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2. Les Scedosporium

2.5. Diagnostic et identification

comme Candida albicans et Candida glabrata, ou d’autres filamenteux tels que des Mucor, des dématiés (Curvularia lunata, Helminthosporium sp., Bipolaris sp., Stemphylium sp.) et des Penicillium (Miller et al., 1993). Outre ces champignons, Rippon et Carmichael (Rippon et Carmichael, 1976) ont décrit en 1976 un premier cas de scédosporiose broncho-pulmonaire allergique. Par la suite, d’autres cas ont été décrits impliquant S. apiospermum

dans ce type de mycoses (Lake et al., 1990; Miller et al., 1993; Cimon et al., 2000; Kramer et al., 2015). La colonisation des voies respiratoires peut déclencher une réaction inflammatoire conduisant à des désordres broncho-pulmonaires allergiques (Cimon et al., 2000). La maladie est caractérisée par la présence dans les expectorations de bouchons muqueux contenant des filaments de Scedosporium. Sur un plan clinique, on observe un asthme, avec présence d’infiltrats à la radiographie pulmonaire, et sur le plan biologique une hyperéosinophilie, une élévation du taux d'IgE totales dans le sérum, la présence de précipitines et lorsque l’allergène est disponible commercialement, une réactivité cutanée immédiate pour l'agent étiologique (Guarro et al., 2006).

2.5. Diagnostic et identification

Le diagnostic des infections dues aux Scedosporium repose sur la mise en évidence du champignon par l’examen microscopique direct du prélèvement ou l’examen histopathologique d’un prélèvement biopsique, associé à l'isolement du champignon par culture. Les méthodes moléculaires doivent être utilisées seulement comme examens complémentaires aux tests classiques (Tortorano et al., 2014).

2.5.1. Examen microscopique direct

L’examen microscopique montre, en cas de positivité, la présence de filaments mycéliens septés, fins et réguliers. La différenciation d’avec d’autres hyphomycètes hyalins, notamment les Aspergillus, est impossible sur le seul aspect des filaments mycéliens. Thornton et al. (Thornton et al., 2009) ont développé une méthode immunohistologique pour la détection des espèces du genre Scedosporium. Cette technique est basée sur l’utilisation de deux anticorps monoclonaux reconnaissant un épitope glucidique présent dans la paroi des spores et des hyphes. Ces anticorps sont spécifiques des trois espèces majeures du genre, à savoir S. apiospermum, S. boydii et S. aurantiacum.

Dans les mycétomes à Scedosporium, l’aspect à l’examen direct est différent puisque le développement du champignon dans les tissus s’effectue sous forme de grains fongiques, de couleur blanchâtre compte tenu de l’absence de mélanine dans la paroi des filaments mycéliens (d’où le terme de mycétome à grains blancs). Les grains sont lisses et relativement larges (1 à 2 mm). Sur coupes histologiques, ils sont habituellement entourés d’un substrat éosinophile, caractéristique des mycétomes à Scedosporium (Hay et Mackenzie, 1982).

2.5.2. Méthodes culturales

L’efficacité des méthodes culturales pour détecter les espèces du complexe S. apiospermum dépend de plusieurs facteurs, à savoir la méthode de traitement des

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échantillons, le milieu de culture utilisé, et la température et la durée de l’incubation. Les espèces du genre Scedosporium peuvent croître sur des milieux de culture conventionnels utilisés en microbiologie (gélose au sang ou gélose chocolat). Néanmoins, leur présence peut être masquée par la croissance beaucoup plus rapide des bactéries pour les prélèvements polymicrobiens comme les prélèvements respiratoires ou cutanés. L’addition d’antibiotiques permet ainsi de faciliter leur détection. Le milieu de culture le plus utilisé est la gélose de Sabouraud ou la gélose YPDA (yeast extract-peptone-dextrose-agar) additionnée d’antibiotiques, tels que le chloramphénicol ou une association de chloramphénicol et gentamicine. Néanmoins, pour les prélèvements respiratoires, l’utilisation de milieux de culture semi-sélectifs est fortement recommandée pour la détection des Scedosporium; en effet, ces champignons à croissance lente sont souvent associés à d’autres espèces fongiques, notamment A. fumigatus qui présente une croissance rapide et extensive pouvant masquer la présence de ces champignons (Borman et al., 2010; Giraud et Bouchara, 2014).

Ces milieux de culture semi-sélectifs sont basés sur les particularités physiologiques ou biochimiques de ces champignons, notamment leur résistance au cycloheximide, un antibiotique antifongique inhibant la croissance de nombreux champignons filamenteux comme les Aspergillus et les Mucorales. Ainsi, la gélose YPDA additionnée de cycloheximide a prouvé son efficacité pour la détection sélective des espèces du genre

Scedosporium (Cimon et al., 2000). D’autres milieux de culture, non commercialisés, sont plus efficaces encore, comme la gélose au dichloran - rose Bengale - chloramphénicol additionnée de bénomyl, un inhibiteur de la polymérisation de la tubuline chez les Aspergillus

notamment (DRBC-bénomyl) ou le milieu Sce-Sel+ qui contient lui aussi du dichloran et du bénomyl (Rainer et al., 2007a).

Plus récemment, la capacité de S. apiospermum à assimiler différentes sources de carbone et d’azote a permis le développement d’un milieu de culture hautement sélectif, le milieu Scedo-Select III. Le principe de ce milieu de culture repose sur la capacité des espèces du genre Scedosporium à utiliser le 4-hydroxybenzoate comme seule source de carbone et d’énergie. La sélectivité est renforcée par l’utilisation de sulfate d’ammonium comme source d’azote et l’incorporation de dichloran et de bénomyl (Pham et al., 2015).

Ces trois milieux de culture semi-sélectifs ont prouvé leur efficacité pour la détection des Scedosporium dans des échantillons cliniques pour la gélose YPDA-cycloheximide (Cimon et al., 2000; Borman et al., 2010;) et la gélose Sce-Sel+ (Rainer et al., 2007b; Sedlacek et al., 2015) ou environnementaux pour les milieux Sce-Sel+ (Kaltseis et al., 2009) et Scedo-Select III (Rougeron et al., 2014; Luplertlop et al., 2016).

2.5.3. Identification par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF

L’identification repose classiquement sur l’examen macroscopique et microscopique des colonies, mais cet examen tend à être supplanté par la spectrométrie de masse de type MALDI-TOF.

La spectrométrie de masse de type MALDI-TOF (pour Matrix Assisted LASER Desorption Ionisation-Time of Flight) est une technique rapide, précise et simple pour l'identification des microorganismes à partir de cultures. Cette technologie génère des

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empreintes spectrales caractéristiques et spécifiques pour chaque microorganisme, ce qui permet l’identification précise des microorganismes (Croxatto et al., 2012).

La technologie MALDI-TOF repose sur un spectromètre de type MALDI et un analyseur de temps de vol (TOF). L’échantillon biologique est d’abord mélangé à une matrice composée de petites molécules acides (peptides, protéines, hydrates de carbone) pour favoriser l’ionisation des composés. Le mélange matrice-échantillon est ensuite déposé sur une surface métallique, puis il est placé dans le spectromètre et chaque dépôt est alors soumis à 1000 tirs aléatoires du LASER, la matrice absorbe l’énergie de ces tirs et l’utilise pour la désorption des biomolécules qui sont vaporisées et ionisées. Les ions formés sont accélérés par un champ électrostatique et pénètrent dans le tube de vol. Le temps de vol, ou durée nécessaire pour atteindre le détecteur, est proportionnel à la masse (m) de l’ion et inversement proportionnel à sa charge (z). Plus un ion sera lourd, c’est-à-dire plus son rapport m/z sera élevé, plus il atteindra lentement le détecteur. L’interface informatique de la technologie convertit le signal correspondant aux ions impactés en grandeurs électriques, représentées par des pics sur un graphique. L’ensemble des pics obtenus forme le spectre de l’échantillon. Ce dernier est comparé à une base de données qui permet l’identification du microorganisme au rang de genre ou d’espèce (Desoubeaux et al., 2010).

La technologie MALDI-TOF est de plus en plus utilisée pour l'identification des espèces de bactéries et de levures. De plus, des études récentes ont rapporté l'efficacité de la spectrométrie de masse MALDI-TOF pour l'identification rapide des champignons filamenteux (De Carolis et al., 2012; Santos et al., 2010). Récemment, Sitterlé et al. (Sitterlé

et al., 2014) ont développé une base de données spécifique des espèces du genre

Scedosporium (Figure 10), base qui a été utilisée pour l’identification précise de 251 d’isolats environnementaux de Scedosporium et validée par comparaison avec les résultats de séquençage du gène de la beta-tubuline (Rougeron et al., 2014).

2.5.4. Méthodes moléculaires

Plusieurs méthodes d’identification moléculaire basées sur l’amplification de l’ADN par PCR ont été développées (Tableau 3). Compte tenu des différences de sensibilité aux antifongiques d’une espèce à l’autre dans le genre Scedosporium, ces méthodes peuvent être utilisées en routine clinique en plus des méthodes conventionnelles pour une détection rapide de ces espèces (Giraud et Bouchara, 2014).

Parmi les méthodes non culturales, la détection de métabolites spécifiques sécrétés par les champignons peut être une alternative pour la détection des pathogènes fongiques. L’acide dimérumique et le Nα-méthyl coprogène B sont deux sidérophores (des molécules chélatrices de fer) sécrétés par les Scedosporium. Le Nα-méthyl coprogène B est produit spécifiquement par ces champignons et peut constituer un marqueur diagnostique d’une colonisation des patients atteints de mucoviscidose (Bertrand et al., 2010).

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Figure 10 : Spectres MALDI-TOF de référence pour les espèces

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Tableau 3 : Méthodes moléculaires d’identification des espèces du genre Scedosporium

(Giraud et Bouchara, 2014).

Techniques Matériel utilisé Cible

Séquençage Colonies fongiques Séquence des régions ITS 1 et 2* ou du gène de la tubuline (BT2) PCR-RLB (PCR-based reverse line blot) Colonies fongiques et crachats Séquence BT2 Amplification isotherme facilitée

par boucle (LAMP)

Colonies fongiques Séquence BT2 Amplification par cercle roulant

(RCA)

Colonies fongiques Séquences ITS Polymorphisme de longueur des

fragments de restriction (RFLP)

Colonies fongiques Séquences ITS Polymorphisme de longueur des

fragments d'amplification (AFLP)

Colonies fongiques Séquence BT2 * Régions ITS (Internal Transcribed Spacer) 1 et 2 des ADN ribosomiaux.

2.5.5. Sérodiagnostic

Cimon et al. (Cimon et al., 2000) ont développé une technique de contre-immunoélectrophorèse pour la sérodiagnostic des infections causées par les espèces du genre Scedosporium. Cependant, la possibilité d’une réaction croisée avec des antigènes aspergillaires constitue une des limites majeures de cette technique. Un autre antigène a été isolé par Pinto et collaborateurs (Pinto et al., 2001) qui serait plus spécifique. Néanmoins, pour cet antigène polysaccharidique, une faible réaction croisée avec des antigènes de

Sporothrix schenkii a été observée.