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SECTION V : Les problèmes pratiques nés de la mise en œuvre de la loi et les

5. Les difficultés du secteur du bâtiment

Le bâtiment connaît des modalités particulières de paiement dans les marchés de travaux,

Ces modalités ont été mentionnées par l’autorité de la concurrence comme une difficulté

pour appliquer dés le 1er janvier la LME et expliquent que ce secteur est celui ou le plus

d’accords dérogatoires ont été conclus, permettant d’étaler la réduction des délais fournisseurs, tout en agissant pour accélérer les délais clients. Malgré ces diverses mesures, le bâtiment souffre depuis l’entrée en vigueur de la loi, de difficultés accrues par la baisse d’activité et la crise de l’assurance-crédit. Les tensions sur la trésorerie des entreprises de

bâtiment vont s’accroître le 1er janvier 2010 avec l’entrée en vigueur du deuxième palier

prévu par les accords dérogatoires.

Des difficultés de paiement « traditionnelles » dans les marchés de travaux

Le règlement des marchés de travaux reste un vrai problème pour les entreprises de bâtiment : les retards et amputations de paiement infondés, l’insolvabilité également de certains clients pèse de plus en plus sur les comptes des entreprises de bâtiment. La LME

s’applique certes aux marchés privés de travaux conclus à compter du 1er janvier 2009, sauf

dans les contrats conclus avec des consommateurs. En théorie, le délai maximum de paiement des acomptes mensuels et du solde devrait donc être fixé à 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de l’émission des factures.

Mais dans les marchés d’une certaine importance, l’entrepreneur ou l’artisan présente ses « situations » mensuelles à un tiers au contrat, le maître d’œuvre, lequel est chargé par le maître de l'ouvrage de vérifier les demandes d’acomptes des entreprises. Si le maître d’œuvre n’effectue pas les vérifications nécessaires et ne transmet pas les situations au maître de l'ouvrage, les paiements ne seront pas effectués dans les délais convenus au marché.

En cas de contestation du montant facturé par l’entrepreneur ou l’artisan, le maître d’œuvre doit en principe établir une proposition d’acompte permettant au maître de l'ouvrage de régler la partie non contestée. Mais il reporte souvent l’opération sur la situation suivante. S’ajoutent à cela les éventuelles procédures de validation des paiements du maître de l'ouvrage ainsi que, dans les marchés publics, l’intervention du comptable public qui est indépendant de l’ordonnateur.

Cette complexité aboutit souvent à des délais de règlement effectifs dépassant les délais convenus, mettant à mal la trésorerie des entreprises de bâtiment. En théorie, des

intérêts de retard de paiement devraient sanctionner de tels manquements. En pratique, les entreprises ne les perçoivent pas et la plupart n’osent pas les réclamer à leurs clients.

Par ailleurs, le processus de règlement du solde d’un marché de travaux, même dans la situation idéale, est semé d’embûches. Dans les marchés privés, un « mémoire définitif » doit, selon le cahier de clauses administratives générales normalisé, être remis par l’entrepreneur ou l’artisan au maître d’œuvre dans les 60 jours à compter de la réception. Le maître d’œuvre doit le vérifier et établir un décompte définitif qu’il transmet au maître de l'ouvrage. Cette procédure de vérification aboutit au règlement du solde dû à l’entreprise dans un délai sensiblement supérieur à celui prévu par la LME.

La situation est encore plus complexe dans les marchés publics. Une procédure de

contestation du décompte général est organisée par le cahier de clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux. En pratique, le règlement du

solde d’un marché de travaux intervient souvent entre 6 et 15 mois après la réception des

travaux. Les procédures contractuelles prévues sont également sources d’insécurité juridique et d’un contentieux périlleux pour l’entreprise.

Les difficultés de paiement du solde des marchés minent ainsi les résultats des entreprises. La LME n’a pas réglé ces difficultés et fait encore l’objet de contournements.

Un recours au crédit fournisseur nécessaire pour financer la production sur les

chantiers

A la demande de la FFB, la banque professionnelle BTP Banque avait procédé en octobre 2008 à une simulation de l’impact de la réduction des délais de paiement fournisseurs sur un panel représentatif de 3 326 entreprises de bâtiment clientes de la banque.

Cette simulation avait été produite auprès de l’Autorité de la concurrence pour argumenter les demandes de dérogations en faveur des entreprises de bâtiment, négociées avec les organisations professionnelles représentant les fabricants et négociants en matériaux de construction.

L’existence de tout accord dérogatoire, dans un secteur donné, doit être justifiée, comme la LME le prévoit, par des « raisons économiques objectives spécifiques à ce secteur ». Dans son avis n° 09-A-06 du 19 mars 2009 relatif à l’accord dérogatoire pour les délais de paiement concernant les fournisseurs de bois, de matériaux, de produits et de services pour le bâtiment et les travaux publics, l’Autorité de la concurrence relevait « les particularités de

la situation juridique des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics au regard de la législation sur les délais de paiement », tous éléments « susceptibles de caractériser une

situation économique spécifique de la filière bâtiment-travaux publics en matière de délais de paiement ».

Les accords dérogatoires conclus dans l’intérêt des entreprises de bâtiment

Pour éviter de déséquilibrer la trésorerie des entreprises de bâtiment, avec l’appui des organisations professionnelles représentant le négoce de matériaux et produits destinés à la construction, la FFB a sollicité de très nombreux syndicats et associations professionnels représentant les fabricants.

Cinq accords dérogatoires ont été conclus par environ 150 organisations professionnelles

(Cf. ci-dessus). La DGCCRF a contribué à préciser le champ d’application des accords. Elle

indique sur son site internet que les entreprises doivent avoir une activité qui relève du champ d’application de l’accord et d’au moins une des organisations professionnelles signataires.

En effet, les accords susvisés ont fait l’objet de décrets d’extension ne limitant pas leur application aux seules entreprises adhérentes à une organisation professionnelle signataire. La LME, article 21, prévoit la possibilité d’extension de l’accord aux entreprises « dont

l’activité relève des organisations professionnelles signataires »

Les actions mises en œuvre pour accélérer les délais de paiement dans les

marchés de travaux

Parallèlement à cette action dirigée vers l’amont du secteur, la FFB s’attache à réduire, « en aval », les délais de paiement des entreprises de bâtiment. A l’issue d’une large concertation

sur ce thème, un protocole interprofessionnel a été conclu le 15 octobre 2009 avec l’Ordre

des Architectes, l’UNSFA, l’UNTEC, l’OGBTP et SYNTEC-Ingénierie (Cf. annexe 10).

Ce protocole ne constitue pas un document normatif opposable aux intervenants. Il s’attache à lutter contre les délais de paiement « cachés », en mettant en exergue les textes et les règles applicables dans les marchés de travaux.

Ce protocole a été qualifié de « guide de bonnes pratiques » qui « éclaire les relations entre maîtres d'ouvrage, maîtres d’œuvre, comptables et entreprises dans la mise en œuvre de circuits de paiement très souvent complexes ».

Cette démarche a été complétée par une demande de majoration des avances dans les marchés publics. Au-delà de l’avance de 5 % obligatoire dans les marchés supérieurs à

50 000 € HT, les principaux maîtres d'ouvrage locaux on été sollicités pour obtenir des engagements en la matière. Quelques maîtres d'ouvrage publics ont répondu favorablement à cette demande, et prévoient dorénavant dans leurs marchés des avances entre 10 % et 30 % du montant des marchés de travaux conclus selon certaines conditions de seuils.