• Aucun résultat trouvé

Une dimension de contrainte renforcée dans l’allocation des ressources publiques

2) Une activité associative encadrée dans tous ses aspects

5.1.2. Une dimension de contrainte renforcée dans l’allocation des ressources publiques

Sous l‟influence plus récente du New public management (NPM), l‟impératif de maîtrise des dépenses publiques et de réduction des coûts s‟est traduit par un changement de logique dans l‟allocation des ressources aux associations à travers le passage d‟une logique de besoins à une logique de moyens ou de ressources. Dans ce cadre, les besoins ne peuvent s‟exprimer que dans la limite des enveloppes disponibles, dans une logique descendante.

Cette logique s‟amorce dès la fin des années 1990 avec le système des enveloppes limitatives de crédits pour les financements État et Sécurité sociale170. Des dotations régionales limitatives, ensuite réparties en dotations départementales, sont désormais à prendre en compte dans l‟évaluation des coûts de fonctionnement et la fixation des tarifs des ESMS. Elles sont mises en place en fonction d‟un montant total annuel des dépenses et un objectif d‟évolution

169 Nous reprenons ici les différentes formes de contrôle identifiées par Bernard Enjolras et Jean-Louis Laville (2001, p45) dans leur description de l‟idéal-type de la régulation tutélaire.

170 Le législateur transpose ici un dispositif de régulation financière existant déjà au champ hospitalier depuis les ordonnances de 1996 à travers l‟objectif national de dépenses d‟assurance maladie (ONDAM).

fixés chaque année par les ministres à partir des crédits votés par le Parlement en lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Dans ce cadre, les dépenses des établissements doivent être compatibles avec les enveloppes limitatives de crédits qui leur sont

« opposables ».

L‟instauration des Programme régionaux et interdépartementaux d‟accompagnement des handicaps et de la perte d‟autonomie (PRIAC) s‟inscrivait dans la même logique. Prévu par la loi du 11 février 2005, cet outil de programmation financière détermine les priorités de financement des créations, extensions et transformations des établissements et services médico-sociaux relevant de la compétence tarifaire de l‟État (sauf CHRS). Ces crédits disponibles au niveau régional peuvent dès lors venir contraindre (voire entrer en contradiction) avec les besoins définis par les schémas départementaux d‟organisation sociale et médico-sociale arrêtés par les Conseils généraux.

Plusieurs traits majeurs de la réglementation actuelle répondent en outre à l'objectif d'une efficience accrue. Depuis la généralisation en 2003 du principe dit de « convergence tarifaire » à toutes les structures sociales et médico-sociales171, les associations étaient déjà dans l‟obligation de produire des indicateurs médico-sociaux économiques, également appelés

« tableaux de bord », visant à décrire le fonctionnement des structures à partir de trois types de données : des données sur la population accueillie (telles que la durée moyenne de prise en charge, la répartition de la population par âge…), sur l‟activité des structures (taux d‟occupation, fonction d‟encadrement, qualification professionnelle, temps de formation…) et enfin sur des éléments financiers (coûts des structure, coûts d‟intervention, transport de personnel...). Ces indicateurs de performances devaient permettre à l‟administration de comparer les coûts d‟établissements et services fournissant le même type de prestations afin de réduire les écarts jugés trop importants dans l‟allocation des ressources. En complément, des indicateurs nationaux servant de référence dans l‟attribution des financements peuvent désormais être fixés (depuis 2006). Dès lors, lorsque les indicateurs se situent en deçà ou au-delà des « marges de tolérance », un plan de redressement et de réduction des écarts peut être demandé au gestionnaire par l‟autorité de tarification. Face à cette logique, les associations dénoncent des outils « qui ne tiennent pas compte de la diversité des publics accueillis, des

171 Le mécanisme de convergence tarifaire existait déjà pour les EHPAD depuis 1999.

problématiques nouvelles qui se posent, des actions inédites à engager qui ont des incidences sur les coûts » (UNIOPSS, 2007b)172.

Plus récemment, cette logique se durcit à travers la réforme en cours de la tarification, inspirée des dispositifs à l‟œuvre dans le champ sanitaire, qui vient révolutionner les procédures de négociation budgétaire entre gestionnaires et leurs autorités de tarification. Elle remet en cause la « procédure contradictoire » évoquée précédemment. Le mécanisme de convergence tarifaire se poursuit en effet aujourd‟hui à travers l‟instauration depuis 2009 de « tarifs plafonds » opposables pour certains types d‟établissements (EHPAD, ESAT). Ils devraient être progressivement généralisés à l‟ensemble des structures.

En outre, les documents budgétaires décrits précédemment seront à terme remplacés par un État prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD), nouvel outil de prévision budgétaire et d‟analyse financière. Dans ce cadre, c‟est sur la base de la notification de l‟enveloppe allouée et dans la limite de celle-ci que le gestionnaire devra bâtir son budget. La construction du budget se réalisera donc sur la base des recettes prévisionnelles et non plus de charges comme cela était le cas dans le cadre de la procédure contradictoire. Le budget prévisionnel était en effet établi en fonction des besoins de la structure en termes de moyens humains, matériels et d‟organisation nécessaires à son fonctionnement. Le projet d‟établissement ou de service était ainsi au fondement des prévisions de dépenses et de recettes.

Ces mécanismes instaurent un basculement d‟une logique ascendante vers une logique descendante. Pour les associations, ces évolutions « verrouillent » le système d‟allocation des ressources et remettent en cause les fondamentaux de la procédure budgétaire et tarifaire et, plus largement, les principes de la loi du 2 janvier 2002 dans la mesure où la primauté des besoins disparaît.

Cette recherche d‟économies se traduit enfin par un mouvement de concentration des budgets et des structures prôné par l‟administration à travers notamment la promotion de nouveaux outils de coopération entre acteurs tels que les Groupements de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS) permettant la mutualisation d‟activités et de moyens entre différentes associations. Avant la mise en place des Agences Régionales de Santé (ARS), le GCSMS était d‟ailleurs envisagé comme un outil de « restructuration » du secteur destiné à réduire le

172 Plateforme politique inter associative tarification/financement élaborée par l‟APF, la FEHAP, la FNARS, l‟UNA, l‟UNAPEI et l‟UNIOPSS à l‟occasion des élections présidentielles de 2007 et intitulée "Pour des choix budgétaires et de financement qui réconcilient gestion et solidarité".

nombre d‟intervenants et de discussions budgétaires avant d‟intégrer le médico-social dans les ARS. Il s‟agissait ainsi d‟« attendre que le médico-social ait achevé sa restructuration autour de 3000 associations de gestion ou de groupement »173.

Les discours de l‟administration centrale tendent à promouvoir un modèle dominant d‟offre associative fondé sur des associations de grande taille qui suscite des craintes chez les opérateurs associatifs. Ces derniers voient dans ces différentes évolutions une tendance à

« formater »174 l‟offre de service et la remise en cause d‟un « modèle d’offre associative, de proximité et de spécialisation, au profit de la référence aux seules grosses associations » (UNIOPSS, 2007b, op. cit.).

L‟administration exerce ainsi des contraintes institutionnelles de type coercitives sur les associations qui, nous le verrons, peuvent laisser place à des processus d‟ « isomorphisme coercitif » (DIMAGGIO & POWELL, 1991). De cette manière, l‟administration va leur imposer un ensemble de procédures et de règles administratives. Il s‟agit ainsi d‟obtenir des prestations ou services conformes à ses attentes, principalement sur le volet économique de leurs actions.

La recherche de légitimité par les associations va ainsi devoir passer par une mise en conformité aux standards étatiques.

5.2. L’OUVERTURE A LA CONCURRENCE : VERS UNE REGULATION « QUASI-MARCHANDE » ?

Dans le même temps, cette logique de l‟efficacité se traduit par un mouvement croissant de mise en concurrence des opérateurs dans le champ des services sociaux venant bouleverser les modalités d‟allocation des ressources aux associations. Sont décrits ici les différents modes de mise en concurrence des associations de solidarité (5.2.1). Nous étudions ensuite, à partir du matériau empirique issu des entretiens avec les représentants publics, les motifs avancés par l‟administration pour justifier le recours à ces procédures (5.2.2) ainsi que les critères de sélection des opérateurs avancés par l‟administration (5.2.3). Ils constituent autant de nouvelles références sur lesquelles doivent désormais s‟appuyer les associations pour construire leur positionnement stratégique. Enfin, nous nous penchons sur les positionnements associatifs face à ce nouveau mode de régulation du champ des services sociaux (5.2.4).

173 Extrait du rapport du député BUR relatif aux agences régionales de santé Ŕ 6 février 2008. Ces attentes n‟auront finalement pas été suivies par les faits.

174 UNIOPSS (2007b), « Pour des choix budgétaires et de financement qui réconcilient gestion et solidarité », Plateforme politique inter associative de l‟Uniopss.