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Deuxième partie Contact des langues dans les deux terrains

Chapitre 5. Contact des langues au CSR

5.1. Choix de langue et domaines/situations

5.1.1.2. Dimension ethnique des relations-rôles

Fishman fixait comme première condition à l’étude des domaines de comportement langagier de choisir une communauté linguistique homogène, pour éliminer d’emblée le problème de la non uniformité des répertoires linguistiques des sujets.

Dans le présent terrain, cette non uniformité des appartenances ethno-culturelles est bel et bien une question qui se pose dès le début de l’analyse. Faut-il l’envisager comme un simple différence de répertoire linguistique ? Ou bien a-t-elle d’autres répercussions qui porteraient par exemple sur les relations-rôles ? Et si la différence de répertoire linguistique est évidemment un facteur à prendre en compte dans le choix de langue, ne serait-ce que parce qu’elle définit l’éventail possible du choix entre divers codes, en est-il de même de l’appartenance ethnique en tant que facteur de la définition identitaire des individus ? La réponse apportée à cette question par la psychologie sociale du langage, en particulier les travaux de Giles et de ses collaborateurs, et ceux de Myers-Scotton, est

clairement affirmative. Les premiers montrent (à travers des exemples tels que ceux du Québec ou du Pays de Galles) que dans les phénomènes d’accommodation mettant en jeu des langues différentes, l’identité ethnique ou culturelle des interlocuteurs est un facteur déterminant du choix de langue et de la convergence ou divergence subséquente. Myers- Scotton insiste quant à elle sur le choix de code comme une négociation de l’identité des locuteurs, identité dont l’appartenance ethnique et culturelle est bien entendu une composante essentielle.

De plus, du point de vue de l’organisation sociale, l’observation des relations existant entre les employés du MCH, que ce soit au sein du CSR ou entre employés du CSR et employés des autres services, montre que les personnes appartenant au même groupe ethno-culturel ont le plus souvent des rapports fréquents en sus des rapports professionnels, à travers diverses institutions soit propres à leur groupe, soit d’origine exogène, mais appropriées par ce groupe. Pour les institutions proprement endogènes, il faut citer les classes d’âge (slal) des ‘Amis, qui jouent un rôle fédérateur pour les personnes d’une même tranche d’âge, et ceci tout au long de la vie. De nos jours encore, les membres de ces classes d’âge participent ensemble à des activités très diverses, qui peuvent aller des activités rituelles (traditionnelles) et religieuses (chrétiennes) aux loisirs et au tourisme. Quant aux autres institutions, la plus importante est sans doute la paroisse chrétienne, qui chapeaute des activités très diverses (chorales, cours du soir, festivités…), suivie de la cellule locale du parti nationaliste, elle-même organisatrice de divers groupes (clubs de femmes, de jeunes…).

On constate donc chez les employés aborigènes de l’hôpital tout un réseau de relations non professionnelles liées à l’appartenance ethno-culturelle, et pour les ‘Amis, à la classe d’âge. L’appartenance ethnique se traduit dans les relations-rôles par une cohésion ou solidarité accrue lorsque cette appartenance est partagée, du fait d’une part de la communauté de l’identité (dont la langue est un marqueur), et d’autre part de l’existence d’un réseau de relations sociales culturellement déterminé.

5.1.2. Lieux

Les employés du CSR accomplissent leurs tâches professionnelles dans trois lieux principaux.

Le premier de ces lieux est le CSR proprement dit. Dans l’ancien bâtiment, il est composé de quatre salles de taille variable et à usages multiples : entrée/salle de stérilisation, salle de nettoyage/stocks, salle de travail/entrepôt et bureau/cambuse. Dans le nouveau bâtiment les salles sont plus nombreuses, plus spacieuses, et spécialisées dans leurs usages: entrée, bureau, salle de bains, vestiaire, salle des appareils, entrepôt, entrepôt réfrigéré, salle de travail, salle de stérilisation, salle de nettoyage. En principe, seuls les employés du CSR (et les travailleurs bénévoles affectés au CSR) ont accès à ces salles. Les exceptions prévues dans le cadre du travail concernent la responsable des services médico- logistiques (supérieur hiérarchique immédiat de la chef de service CSR) et les livreurs. Dans les faits, les employés du service de chirurgie, qui ont parfois recours aux stérilisateurs du CSR lorsque les leurs sont saturés, et les employées du service de soins intensifs, qui utilise une grande quantité de matériel médical, pénètrent régulièrement dans les locaux du CSR pour apporter ou emporter les objets concernés. En dehors du travail, seul a accès au CSR le “ missionnaire ”, animateur des réunions de prière.

Le deuxième lieu est le guichet du CSR, sorte de sas entre le CSR et les autres services (de l’hôpital ou extérieurs à l’hôpital). Dans l’ancien bâtiment, il est situé dans la salle de travail, et donne sur le couloir extérieur. Il est équipé d’une sonnette servant à appeler l’employée du CSR de service au guichet. Dans le nouveau bâtiment, il est situé dans l’entrée du CSR, et donne également sur un couloir. Il est équipé d’un interphone relié à un haut-parleur dans chaque salle du CSR. Bien que le guichet soit strictement parlant “ dans le CSR ”, il diffère du CSR en ce qu’il est le lieu privilégié des interactions entre employées du CSR et employés des autres services, employés extérieurs à l’hôpital, et quelquefois même patients et/ou leurs familles.

Le troisième lieu est constitué des divers services de l’hôpital dans lesquels les employés du CSR se rendent pour ramasser le matériel utilisé et déposer le matériel stérilisé ainsi que les fournitures demandées. Ces services sont visités lors de deux rondes accomplies deux fois par jour par les employées aux postes D1 et D2 343.

5.1.3. Moments

Dans les écrits de Fishman, la notion de “ moments ” (times), considérée comme composante essentielle de la situation concrète, et par abstraction, du concept de domaine,