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3.2 Les couches minces

3.2.2 Différences avec le composé massif

3.2.2.1 Propriétés structurales

Les différences entre le composé massif et en couche mince sont principalement dues aux contraintes du substrat en raison de l’écart qui existe entre les paramètres de maille des phases cristallines du MnAs et du GaAs (voir figure 3.4). Dans le MnAs, les paramètres de maille peuvent être définis dans le réseau hexagonal (a et c représentés dans la figure 3.2) ou dans le réseau orthorhombique (aorth, borth et

corth définis sur le schéma de la figure 3.5. Cette dernière nomenclature est choisie de façon à avoir des paramètres de maille définis de la même façon dans la phase α et β. Dans ce manuscrit nous utiliserons les exposants pour préciser la phase dont il est question, par exemple aα

orth et aβ orth.

L’évolution de ces trois paramètres d’une couche mince, possédant les mêmes relations épitaxiales que nos échantillons, a été mesurée en fonction de la tempéra-ture [88] et est reportée sur la figure 3.5. Les lignes tiretées représentent l’évolution de ces paramètres dans un composé massif. Les paramètres aorth et borth sont for-tement contraints par le substrat. Le paramètre aorth est continu dans le composé

GaAs [110] [110] MnAs aorth corth borth 273 283 293 303 313 323 Temperature (K)

Figure 3.5 – Schéma permettant de définir les différents paramètres de maille aorth, borth et corth et, à droite, leur évolution lorsque la température augmente (a,b et c) [88] pour un échantillon de MnAs massif et une couche mince de MnAs de type A0 épitaxiée sur du GaAs(001).

massif et en couche mince (figure 3.5 a)). La continuité était attendue car, comme nous l’avons vu précédemment dans le composé massif sur la figure 3.1 a) (para-mètre c), l’évolution de ce para(para-mètre est principalement gouvernée par la dilatation thermique. La transition de phase de premier ordre n’engendre pas de modifica-tion brutale de ce paramètre. Les effets de la dilatamodifica-tion thermique sont, toutefois, moins forts dans le cas de la couche mince puisqu’elle est contrainte par le GaAs qui possède une dilatation thermique moindre que celle du MnAs. D’autre part, aorthest environ 1% plus grand que le paramètre du MnAs massif. Cela signifie que dans cette direction la couche est en tension. Le paramètre borth, se situant dans le plan de l’interface MnAs/GaAs, est également contraint par le substrat. À des

températures supérieures à la température de transition de phase, le paramètre bβorth est supérieur à celui du MnAs massif donc la couche de MnAs est en tension (figure 3.5 b)). A l’inverse, à plus basse température, la couche est en compres-sion. Cela provoque, pour T<Tc, la persistance de la phase β qui est favorisée puisqu’elle possède un paramètre de maille inférieur à celui de la phase α. Cette persistance de la phase β, à basse température, est l’une des caractéristiques des couches minces de MnAs de type A0. On parle de coexistence de phases. Enfin le troisième paramètre de maille, corth, est défini le long d’une direction perpendicu-laire au plan d’interface et n’est, en conséquence, pas contraint par le substrat. Son évolution est comparable à celle du paramètre du composé massif (figure 3.5 c)) mais corth est toujours plus petit dans le cas du MnAs en couche mince. La couche est donc en légère compression dans cette direction.

Cette étude des paramètres de maille dans le plan et hors plan permet de mettre en évidence les contraintes du substrat sur la couche épitaxiée. Dans les couches minces de MnAs, le substrat impose une compression sur les paramètres de maille contenus dans la face hexagonale de la maille élémentaire et une tension le long de cette maille. La présence de ces contraintes semble être à l’origine de la coexistence entre la phase α et β du MnAs qui possède des paramètres de maille différents. Ici, nous avons vu le cas des couches minces de MnAs de type A0mais les propriétés sont modifiées différemment dans le cas d’autres épitaxies : effectuées, par exemple, sur des substrats avec des orientations différentes [10] ou alors en modifiant l’orientation du MnAs sur le substrat [89].

3.2.2.2 Topographie de la surface

La coexistence de phase à température ambiante ainsi que la différence des valeurs des paramètres de maille de la phase α et β ont des conséquences sur la topographie des couches minces de MnAs de type A0. En effet, les contraintes anisotropes exercées sur le MnAs sont à l’origine de la coexistence de la phase α et β (voir 3.2.2.1), mais également, de l’organisation de ces phases en bandes alternées. Cette organisation est énergétiquement plus favorable et a déjà été modélisée [90]. Les bandes alternées modifient la topographie de la surface des échantillons car la phase β possède un paramètre de maille corth de l’ordre de 1% inférieur à celui de la phase α. Sur la figure 3.6 sont reportés une image AFM témoignant de l’auto-organisation de la phase α (bande claire) et β (bande foncée) du MnAs et un schéma de la maille élémentaire des deux phases permettant de mettre en évidence la corrélation entre la visibilité de ces bandes par AFM et la différence de leurs paramètres de maille hors plan. L’amplitude des variations de hauteur est de l’ordre de 1% de l’épaisseur de la couche considérée. Cette épaisseur, t, fixe aussi la période des bandes, Λ, qui augmente linéairement [91] avec t en suivant la

(b)

Figure 3.6 – a) Image AFM d’une couche de MnAs/GaAs(001) de 130 nm [91]. b) Schéma de la phase α et β [90].

relation [82] :

Λ = 4.8 t (3.1)

déterminée expérimentalement.

3.2.2.3 Propriétés magnétiques locales

Cette topographie a des conséquences également sur les propriétés magnétiques locales. La structure alternée α et β forment des bandes de phase ferromagnétique (F) et paramagnétique (P) qui sont visibles par microscopie à force magnétique. Comme nous l’avons vu dans la sous-section 2.2.2.1, ce système de mesure est sensible aux champs de fuite présents à la surface du matériau. En considérant une couche mince de MnAs aimantée, c’est à dire qu’elle a été refroidie sous un champ magnétique de façon à orienter tous les moments magnétiques de la phase F suivant une direction unique, les champs de fuite, lorsqu’il y a une coexistence de phase α et β, sont schématisés sur la figure 3.7 a) [92]. Le signal MFM correspondant est reproduit sur la figure 3.7 b). L’image MFM, à 293 K, d’une couche mince de MnAs aimantée, qui sera considérée par la suite comme l’échantillon de référence, est reportée sur la figure 3.7 c). Nous reconnaissons la structure en bandes prédite, sur la figure 3.7 b), qui sur cette image est inclinée de 45° par rapport à la verticale.

Référence GaAs [110] [110] c) α β α β α a) b)

Figure 3.7 – a) Schéma des champs de fuite présents à la surface d’une couche mince de MnAs à température ambiante et la mesure MFM associée schématisée b). c) L’image MFM à 293 K de la couche mince de MnAs aimantée à 0.5 T qui sera étudiée par la suite.

3.2.2.4 Propriétés magnétiques moyennes

La coexistence entre les phases α et β engendre une modification de la courbe de l’aimantation en fonction de la température, au regard du MnAs massif. Sur la figure 3.8 a) la transition de phase magnétique est visiblement moins brutale dans les échantillons en couche mince que dans le composé massif. En effet, dans les couches minces la fraction de la phase β, par exemple, augmente avec la tem-pérature, contrairement au MnAs massif où la phase α se transforme totalement et brutalement en phase β. Les couches minces, tout comme les composés massifs, sont caractérisées par une transition de phase de premier ordre qui est magnéto-structurale. Cette transition implique la présence d’une hystérésis thermique, ob-servable sur la courbe de l’aimantation. Elle est un peu moins large (environ 4 K) que celle du composé massif (environ 10 K). La forme différente de la courbe d’ai-mantation du MnAs en couche mince implique une modification de la forme de sa

dérivée et donc aussi de la variation d’entropie magnétique en fonction de la tem-pérature (figure 3.8 b)). Le pic de variation d’entropie magnétique d’un composé de MnAs en couche mince est quatre fois plus petit et deux fois plus large que celui d’un composé massif. Cependant, les couches minces restent qualifiées de matériau à effet magnétocalorique géant puisque leur pouvoir réfrigérant, soit l’intégrale de cette courbe (voir le paragraphe 2.2.2.2), qui s’élève à 128 ± 4 J kg−1 est similaire à celui des échantillons massifs (158 ± 5 J kg−1).

a) b)

Figure 3.8 – Aimantation relative a) et variation d’entropie magnétique b) en fonction de la température pour une couche mince en trait plein et un échantillon massif en ligne tiretée [84, 85] de MnAs. La variation d’entropie a été calculée dans les deux cas pour un champ magnétique appliqué variant de 0 à 2 T par pas de 0.2 T.

3.3 Études antérieures sur les couches minces