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2.2 Elasticité hystérétique dynamique

2.2.1 Différents modèles phénoménologiques

(a) (b)

Figure 3 : (a) Coefficient élastique c44 en fonction du rapport c/a pour les solides non-KNE (carrés pleins) et les solides KNE connus ou suspectés (cercles pleins). Les matériaux à droite de la ligne verticale devraient faire partie de la classe des KNE d’après Barsoum (Barsoum et al., 2005b) ; (b) Exemple de la structures nano-stratifiée des matériaux MAX phases (ici c’est un Ti3SiC2). Extrait de (Barsoum, 2004)

Quelques matériaux de type KNE (e.g. mica) sont des composants des matériaux de types NME (e.g. le gré), ce qui laisse suggérer à Barsoum et al (Barsoum et al., 2004; Barsoum et al., 2005a) que le comportement hystérétique de la plupart des solides NME est dû à la présence de phases KNE. Bien que la classe des solides de type KNE englobe un large spectre de matériaux et d’états, les métaux ayant une structure cristalline cubique face centrée (CFC) comme le cuivre, le nickel ou l’aluminium n’en font pas partie. Ce classement sera peut-être remis en cause par l’observation récente de bandes de kinking dans un monocristal d’aluminium (Patil et al., 2009).

2.2 Elasticité hystérétique dynamique

2.2.1 Différents modèles phénoménologiques

Les premières observations expérimentales de non-linéarité élastique hystérétiques ont commencé, juste avant le début de la seconde guerre mondiale. On peut sans doute les

S. Haupert – Juin 2012 59 attribuer à Read qui suggère pour la première fois le rôle majeur des dislocations dans l’élasticité hystérétique dynamique, après avoir observé une dépendance en amplitude des frictions internes (ADIF) et du module (ADMD) dans des échantillons de cuivre et de zinc monocristallins (Read, 1940; Read, 1941). Ce n’est que plus tard, que Granato et Lücke (Granato and Lücke, 1956) ont proposé le premier modèle permettant de décrire l’atténuation non-linéaire dans les matériaux monocristallins par la présence de dislocations et plus spécifiquement des défauts ponctuels [en anglais « point defects »]. Ils ont introduit une hystérésis dans la relation contrainte/déformation avec une force de rappel linéaire (Fig.4).

Figure 4 : Représentation schématique de la relation hystérétique contrainte (σ) –déformation (ε) avec une force de rappel linéaire. εdm correspond à la déformation de la dislocation. Extrait de (Lebedev, 1999).

Le mécanisme hystérétique prévoit que lorsque la déformation appliquée est suffisante pour induire le décrochage (en anglais « breakaway ») ou l’épinglage (en anglais « repinning ») d’atomes au niveau de défauts ponctuels, la mobilité de la dislocation augmente subitement, provoquant le glissement d’un plan atomique. Les défauts ponctuels sont représentés par la vacance ou bien la présence d’un ou plusieurs atomes interstitiels (« nuage de Cottrell ») (Fig.5).

Figure 5 : Exemple d’une dislocation engendrée par la présence d’un atome interstitiel décalant la structure cristalline du matériau (source Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Image:Cottrellatmosphere.png).

CHAPITRE 2.ACOUSTIQUE NON LINEAIRE NON CLASSIQUE DANS LES SOLIDES

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Plus récemment, Nazarov a adapté le model de Granato-Lücke (GL) pour interpoler les données expérimentales qu’il a obtenues sur différents métaux polycristallins comme le cuivre (Nazarov et al., 1988; Nazarov, 1991a), le plomb (Nazarov, 1999) et le zinc (Nazarov and Kolpakov, 2000; Nazarov, 2001b). Son modèle est plus souple car il autorise une force de rappel non-linéaire. L’équation généralisée du modèle GL devient (Nazarov et al., 2009):

,     ,  (2.1)  ,  1    ,   0    0   ∆,   0   0 !,  0    0 !  1"! #∆,  0   0 $ 2.2

où K0, σ, ε, , εh and ∆ε sont respectivement le module élastique linéaire, la contrainte, la déformation, la dérivé temporelle de la déformation (i.e. vitesse de déformation), la déformation hystérétique et le maximum de déformation au cours d’un cycle (i.e. l’amplitude de l’onde acoustique). L’exposant m (nombre réel) définit la loi de puissance reliant la déformation ε à la contrainte σ. Les paramètres γ1, γ2, γ3 et γ4 décrivent la non-linéarité hystérétique. En particulier, si γ1=-γ2 et γ3=-γ4, le système n’est plus hystérétique mais suis un comportement élastique non-linéaire classique décrit par les cinq constantes de la théorie de l’élasticité de Landau et Lifschitz (Landau and Lifshitz, 1986). D’autre part, nous retrouvons le modèle GL conventionnel quand γ24=0 et γ1≠0, γ3≠0. Par conséquence, la dépendance en amplitude de l’atténuation (ou décrément δ) et de la variation du module (∆K/K0) est proportionnelle à ∆εn, où n=m-1.

Dans le cas simple d’une dépendance quadratique (m=2) entre la déformation et la contrainte, il est possible d’extraire deux paramètres non-linéaires θf and θQ associés respectivement au décalage de la fréquence de résonance (proportionnelle à la réduction du module) et à l’augmentation de l’atténuation (ou la diminution du facteur de qualité Q) en fonction de la déformation. Notons que par abus de langage, nous utiliserons dans tout le manuscrit, le terme d’atténuation pour parler du taux d’amortissement (ζ) [en anglais « Damping Ratio »]. Le taux d’amortissement ζ aussi appelé facteur de dissipation est inversement proportionnel au facteur de qualité Q et proportionnel au décrément logarithmique δ :

S. Haupert – Juin 2012 61 Expérimentalement, l’extraction deux paramètres non-linéaires θf and θQ se fait à partir de la pente de la courbe ADIF et de la courbe ADMD :

 2 ,∆--  3* /4 0, 1 ,

avec /0 3* 2   ! # 14   ! # 2.4 ∆)  *( ( 43 /6 , 1, avec /6  6* 1   ! # 2.5

Parallèlement au modèle GL, aussi appelé le breakaway model, plusieurs auteurs (Asano, 1970; Lebedev, 1999; Nazarov et al., 2003) ont étudié un autre modèle développé initialement par Davidenkov (Davidenkov, 1938) basé sur les frictions internes non localisées. Cette fois, les dislocations peuvent glisser sur de longues distances induisant de la micro-plasticité. Contrairement au breakaway model, la boucle d’hystérésis de la courbe contrainte/déformation des dislocations du modèle de friction diffus possède des branches symétriques ne passant pas par l’origine en régime permanent (Fig.6). Cela signifie que pour un niveau de déformation nul, le niveau de contrainte n’est pas nul. Nazarov qualifie ce type relation, hystérésis inélastique en opposition à l’hystérésis élastique du modèle GL :

 ,   :9 ∆  ∆   2 2∆∆, ;<   0, ;  0 $ 2.6 avec α, le paramètre non-linéaire hystérésis inélastique.

Figure 6 : Boucle hystérésis produite par le modèle de friction généralisé de Davidenkov. Extrait de (Asano, 1970)

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Pour les deux modèles, le challenge est d’identifier le type de loi décrivant la dépendance en amplitude de l’atténuation et de la variation du module. La loi peut être linéaire, quadratique, cubique ou suivre une loi de puissance de degré m (m étant un réel), en fonction des caractéristiques du matériau telles que le type de réseau cristallin, la fonction de distribution, la densité et le type de dislocations, la concentration des vacances d’atomes, le nombre d’atomes interstitiels ou dopants, la taille de grain, etc…. Par exemple, lorsque la densité des dislocations dans le zinc polycristallins décroit, la dépendance en amplitude du décalage en fréquence passe d’une loi linéaire à une loi quadratique (Nazarov and Kolpakov, 2000).

Dans le cas particulier d’une élasticité hystérétique quadratique (m = 2), nous pouvons remarquer que l’équation précédente (Eq.2.6) est similaire à la formulation obtenue avec l’espace de Preisach-Mayergoyz dans le cas d’un matériau purement hystérétique :

 ,  92 21 ;<=1  2.7

Le PM-space initialement utilisé (McCall and Guyer, 1994; Guyer et al., 1995) pour décrire le comportement élastique non-linéaire non classique des roches est maintenant largement utilisé pour décrire le comportement des matériaux de type NME en général (milieux granulaires consolidés ou non, matériaux micro-fissurés…). Le modèle PM-Space introduit des unités mésoscopiques hystérétiques bistables [en anglais « Hysteretic Mesoscopic Units (HMU)»] comme composantes du matériau. Elles sont généralement assimilées à des microfissures ou des surfaces en contact qui sont alternativement ouvertes et fermées suivant le niveau de déformation appliqué et leur précédent état. Le module hystérétique linéaire K peut être dérivé de ce modèle en combinant les paramètres non-linéaires classiques (β et δ (ne pas confondre avec le décrément logarithmique δ), représentant respectivement les non-linéarités quadratique et cubique) issus de la théorie de Landau avec le paramètre hystérétique α. Dans ce cas là, nous pouvons représenter la relation contrainte/déformation dans une dimension par (Van den Abeele et al., 2000a):

,   ? @ )!92 21 ;<=1 A 2.8

Quand les non-linéarités d’origine hystérétique dépassent les non-linéarités classiques (généralement pour des déformations supérieures à 10-6 (Johnson 2005), les deux paramètres non-linéaires décrivant respectivement le décalage en fréquence (ou la variation du module

S. Haupert – Juin 2012 63 élastique) et le changement de l’atténuation (ou le décrément logarithmique) en fonction de la déformation, peuvent être extraits de l’Eq.2.8 suivant (Johnson and Sutin, 2005):

∆--  12 ,  92 , 1 2.90 ( (* ∆)  1 92 , 1 2.106

où f, K, Q et ) sont respectivement la fréquence de résonance, le module élastique, le facteur de qualité et le décrément logarithmique. L’indice « 0 » correspond à la valeur obtenue pour le plus petit niveau d’excitation (hypothèse d’un régime linéaire). Nous pouvons remarquer que la dépendance en amplitude est linéaire comme dans le cas d’une élasticité non-linéaire hystérétique quadratique représentée par le modèle de Davidenkov (m = 2, voir les Eq. 2.4 et 2.5). Les deux paramètres αf et αQ sont reliés au paramètre général α de l’Eq.2.7.

Pour résumer, les trois modèles phénoménologiques (Granato-Lücke, Davidenkov et Preisach-Mayergoyz) que nous venons de décrire, proposent de modéliser les phénomènes d’ADIF et d’ADMD que nous observons expérimentalement à travers le décalage de la fréquence de résonance (ou. du module élastique) et le changement de l’atténuation (ou. du décrément logarithmique), bien que l’origine de l’ADIF et de l’ADMD soit différente pour chacun des modèles.