) ;

Dim1(f g) = Dim1(f) Dim1(g) = Dim1(f g) = Dim1(f)Dim1(g).

2. Pour q= 2 :

Dim2(f+g) = sup{Dim2(f),Dim2(g)} ; Dim2(f+g)≥sup{Dim2(f),Dim2(g)} ;

Dim2(f g)≤Dim2(f) + Dim2(g) ; Dim2(f g)≥Dim2(f) + Dim2(g).

3. Pour q≥3 :

Dimq(f +g) = sup{Dimq(f),Dimq(g)} ; Dimq(f+g)≥sup{Dimq(f),Dimq(g)} ; Dimq(f g)≤sup{Dimq(f),Dimq(g)} ; Dimq(f g)≥sup{Dimq(f),Dimq(g)}. Preuve. Pour le no1, on observe que pour une fonction croissante f, la limite de f en +∞ existe. D’apr`es le lemme 2.13, on a dans ce cas Dim1(f) = Dim1(f) = lim

n→∞f(n). D`es lors, les identit´es annonc´ee sont ´evidentes.

Pour le no2, notonsα= Dim2(f) etβ= Dim2(g). On peut supposerα ≥β. Pour toutε >0, on a, d’apr`es le lemme 2.10 :

f+gΦ2α+ε2β+ε2α+ε∼Φ2α+ε,

d’o`u Dim2(f+g)≤α+ε. En faisant tendreεvers 0, on obtient Dim2(f+g)≤α. Comme par ailleursf ≤f +g, on a aussi α = Dim2(f)≤Dim2(f +g). Les autres in´egalit´es et le casq≥3 se traitent de mˆeme `a l’aide du lemme 2.10.