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Les difficultés rencontrées

P. DOSQUET, responsable du service recommandations professionnelles de la HAS,   indiquait en  2008 : « il faut informer la famille, l’entourage, les proches : même si la loi ne le dit pas, eux aussi ont  droit à l’information et jouent un rôle dans l’adhésion aux soins. Nous devons nous montrer proactifs  dans  ce  domaine.  Pour  beaucoup  de  raisons  tantôt  bonnes,  tantôt  mauvaises,  les  médecins  n’informaient et n’informent  pas toujours de manière  satisfaisante. La transition d’un certain  paternalisme médical vers une culture de l’autonomie ne s’opère que progressivement, d’autant plus  que les médecins sont souvent confrontés à des personnes qui, spontanément, ne demandent rien et  n’expriment aucun besoin, et parfois à des familles isolées n’exprimant aucune demande non  plus »164

 

Les proches désignés « personne de confiance » ont une place définie par le dispositif juridique :  accompagnement dans les démarches médicales du patient s’il le souhaite, prévalence de leur avis  sur celui du personnel médical lorsque le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté, sauf  urgence ou impossibilité165. La famille ou « à défaut », un des proches de la personne handicapée  peuvent également être consultées et émettre un avis dans les mêmes cas (Article L. 1111‐4 du Code  de la santé publique). Les professionnels, cependant, ne savent concrètement pas toujours comment  s’adresser à la personne de confiance, ni comment l’impliquer dans le parcours de soins166. Ils ne  connaissent par ailleurs pas forcément ces dispositions juridiques.  

 

2. Les difficultés rencontrées 

a) L’accès à l’information et les modalités d’information   

L’annonce du handicap a déjà fait l’objet de nombreux travaux167 et supports pédagogiques pour  prendre en compte le poids et le sens des mots ainsi que l’accompagnement nécessaire à l’annonce  du diagnostic (à différencier de ses conséquences relatives en termes de handicap).  

Les experts recommandent que, dès l’annonce du diagnostic, le médecin réfère les proches de la  personne handicapée à « un spécialiste, un centre de soin, une association » (de proximité, dans la  mesure du possible) et qu’il prévoie toujours un deuxième rendez‐vous (consécutif à celui de  l’annonce) consacré à l’écoute, à la correction des malentendus et au complément d’information168.  Les experts expliquent aussi qu’il est préférable d’évoquer avec beaucoup de prudence la question        

163 Ce cas est très spécifique. Le médecin doit s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à la consultation des titulaires de l’autorité 

parentale. Si le mineur maintient son opposition, il devra alors se faire accompagner d’une personne majeure de son choix. Le médecin doit  également discerner si le mineur peut raisonnablement être soigné dans le secret, et s’il n’est pas victime de manipulations par des tiers. Il  peut se récuser mais devra dans ce cas trouver une solution alternative sans trahir la confiance du mineur, ni le laisser sans soin. 

164 DOSQUET, P. L’information médicale auprès des personnes handicapées mentales et de leurs familles. UNAPEI. (Colloque médical, Paris, 

28 mars 2008). Handicap mental et soins : l’affaire de tous ! Paris : UNAPEI, 2008. Coll. Les cahiers de l’UNAPEI, p. 25. 

165 MERRIEN, V., CHEVALIER, P., LAUBARD. J, et al. Personnes vulnérables et domaine médical : quels sont leurs droits ? Paris : Assistance 

publique ‐ Hôpitaux de Paris, Paris : Unapei, 2007. 

166DOSQUET, P. L’information médicale auprès des personnes handicapées mentales et de leurs familles. UNAPEI. (Colloque médical, Paris,  28 mars 2008). Handicap mental et soins : l’affaire de tous ! Paris : UNAPEI, 2008. Coll. Les cahiers de l’UNAPEI, p. 24. 

167 Voir entre autres, DE NORMANDIE P. HIRCH E. L’annonce du handicap, 1999.  

DOIN, SALBREUX R. « Annonce du handicap chez l’enfant » BEPM, 1998, Volume 17 n° 1,   GARDOU, C. Fragments sur le handicap et la vulnérabilité, 2005, Erès. 

GARDOU, C. Parents d’enfant handicapé, 2012, Erès. 

168 BERT, C. L’annonce du handicap. Médecine thérapeutique pédiatrie, 2007, Vol. 10, n°4, pp. 231‐237. 

L’accompagnement à la santé de la personne handicapée – Analyse de littérature  46

de l’espérance de vie : « Dans le cas de maladie neurodégénérative, il est important d’évoquer avec la  famille le retentissement de la maladie sur l’espérance de vie de l’enfant, mais de faire comprendre  aussi que le médecin ne sait pas tout de l’évolution de la maladie et qu’il faudra faire un bout de  chemin  ensemble  en  grande  confiance  mutuelle »169.  Enfin,  dernière  précision  concernant  l’importance du diagnosticien, le choix des mots a son importance pour bien orienter les proches et  leur permettre de comprendre le handicap. Par exemple, l’expression « retard psychomoteur » peut  susciter de la confusion pour les professionnels comme pour les parents « à qui l’on risque de  suggérer ainsi un possible « rattrapage » à l’avenir, alors que l’enfant est atteint d’une anomalie ou  différence de développement »170

 

Pour s’investir dans le projet de santé et être en capacité d’émettre un avis éclairé sur les décisions à  prendre, les proches doivent être bien informés de l’état de la personne handicapée et des  possibilités offertes relativement à l’offre de soin et d’accompagnement. Or, différents rapports et  revues de littérature171 révèlent qu’ils ne sont pas suffisamment encadrés dans l’accès à l’information  concernant les dispositifs de prise en charge médicale ou les établissements et services sociaux et  médico‐sociaux : « Une forte attente d’information s’exprime au sujet de l’organisation de la prise en  charge et la continuité des soins »172. Des interlocuteurs existent pour les orienter et les conseiller :  Centre communal d’action sociale (CCAS), Point info famille (PIF), MDPH, établissement ou service  médico‐social pour les personnes accompagnées par ces structures. Le « Guide de l’aidant familial »  est également une ressource possible173. Cependant, ces ressources ne sont pas toujours bien  identifiées, et l’essentiel des informations serait obtenu par le bouche‐à‐oreilles. 

 

Or, le manque de connaissances sur le handicap comme sur les interlocuteurs dédiés et les  éventuelles solutions d’accueil (notamment temporaire) ont des conséquences sur   l’épuisement  psychologique et matériel des proches174. Il est également susceptible de limiter leur place dans la  prise de décision, et plus fondamentalement de constituer un frein à l’accès à la santé des personnes  handicapées  (non  perception  des  signes  d’alerte  somatiques,  ou  non  identification  des  professionnels ou établissements auxquels s’adresser pour  le suivi médical).  

b) Le respect par les proches du libre choix de la personne   

Une difficulté pour les proches est de savoir évaluer quel doit être leur degré d’implication dans le  projet de santé de la personne handicapée.  

 

C’est le cas en particulier pour les proches des personnes handicapées psychiques, ainsi que l’indique  un rapport de l’INPES : « les questions du déni du malade, de son consentement, le fait qu’il ne soit 

      

169GRIMONT‐ROLLAND, E. De l’accompagnement de la personne polyhandicapée en tant que paradigme. Reliance, 2008/2, n°28, p. 56. 

170 CHABROL, B. Sensibiliser et former : une nécessité. UNAPEI. (Colloque médical, Paris, 28 mars 2008). Handicap mental et soins : l’affaire 

de tous ! Paris : UNAPEI, 2008. Coll. Les cahiers de l’UNAPEI, p. 30. 

171 Haute Autorité de Santé. Accès aux soins des personnes en situation de handicap. Rapport de la commission d’audition. Saint‐Denis : 

Haute Autorité de Santé, 2009 ; INPES. Recherche qualitative sur les possibilités d’améliorer la santé des personnes en situation de perte  d’autonomie ou de handicap et de leur entourage. Travaux préliminaires en vue de l’élaboration du protocole de recherche. INPES : Saint‐

Denis, 2009, p. 82 ; INPES. Recherche qualitative exploratoire Handicaps‐Incapacités‐Santé et Aide pour l’autonomie. Vol. 1. Saint‐Denis :  INPES, 2010. 

172 DOSQUET, P. L’information médicale auprès des personnes handicapées mentales et de leurs familles. UNAPEI. (Colloque médical, Paris, 

28 mars 2008). Handicap mental et soins : l’affaire de tous ! Paris : UNAPEI, 2008. Coll. Les cahiers de l’UNAPEI, p. 25.  

173 Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. Le guide de l'aidant familial. Paris: La Documentation française, 2008.176 

p. 

174 C’est pourquoi « la mise en place d’actions de répit (mise en place de relais) sous forme de relais ponctuels au domicile, d’accueils  temporaires en institution (accueil de jour ou pour les week‐ends ou les vacances) avec des horaires adaptés est recommandée » pour les  aidants quotidiens. Source : INPES. Recherche qualitative sur les possibilités d’améliorer la santé des personnes en situation de perte  d’autonomie ou de handicap et de leur entourage. Travaux préliminaires en vue de l’élaboration du protocole de recherche. INPES : Saint‐

Denis, 2009, p. 81. 

L’accompagnement à la santé de la personne handicapée – Analyse de littérature  47

pas en demande d’aide sont au cœur des préoccupations et posent des questions spécifiques »175. Les  professionnels eux‐mêmes ne savent pas toujours quelle réponse apporter à cette question. 

 

Les proches de personnes très dépendantes et souffrant d’incapacités de verbalisation interprètent  parfois les besoins de ces dernières, agissent à leur place et pensent « pour elles », en prenant le  risque de mal évaluer leurs besoins ou leurs capacités : « l’angoisse du handicap frappe évidemment  la  personne  handicapée  mais  elle  se  propage  filialement  selon  les  codes  et  l’histoire  des  fonctionnements de la famille de manière à créer un nœud anxiogène où tout l’environnement est  pris dans l’angoisse du handicap. C’est ainsi que nombre de familles s’opposent à tel ou tel type de  rééducation au nom du fait que la personne handicapée ne parviendra pas au but escompté »176.    

Il arrive aussi que les certitudes des proches quant à l’opportunité de tel ou tel traitement ou  disposition déterminent la prise de décision. Par exemple, chez certains réside encore l’idée que le  placement en institution est forcément une régression, alors qu’il peut faciliter les prises en charge  globales (notamment celles liées aux soins) du fait de l’existence de contrats de soins et de  protocoles avec des établissements de santé. 

 

Pour que la personne handicapée puisse s’exprimer sur ce qu’elle souhaite et qu’elle dispose d’un  espace de confidentialité des échanges, le rapport de recherche R.H .I.S.A.A préconise qu’un temps 

« seul » avec le(s) professionnel(s) lui soit réservé, même lorsque elle est accompagnée pendant la  consultation ou l’entretien (cette pratique n’étant pas incompatible avec un temps d’entrevue avec  la personne accompagnante, à la condition qu’il soit « réservé en début d’entretien, afin que la  personne n’ait pas l’impression que l’on dévoile a posteriori ce qu’elle a pu dire »)177. A contrario, le  rapport souligne aussi parfois : « la communication entre les aidants de personnes en grande  souffrance psychique et les réseaux de professionnels (psychiatres, psychologues, SAMSAH, SAVS,  CMP, etc.) existe plus que dans les autres situations de handicap, mais elle se pose parfois de façon  ambigüe […] Le respect du secret professionnel et le soin exclusif du bénéficiaire étant évoqués  comme  prioritaires  et  incompatibles  avec  une  intégration  de  l’aidant  à  une  dynamique  de  communication »178

c) La communication entre proches et professionnels     

La communication entre professionnels et proches n’est pas toujours évidente, en particulier  lorsqu’ils se perçoivent comme deux parties rivales : « entre le jeu des représentations des uns et des  autres, la crainte d’une perte de pouvoir pour les professionnels et pour les parents la crainte d’être  dépossédés, l’impossibilité d’exprimer des sentiments et la peur de paraître incompétent, pour les uns  et les autres les difficultés de communication sont intenses. Des informations ne sont pas données,  des actes de soins sont décidés sans en aviser l’un ou l’autre, ce qui ne peut que nourrir la défiance de  chacun  et  secondairement  faire  que  l’enfant  ou  l’adulte  soit  sous  le  coup  d’injonctions  paradoxales »179.  

 

L’enquête R.H.I.S.A.A révèle que l’intervention à domicile des professionnels peut notamment être  vécue comme une « intrusion » dans l’intimité des familles, les aidants familiaux ayant des difficultés  à déléguer les gestes d’accompagnement (et parfois de soins courants) aux professionnels. Selon le        

175 INPES. Recherche qualitative sur les possibilités d’améliorer la santé des personnes en situation de perte d’autonomie ou de handicap et 

de leur entourage. Travaux préliminaires en vue de l’élaboration du protocole de recherche. INPES : Saint‐Denis, 2009, p. 76. 

176 NEMER, G. SAMSAH et accès aux soins. In : Haute Autorité de Santé. Accès aux soins des personnes en situation de handicap. Texte des 

experts, Tome 2. Saint‐Denis : Haute Autorité de Santé, 2008, pp. 43‐52. 

177 INPES. Recherche qualitative exploratoire Handicaps‐Incapacités‐Santé et Aide pour l’autonomie. Vol. 1. Saint‐Denis : INPES, 2010. 

178 INPES. Recherche qualitative exploratoire Handicaps‐Incapacités‐Santé et Aide pour l’autonomie. Vol. 1. Saint‐Denis : INPES, 2010, p. 

209. 

179 Haute Autorité de Santé. Accès aux soins des personnes en situation de handicap. Rapport de la commission d’audition. Saint‐Denis : 

Haute Autorité de Santé, 2009, p. 18. 

L’accompagnement à la santé de la personne handicapée – Analyse de littérature  48

rapport,  faire  connaître  les  professionnels  d’aide  à  domicile  « permettrait  d’améliorer  la  communication entre les aidants informels et les professionnels, de faciliter la mise en place d’actions  de prévention, d’information et de soin et sans doute d’améliorer également la coordination entre les  intervenants au domicile »180.  

 

Concernant l’ensemble des prises en charge institutionnelles, B. DESWAENE pointe un paradoxe : les  familles sont invitées à se présenter comme des représentantes institutionnelles chargées de  cautionner ou d’entériner des textes officiels dans des instances de régulation et, dans le même  temps, elles seraient (selon lui) tenues à distance des activités du quotidien de l’institution. Pour B. 

DESWEANE, le rôle de la famille est attribué par les pouvoirs publics et les structures, qui la placent 

« en marge des dispositifs, comme suspicieuse par rapport aux pratiques professionnelles ». Or, 

« finalement, hors de ces conseils, comités ou autres structures du même genre, plus personne ne sait  très bien analyser la place concrètement occupée par les familles », et celles‐ci resteraient trop  souvent considérées plus comme « un poids mort lourd à traîner » que comme « une force vive dans  la construction des interactions ». Du reste, le fait que les familles ne soient pas plus associées au  quotidien des institutions (de manière non nécessairement formelle ou réglementée : par exemple  pour accompagner la personne lors d’un rendez‐vous médical ou un soin, lors d’une sortie de loisirs  ou pour animer conjointement une activité avec les professionnels) ne les inciterait pas à s’investir  dans les instances de représentation181

 

Le  rapport  de  la  commission  d’enquête  du  Sénat  sur  la  maltraitance  envers  les  personnes  handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico‐sociaux et les moyens de la  prévenir note que les familles des personnes handicapées mal prises en charge ou maltraitées  entretiennent  involontairement  la  loi  du  silence  parce  qu’elles  craignent  une  exclusion  de  l'établissement182. La commission d’enquête préconise l’information des usagers et de leurs proches  par les structures des dispositifs de médiation consultables en cas de défaut de soin ou désaccord  rencontré avec un établissement, un service, ou un professionnel. Ces recours consultables peuvent  être les personnes qualifiées183, les conciliateurs des caisses primaires d’assurance maladie qui  traitent les réclamations relatives entre un patient et un professionnel de santé, le Défenseur des  droits, les Commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC)  instituées dans les établissements de santé et chargées de veiller au droit des usagers et de faciliter  leurs démarches pour les litiges relatifs à l’organisation des soins et le fonctionnement du service. Ce  dernier dispositif n’est pas mis en place dans les établissements médico‐sociaux, mais plusieurs  rapports d’experts le recommandent184. Le Conseil de la vie sociale (CVS) est, par ailleurs, un espace  possible d’échange et d’expression sur toutes les questions intéressant le fonctionnement de  l’établissement dans lequel est accueilli l'usager. 

 

      

180 INPES. Recherche qualitative exploratoire Handicaps‐Incapacités‐Santé et Aide pour l’autonomie. Vol. 1. Saint‐Denis : INPES, 2010, p. 

215. 

181 DESWAENE, B. L'évolution contrainte du rôle et de la place de la famille dans les institutions médico‐sociales. Handicap,  2005, n°107‐

108, pp. 27‐41. 

182 JUILHARD, J.‐M. Rapport de la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements 

et services sociaux et médicosociaux et les moyens de la prévenir, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 12 décembre 2002. 

Paris : Sénat, 2003. 

183 Article L. 311‐5 du Code de l’action sociale et des familles : « Toute personne accompagnée par un établissement ou un service  social ou 

médico‐social (ou son représentant légal) peut faire appel, en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une « personne qualifiée », qu’elle  choisit sur une liste établie conjointement par le représentant de l’Etat dans le département et le président du Conseil général. Cette  personne qualifiée rend compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des établissements ou services concernés, à  l’intéressé ou à son représentant légal ».  

Voir également les R311‐1 et R311‐2 du Code d’action sociale et des familles et la recommandation Anesm. La vie sociale des résidents. 

Qualité de vie en Ehpad. Volet 3. Saint‐Denis : Anesm, 2012. 

184 Haute Autorité de Santé. Accès aux soins des personnes en situation de handicap. Rapport de la commission d’audition. Saint‐Denis : 

Haute Autorité de Santé, 2009, p. 57. 

L’accompagnement à la santé de la personne handicapée – Analyse de littérature  49

B. La  mobilisation  des  connaissances  et  ressources  de  l’entourage  et  sa