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6.1. L'ANALYSE DES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

6.1.1. La première proposition de recherche

6.1.1.1. La difficulté de donner un sens à la réalité du terrain

D'après les perceptions des volontaires, le contenu de la formation pré-départ ne prend effectivement pas tout son sens avant que les volontaires soient entrés en contact avec la réalité du terrain. Cet état de fait ne semble pas seulement causé par une difficulté pour les volontaires de donner un sens au contenu de la formation mais aussi par une difficulté de la formation même - de son contenu, de ses formateurs, de ses méthodes pédagogiques - de transmettre la réalité du terrain.

En plus de la difficulté de donner un sens au contenu de la formation, la question se pose de savoir s'il est réellement possible de montrer la réalité du terrain dans une formation interculturelle pré-départ ? Pour tous les volontaires, plusieurs réalités du terrain sont difficilement présentables dans une formation. Il appert que la réalité d'un pays en voie de développement, la réalité des contacts interculturels et la réalité du volontariat sont si complexes qu'il est difficile de les transmettre dans le cadre d'une formation. Comme le fait remarquer un volontaire, la réalité du terrain fait appel à des odeurs, des bruits, des saveurs qui ne peuvent être présentés dans une formation. Les auteurs Stroh, Black, Mendenhall et Gregersen (2005) indiquent que les particularités de la culture du pays hôte ne sont pas visibles, ce qui rend leur reconnaissance, leur compréhension et la possibilité de s'y ajuster difficiles. Pour cette raison, dans un contexte de formation très

Mémoire - La formation interculturelle (pré-départ) chez les volontaires 168

éloigné de celui de la mission, la difficulté est grande de transmettre des particularités qui ne sont pas visibles. La complexité de la réalité fait dire à de nombreux volontaires que seule une expérience préalable de volontaire ou de stagiaire peut permettre de capter adéquatement les réalités du terrain.

De plus, ce qui frappe à la lecture des résultats de recherche, c'est l'importance accordée par les volontaires à la rencontre avec d'anciens volontaires. Les volontaires sans expérience (du terrain de la mission actuelle) apprécient de pouvoir échanger avec des volontaires qui connaissent le terrain et qui ont vécu ce qu'ils risquent de vivre sur le terrain. Les échanges entre volontaires avec expérience et volontaires sans expérience que permet la formation, semblent pallier quelque peu au manque de «réalisme>) de la formation en offrant aux volontaires sans expérience une parcelle de concret dans une formation qui leur apparaît plutôt «déconnectée » de la réalité.

À ce qui précède s'ajoute une autre dimension: est-ce que la réalité du terrain doit être présentée en toute honnêteté aux participants ou si un certain «suspense» doit être conservé ? Cette interrogation s'est posée spontanément lors des entretiens par les volontaires eux-mêmes. Deux volontaires pensent qu'il vaut mieux ne pas présenter la réalité du terrain dans son intégralité au risque de perdre des volontaires tandis qu'un autre volontaire croit, au contraire, qu'il est nécessaire de présenter toute la réalité du terrain afin que le volontaire soit conscient de ce qu'il l'attend, principalement en termes de conditions matérielles. Une telle façon de faire renvoie, dans la littérature, à une description réaliste des emplois (Gatewood et Feild, 1994). D'après les tenants de cette

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manière de faire, il est nécessaire de présenter aussi bien les aspects positifs que les aspects négatifs d'un emploi, cela afin que les candidats effectuent leur propre sélection.

D'un point de vue pratique, la présentation de toutes les difficultés que peuvent connaître les volontaires sur le terrain risque de créer une sélection naturelle en ce sens où les volontaires peuvent, suite à la formation pré-départ, décider de ne pas partir. Une telle conséquence peut mettre en péril les missions offertes par les ONG. D'autre part, d'un point de vue pédagogique, il est probable que la formation pré-départ cherche non seulement à former les participants mais aussi à créer ou fortifier un sentiment d'auto-efficacité chez les volontaires. Si tel est le cas, ne pas montrer toute la réalité du terrain pourrait être expliqué par le souhait de l'organisation de ne pas altérer le sentiment d'auto-efficacité des volontaires en les encourageant.

Toutefois, pour Bandura (1986), les gens ont besoin d'obtenir un minimum d'information sur ce qu'ils vont faire et sur la performance qui est attendue d'eux; cela afin de savoir quel niveau d'énergie ils devront dépenser et pour quelle période de temps. Si ces paramètres sont clairs, le sentiment d'auto-efficacité peut alors jouer un rôle de régulation de la performance (Bandura, 1986). Le sentiment d'auto-efficacité sera abordé davantage dans les sections suivantes.

Comme mentionné auparavant dans ce mémoire, l'auteur McCaffery (1986) affirme que la formation pré-départ doit mettre l'accent sur « apprendre à apprendre » plutôt que sur la transmission d'informations. L'objectif d'une telle approche est alors de permettre à l'individu d'être en mesure de réagir à de nombreuses situations interculturelles, surtout à

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la fin de la formation. Il semble qu'une telle philosophie de formation est supérieure aux tentatives de transmettre la réalité du terrain puisqu'elle offre la possibilité aux apprenants d'acquérir des habiletés afin d'agir et de réagir à de nombreuses situations interculturelles. Dans ce cadre de formation, la transmission exacte de la réalité prend une importance moindre et ce sont les habiletés de résolution de «problèmes » interculturels qui prennent le plus de place. Les entretiens avec les volontaires ont permis de se rendre compte que ces habiletés sont peu abordées dans la formation pré-départ. Comme l'ont relevé les participants, ce sont surtout des connaissances qui sont transmises lors de cette formation et très peu d'habiletés.

Tel que relevé dans la littérature, il arrive que des entreprises offrent à leurs cadres un voyage dans le pays d'affectation avant leur départ, cela dans le but de leur donner la possibilité de saisir la réalité du terrain avant de s'y installer et de faire quelques arrangements administratifs s'il y a lieu. Cette façon de faire offre un aperçu de la réalité du terrain aux expatriés; par contre, ce n'est qu'un aperçu puisqu'il ne peut s'agir que d'un court séjour et donc plusieurs facettes de la réalité restent encore inaccessibles.

Compte tenu du peu de moyens financiers des ONG, il est utopique de penser que celles-ci pourraient utiliser ce moyen pour préparer leurs volontaires.

Les résultats démontrent clairement que la formation n'est pas le reflet de la réalité et qu'il ne peut en être autrement. C'est alors que l'approche de formation de type

«apprendre à apprendre» prend toute son importance. À défaut de pouvoir tout montrer aux participants, il faut les aider à développer les habiletés nécessaires à une bonne

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appréhension, compréhension et réaction face aux situations interculturelles qu'ils sont susceptibles de vivre à l'étranger.