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Difficultés de mise en œuvre de CMT à renfort continu de carbone par métallurgie des poudres 32

Le but de ce paragraphe est de faire ressortir, de manière à anticiper leur résolution, les problèmes majeurs qui doivent être surmontés pour élaborer des matériaux composites à matrice de titane renforcée par des fibres continues de carbone en utilisant la métallurgie des poudres.

1.4.1 Incorporation du renfort

Le premier problème que nous pouvons citer est lié à la nature du renfort. En effet, les fibres de carbone ne sont disponibles que sous forme de mèches regroupant plusieurs centaines de fibres de diamètre proche de 7 µm. Il est donc très difficile dans un matériau composite renforcé par des fibres de carbone de garantir une distribution parfaite du renfort au sein de la matrice et notamment de limiter les contacts entre fibres, préjudiciables pour les propriétés finales du matériau.

Pour un renfort de si petit diamètre, la méthode la plus adaptée aurait été la voie liquide si le titane n’avait pas une température de fusion si élevée et une réactivité à l’état liquide, si importante vis-à-vis du carbone. Nous avons donc été conduits à choisir la métallurgie des poudres, relativement bien adaptée aux matériaux réfractaires et qui permet d’utiliser une matrice dont la discrétisation est certes moins bonne qu’à l’état liquide mais néanmoins meilleure que sous la forme de feuillards, et donc a priori adaptée aux fibres de carbone. Cependant, le problème de la distribution des fibres dans le matériau reste posé : il faut que la poudre de titane puisse pénétrer à l’intérieur des mèches afin que chaque fibre, prise individuellement, soit entourée de poudre de titane de manière à limiter le plus possible les contacts entre fibres.

Chapitre 1 Conception d’un multi-matériau et de son procédé de mise en œuvre

Pour réussir à faire pénétrer la poudre de titane à l’intérieur des mèches et à revêtir convenablement chaque fibre, il est raisonnable de penser que le diamètre des grains doit être voisin de celui des fibres. Ce critère nous avait d’ailleurs conduit à abandonner les voies plasma et PVD permettant le revêtement de filaments par du titane, mais pour lesquelles soit la taille des gouttelettes projetées était trop importante pour espérer obtenir le même résultat avec des fibres de carbone, soit la nécessité d’étaler les mèches conduisait à des coûts de production élevés.

Le choix de la technique d’incorporation des fibres dans le titane sous forme de poudre est d’autant plus important que l’élaboration de notre matériau comprend une étape de densification. Comme le montre la figure 1.11, si l’incorporation n’était pas satisfaisante (cela risque d’être le cas avec des poudres de granulométrie grossière), les fibres se retrouveraient sollicitées en flexion et se rompraient au moment de la compression. En revanche, si la technique utilisée permettait de recouvrir uniformément chaque fibre par une poudre de titane particulièrement fine, celles-ci seraient soumises à des sollicitations quasi isostatiques beaucoup moins propices à leur rupture.

FIG. 1.11 - Mise en évidence des risques de rupture de fibres pendant la compression

Par ailleurs, la fraction volumique de fibres dans le matériau est supposée dépendre de la granulométrie initiale de la poudre de titane qui est déposée (figure 1.12) et la répartition des fibres devrait être fonction de la distribution de tailles des grains de la poudre de titane. Pour pouvoir élaborer notre matériau avec une fraction de renfort suffisamment élevée et disposer d’une dispersion homogène des fibres dans la matrice, il faudrait donc utiliser une poudre fine

Application de la pression

Enrobage d’une fibre de carbone avec des particules dont le diamètre

est supérieur à celui des fibres

Enrobage d’une fibre de carbone avec des particules dont le diamètre

Chapitre 1 Conception d’un multi-matériau et de son procédé de mise en œuvre

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FIG. 1.12 - Mise en évidence de la relation entre diamètre des particules et proportion de fibres

Un autre problème est la disponibilité de poudre de titane de granulométrie contrôlée et de grande pureté. La pollution de la poudre de départ est, en effet, un paramètre important si l’on veut garantir les propriétés mécaniques de la matrice. Il faudra notamment surveiller une pollution possible due au moyen de production de la poudre et tout particulièrement une contamination par l’oxygène, au regard de la faible taille des particules désirées.

1.4.2 Densification et consolidation de la matrice

Une autre grande difficulté liée à l’utilisation de la métallurgie des poudres concerne le contrôle des paramètres expérimentaux :

•••• la pression appliquée sur l’échantillon au cours de la densification,

•••• la température de l’échantillon,

•••• la durée pendant laquelle la pression et la température sont maintenues,

•••• la taille des particules de la poudre de départ.

En effet, si la métallurgie des poudres est bien adaptée aux matériaux réfractaires, c’est parce qu’elle permet de diminuer les températures d’élaboration grâce à l’application simultanée d’une pression. Le but est donc d’optimiser les trois paramètres classiques du frittage, température, temps et taille de grain, en y incluant la pression, afin de densifier mais aussi de consolider la poudre tout en contrôlant sa microstructure.

Cependant, cette gestion qui ne pose pas beaucoup de problèmes lorsqu’il s’agit de transformer une poudre en un matériau consolidé, est beaucoup plus complexe lorsque le mélange de départ se compose de poudre et de fibres de carbone. En effet, l’application d’une

φ : diamètre des particules de poudre

Vf: fraction volumique de fibres

Vf1 φ1 Vf2 φ2

φ21 Vf2 > Vf1

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pression trop élevée aurait pour conséquence de détériorer les fibres. Il n’est pas non plus possible d’augmenter trop fortement la température afin de faciliter l’écoulement de la matrice autour des fibres et de favoriser les mécanismes de frittage, car nous sommes limités par l’augmentation de la réactivité du titane vis-à-vis du carbone aux températures élevées. L’optimisation de ces quatre paramètres devra donc impérativement prendre en compte la présence de fibres de carbone dans le matériau final.

1.4.3 Les interactions fibres/matrice

La dernière grande difficulté est donc le contrôle des interactions aux interfaces fibres/matrice qui, dans notre cas, doit faire l’objet d’une étude très rigoureuse au regard de l’extrême réactivité du titane vis-à-vis du carbone. En ce qui concerne notre matériau, nous nous intéresserons, dans un premier temps, uniquement aux interactions qui pourraient avoir lieu au moment de l’élaboration, puisque le cahier des charges stipule que leur utilisation est envisagée à températures ambiante ou modérées pendant de longues périodes ou à températures élevées pendant de courtes durées. La question est donc de savoir si la diminution des températures et durées d’élaboration permise grâce à l’utilisation de la métallurgie des poudres sera suffisante pour éviter la détérioration des fibres et limiter la formation d’interphases fragiles, ou s’il faudra avoir recours à un revêtement de protection qui fera office de barrière de diffusion.