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Difficultés d’étude des composés de haute masse moléculaire

Partie I : Introduction bibliographique

Chapitre 1 : Spectrométrie de masse et complexes biologiques non-covalents :

2.1. La spectrométrie de masse par désorption-ionisation laser assistée par matrice

2.1.2. Difficultés d’étude des composés de haute masse moléculaire

Bien que le MALDI soit une source d’ionisation douce, l’étude des édifices supramoléculaires par MALDI-MS reste en faible nombre par rapport à l’ESI-MS à cause de deux difficultés majeures : i) la détection des ions à haut rapport m/z, ii) la conservation de l’intégrité des complexes non-covalents lors de l’analyse dans le spectromètre de masse.

Chapitre 2 : Stratégie complémentaire à l’ESI : pontage chimique couplé à la MS

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2.1.2.1. La détection des ions à haut rapport m/z

Comme mentionné précédemment, le détecteur MCP est le détecteur classiquement utilisé en MALDI-TOF. Cependant, la vélocité des ions de grand rapport m/z est plus faible, ce qui mène à une faible efficacité de conversion de ces ions en électrons. Dès lors, le détecteur MCP souffre d’un problème de sensibilité dans la gamme de masse élevée.

Pour pallier ce problème, l’entreprise Comet AG (Flamatt, Suisse) a développé un cryodétecteur permettant de détecter les ions de haute masse avec une bonne sensibilité [23]. Cependant, ce détecteur demande beaucoup d’entretien coûteux et chronophage, et n’est plus commercialisé [10,24]. Le seul type de détecteur de haute masse disponible commercialement est basé sur la technologie « ion conversion dynode » (ICD) dont fait partie celui développé par l’entreprise CovalX AG (Zürich, Suisse). Les ions de haute masse arrivant au détecteur CovalX percutent la dynode de conversion et sont convertis en ions secondaires. Ensuite, ces ions secondaires sont ré-accélérés et détectés par le multiplicateur « secondary electron multiplier » (SEM) [25].

Ce dispositif possède une plus grande sensibilité vis-à-vis des ions de haute masse et permet l’analyse des composés jusqu’aux alentours de 2 MDa avec la HM4, la génération la plus récente du détecteur (Figure 3). Sur le détecteur HM1 disponible au laboratoire, nous avons détecté des espèces jusqu’aux alentours de 800 kDa.

Figure 3. Spectre de masse de capside de virus obtenu par MALDI-TOF équipé d'un détecteur CovalX de dernière génération (HM4). Le pic correspondant à l’ion monochargé de la capside de

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49 En pratique et dans un appareil de type MALDI-TOF, l’installation de ce détecteur ne demande pas beaucoup de modifications particulières dans la configuration existante du spectromètre de masse conventionnel. Lors de son utilisation, ce détecteur s’insère par les commandes de contrôle devant le détecteur MCP classique sans que le vide soit cassé [25]. De cette manière, nous pouvons continuer à utiliser le détecteur MCP pour les ions de faible m/z (en mode linéaire ou réflectron) tout en ayant la possibilité d’utiliser le détecteur CovalX (uniquement en mode linéaire) pour les ions de grand m/z, le tout sur le même spectromètre de masse à ionisation MALDI.

2.1.2.2. La détection des complexes non-covalents par

MALDI-MS

Même si le MALDI-MS permet l’analyse des composés de grandes masses grâce au développement instrumental, un problème subsiste quant à la détection des complexes non-covalents par cette technique. En effet, des interactions non-covalentes peuvent être dissociées lors des étapes de la préparation d’échantillon et de la désorption-ionisation.

D’une part, les matrices classiquement utilisées et mélangées avec l’échantillon lors du dépôt sur cible sont des acides organiques dissous dans un mélange d’eau/solvant organique acidifié avec du TFA (acide trifluoroacétique). Dans ces conditions, la plupart voire la totalité des complexes covalents sont dissociés [8]. Pour mieux préserver les interactions non-covalentes, les matrices non-acides ont été introduites dans les années 1990. On peut mentionner entre autres le 6-aza-2-thiothymine [26], le 2,6-dihydroxyacétophénone [27], le 2,4,6-trihydroxyacétophénone [28] ou le 4-nitroaniline [29]. D’autres matrices légèrement acides comme le 6-azathiothymine (ATT) ont été également utilisées pour analyser les complexes covalents d’acides nucléiques [30]. Cependant, peu d’exemples d’étude utilisent ces matrices non-acides, probablement à cause d’un problème de sensibilité : elles donnent des spectres de moindre qualité comparés aux matrices acides [10]. D’autres stratégies consistent à continuer l’utilisation des matrices acides, mais à faire l’impasse sur l’utilisation de solvant organique, et/ou de neutraliser le pH de la solution de matrice ou du mélange matrice/analyte. Par exemple, F. Song [31] a pu analyser avec succès les complexes de type protéine-protéine en utilisant une solution aqueuse d’acide sinapinique (SA) dans du citrate d’ammonium ajusté à pH 7 avec de l’hydroxyde d’ammonium.

D’autre part, lors de la désorption-ionisation en MALDI, le signal correspondant aux complexes non-covalents intacts peut être observé dans des conditions particulières lors du premier tir laser. Ce phénomène s’appelle le « first shot phenomenon » et a été mentionné par Rosinke et al. en 1995 [32]. Ensuite, trois modèles explicatifs ont été proposés par Cohen et al. en 1997 [33], ils sont représentés sur la Figure 4 :

- (A) Lors de la croissance cristalline, les molécules de grandes tailles « ségréguent » vers la surface des cristaux. Ainsi les complexes se retrouvent majoritairement à la surface, contrairement à des sous-unités de plus petite taille.

- (B) Lors du processus de cristallisation, l’échantillon est distribué de manière homogène dans les cristaux. Cependant, les complexes de protéine qui restent intacts

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50 sont localisés uniquement à la surface des cristaux. A l’intérieur de ces cristaux, les complexes sont présents sous forme dissociée.

- (C) Le complexe survit à la cristallisation. Le pulse laser ablate les molécules de complexe à la surface des cristaux qui seront ionisées et détectées. Cependant, à cause de son irradiation, les autres molécules de complexe restantes autour du cratère sont dissociées. Par conséquent, les tirs laser qui suivent ne résultent qu’en la détection des sous-unités dissociés.

Même si reporté dans quelques publications [32–35], le « first shot phenomenon » reste un phénomène particulier qui dépend de plusieurs facteurs (matrice, préparation d’échantillon, analyte) et reste pour l’instant loin d’être général ou généralisable [35].

Figure 4. Les hypothèses du "first shot phenomenon" [35].

Pour résumer, même si le MALDI-MS permet l’analyse des complexes non-covalents, il faut tout de même opérer dans des conditions particulières de pH, de solvant, de matrice et du tir laser,

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51 qui sont pour l’instant limités à quelques exemples de systèmes supramoléculaires. Dans ce contexte, la stratégie du pontage chimique mise en place en amont de l’analyse en MS émerge comme une alternative intéressante pour étudier les édifices non-covalents.

2.2. Application du couplage pontage chimique -