PARTIE 3 : Maîtrise du risque de défaillances de vide de ligne
2. Mise en œuvre d’outils qualité
2.2. Diagramme d’Ishikawa
La deuxième étape après la clarification, est la recherche de la cause ou des causes à l’origine du problème. En effet, elles sont souvent plurielles, car il existe rarement une seule cause à un problème.
L’outil que nous allons utiliser pour commencer est le diagramme d’Ishikawa ou diagramme causes-effet, diagramme en arêtes de poisson. Il s’agit d’un outil initialement développé par Kaoru Ishikawa (1915 – 1989), ingénieur chimiste japonais, qui l’utilisait pour décrire les causes qui mènent à un effet. C’est pour cette raison qu’il l’avait nommé « diagramme cause-effet » « cause-and-effect diagram » en anglais (20). Au fil du temps, cet outil est devenu fondamental, indispensable pour la gestion de la qualité en entreprise.
Cette méthode raisonnée et structurée permet une recherche approfondie assez exhaustive des causes potentielles d’un problème en les classant en grandes familles : les « M » représentant les principales familles de causes dans l’industrie pharmaceutique. Généralement, on utilise 5 familles, donc on parle de « 5 M ». Dans ce cas, nous avons choisi de rajouter un « M » supplémentaire pour « Mesures » et nous obtenons les « 6 M » présentés dans le Tableau 3 ci-dessous.
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Tableau 3. « 6 M » utilisés pour classer les causes dans le diagramme d'Ishikawa
Concernant les défaillances de vide de ligne, cet outil est particulièrement puissant et utile parce qu’il nous pousse à identifier des causes dans les domaines autres que celui de la Main d'œuvre. Ce qui est très intéressant dans notre cas où, les investigations ont très facilement tendance à se tourner vers l'erreur humaine car le vide de ligne est une opération réalisée par l'Homme.
Pour pouvoir faire un diagramme d’Ishikawa, il convient d’avoir auparavant déterminé et défini précisément un problème à traiter incluant son point d'origine. Ici, nous l’avons fait
grâce au QQOQCCP.
L’utilisation de cet outil passe d’abord par une étape de réflexion ouverte sur toutes les causes possibles qui pourraient expliquer le problème. Cette étape est appelée le « brainstorming ». Durant cette phase, nous partons du problème précédemment défini et il faut alors imaginer toutes les causes possibles sans avoir de censures et d’idées préconçues.
Différents M Exemples
Main d'œuvre
► Personnel de l'organisation : opérateurs de production, équipes support, managers ● Effectif respectif
● Connaissances, compétences, formation ● Comportement (motivation, assiduité) ● Organisation de l'équipe de travail
Moyens
► Moyens de production, équipements, matériel ► Outils
► Matériel informatique, logiciels utilisés pour réaliser la tâche ► Ressources informatiques
Milieu ► Environnement de travail ► Conditions de travail : éclairage, température, ambiance, aspect relationnel…
Méthodes ► Façons de faire : orales ou écrites ● Procédés, techniques,
● Procédures, instructions, modes opératoires (documents de description d'une tâche) Matières ► Eléments entrant dans le processus de conditionnement qui sont ensuite transformés : SF et ADC
► Consommables
Mesure ► Eléments utilisés pour chiffrer le phénomène
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Il faut accepter de sortir du cadre et des sentiers battus pour être efficaces, en se demandant réellement : « Pourquoi obtient-on cette situation ? ». Cet outil dirige la recherche vers la cause à l'origine du problème et non sur ses symptômes visibles.
Nous avons listé ici toutes les causes pertinentes pouvant être liées aux défaillances de vide de ligne. Ces causes proviennent de la littérature, de nombreuses publications ainsi que de mes expériences personnelles. Ces différentes causes ont ensuite été classées dans les six catégories M du diagramme. Le résultat est présenté dans la Figure 12 suivante.
Figure 12. Diagramme d'Ishikawa appliqué aux défaillances de vide de ligne
Toutes les causes mentionnées peuvent être impliquées dans les incidents isolés de vide de ligne. Lorsque l’on souhaite traiter de la récurrence de ces mêmes défaillances de vide de ligne, d’autres causes apparaissent et sont représentées dans la Figure 13.
- Problème - Défaillances de
vide de ligne dans les secteurs de conditionnement Baisse de la vigilance engendrée par la fatigue Instruction non correctement exécutée Inattention/perte d'attention par habituation, tâche répétitive Nombreuses tâches à réaliser dans une séquence de temps
donnée (surchage)
Haut niveau d'émotions de stress
chez les opérateurs Formateur pas sufisamment expérimenté
Zones de rétention dans les
équipements
Outils nécessaires pour le vide de ligne non disponibles (lampes...) Eclairages non adaptés Outils disponibles non adaptés Manque de visibilité de certaines zones Pression de la production Luminosité inadaptée insuffisante Zone de production bruyante, perturbations environnementales Dérangement(s)/ distraction(s) pendant la
tâche par des interventions extérieures Instructions incomplètes (manque d'informations) Instructions non claires, imprécises, interprétables Programme de formation à la tâche insuffisant, inadapté (théorique, pratique, vidéos…) Absence ou recertification périodique insuffisante
pour vérifier l’état des connaissances Elements à
rechercher difficiles à distinguer dans les
équipements Matières Main d’œuvre Milieu Mesure Méthodes Moyens
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Le vide de ligne est donc une tâche avec de multiples sources de défaillances possibles, ce qui en fait un problème complexe à traiter. Comme le montre le diagramme d’Ishikawa présenté en Figure 12, la catégorie de causes « Main d’œuvre » est la plus remplie. Cela n’a rien d’étonnant car comme mentionné plus haut, le vide de ligne est une opération manuelle réalisée par l’Homme. Sachant que l’Homme est faillible, donc pas efficace à 100 %, il est donc entendable que la première cause qui soit montrée du doigt soit l’humain et l’erreur humaine.
Souvent, prendre cet unique chemin et persévérer dans cette direction se révèle être « l’erreur » elle-même. Effectivement, lorsque l’on analyse correctement les données à l’aide d’investigations, il s’avère que ce cette défaillance « humaine » n’est seulement que le problème de surface, le symptôme visible de problèmes sous-jacents qui peuvent concerner différents facteurs contributeurs autres que l’homme comme le montre notre diagramme d’Ishikawa.
Lorsque l’on établit que la cause racine est une erreur humaine, la solution corrective très souvent privilégiée est la « reformation » « resensibilisation » des opérateurs impliqués dans l’incident. Mais ce n’est en rien la solution, car, premièrement, cette action vise l’homme qui n’était pas le problème « profond ».
Figure 13. Diagramme d'Ishikawa appliqué à la récurrence de défaillances de vide de ligne
- Problème – Récurrence de
défaillances de vide de ligne dans les secteurs de conditionnement Pas de moyen de
s'assurer de la correcte réalisation d'un vide de ligne entre deux lots
Pas d’analyse périodique des déviations avec relevé
des tendances Cause racine
identifiée lors des précédents incidents
incorrecte
Pas de moyen de monitorer les résultats du
process de vide de ligne au long cours Matières Main d’œuvre Milieu Mesure Méthodes Moyens
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Donc en ne traitant pas le réel problème, celui-ci reviendra. Deuxièmement, si une « re » formation de l’opérateur est engagée, elle le sera avec la même formation, la même instruction (si celle-ci n’est pas modifiée) avec laquelle une erreur s’est déjà produite. Il n’est donc pas raisonnable de penser qu’une autre erreur, ou une erreur similaire ne se reproduira pas. Pourquoi la même formation aurait-elle un effet différent lors de sa deuxième utilisation ? (21). Il ne faut pas être trop hâtif dans l’attribution d’une cause.
Lors d’un incident donné, il est rarement possible de déterminer « une » cause claire et nette car il s’agit souvent de plusieurs causes directes ou contributrices associées les unes aux autres qui ont généré le problème. C’est multifactoriel.
De manière simplifiée, toutes les causes possibles relevées dans le premier diagramme d’Ishikawa (Figure 12) peuvent être classées en deux catégories, celles relatives à l’homme que ce soit de près ou de loin, et les autres.