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IV. Le cancer de la prostate

3) Diagnostic

Au départ, le CaP est le plus souvent asymptomatique. Ainsi, malgré la croissance et

l’extension de la tumeur, le patient ne perçoit aucun symptôme. A un stade plus avancé, le

CaP peut engendrer des problèmes de miction tels qu’un besoin fréquent ou une incapacité

d’uriner, une sensation de brûlure ou une douleur en urinant, des troubles de l’érection ou

encore la présence de sang dans les urines ou le sperme. Des douleurs osseuses ou une

compression médullaire sont un signe clinique de la présence d’un CaP métastatique

(Latorzeff and Gamé, 2011; Roupret and Beley, 2008). De ce fait, plus le CaP est diagnostiqué

tôt, meilleures sont les chances de guérison du patient.

Cependant, le dépistage du CaP est aujourd’hui particulièrement controversé. En effet,

aucune étude n’a à ce jour établi de bénéfice du dépistage pour l’état de santé globale de la

population dépistée. Néanmoins, le dépistage du CaP permet de diminuer la mortalité́

spécifique de la maladie (Arnsrud Godtman et al., 2015; Schröder et al., 2014). En France,

l’Association Française d’Urologie recommandait la réalisation annuelle d’un dosage du PSA

Figure 30 : Mécanisme de dissémination métastatique vers les os.

Les cellules cancéreuses envahissent le stroma et induisent la formation de vaisseaux sanguins.

Elles entrent ensuite dans la circulation sanguine par intravasion et rejoignent les capillaires situés

dans les os. La formation d’un agrégat cellulaire peut participer à l’arrêt des cellules. Elles

s’extraient des vaisseaux par adhérence aux cellules endothéliales et extravasion. Percevant les

signaux du microenvironnement, elles prolifèrent et établissent ainsi des métastases osseuses.

(d’après Mundy, 2002)

sanguin et d’un examen clinique par toucher rectal entre 45-50 et 75 ans (Latorzeff and Gamé,

2011). Cependant, la détection précoce du CaP s’adresse maintenant exclusivement aux

hommes en bon état fonctionnel et à la probabilité de survie prolongée. Cette procédure

repose toujours sur un toucher rectal et un dosage du PSA mais sans nécessité de répétition

annuelle ou avec un intervalle de 2 ans en cas de facteur de risque (Rozet et al., 2016). De la

même manière, aux États-Unis, il a été recommandé en 2012 de ne plus informer les patients

de la possibilité d’effectuer le dosage du PSA en raison du risque de surdiagnostic et de

surtraitement du CaP. Un vif débat s’est dès lors instauré suite à l’observation d’une

augmentation des CaP diagnostiqués à un stade évolué ou métastatique. En effet, la détection

précoce du CaP a pour bénéfice avéré la diminution considérable des formes métastatiques

au diagnostic, limitant ainsi la morbidité et les coûts des traitements des formes avancées

(Arnsrud Godtman et al., 2015; Buzzoni et al., 2015; Welch et al., 2015) .

a. Dosage du PSA

Le PSA est une glycoprotéine produite par les cellules luminales prostatiques qui

possède une activité enzymatique de type sérine-protéase. Sécrété dans le liquide prostatique,

il permet la liquéfaction du sperme. Bien que cette protéase se retrouve majoritairement dans

le sperme, il est également possible d’en effectuer le dosage sanguin.

Dans les années 1980, deux équipes de recherche ont permis de caractériser le PSA

comme un marqueur du CaP et de développer les bases du dosage sanguin (Papsidero et al.,

1980; Stamey et al., 1987). Aujourd’hui, le dosage du PSA est une pratique courante dans les

pays développés. La valeur seuil retenue est de 4ng/mL, permettant d’obtenir une sensibilité

d’environ 90%. Si le PSA sanguin est compris entre 4 et 10ng/mL, les ¾ des CaP

diagnostiqués sont localisés et auront une bonne réponse au traitement. Si la valeur de PSA

atteint les 30ng/ml ou plus, alors il est probable d’être en présence d’un CaP avancé avec une

dissémination métastatique (Boissier, 2011).

La valeur du PSA dépend de plusieurs critères tels que l’âge du patient et le volume

prostatique et une augmentation du PSA n’est pas toujours synonyme de CaP. Pour permettre

un meilleur diagnostic, il est possible de doser la forme libre du PSA. En effet, dans la

circulation sanguine, le PSA peut se trouver sous forme libre ou complexé à des protéines du

sang. Il est reconnu que la forme libre du PSA augmente non pas en cas de CaP mais bien

en présence d’une hypertrophie bénigne de la prostate. Ainsi, seul un rapport du PSA libre sur

le PSA total dont la valeur est basse témoigne de la présence d’un cancer. Cependant, le

dosage de la fraction libre du PSA n’est pas recommandé en première intention. Il est réalisé

lorsque le taux de PSA total reste élevé malgré la réalisation de biopsies négatives (Boissier,

2011; Roupret and Beley, 2008).

Le dosage du PSA a révolutionné le diagnostic et le suivi du CaP. Cependant, il reste

un marqueur général des pathologies prostatiques et n’est pas spécifique du cancer. Ainsi,

d’autres marqueurs sont aujourd’hui en cours d’étude de manière à améliorer la spécificité du

diagnostic. Parmi ces marqueurs, le gène PCA3 (Prostate cancer associated 3) semble être

un bon candidat. En effet, il est exprimé quasiment uniquement dans le tissu cancéreux

prostatique. Son expression est nulle dans les tissus non prostatiques et très faible dans la

prostate saine ou les pathologies prostatiques bénignes (Bussemakers et al., 1999; Hessels

et al., 2003; Kok et al., 2002). Son ARNm peut être dosé dans les urines après massage

prostatique. En France, son utilisation est réservée aux protocoles de recherche ou aux

démarches diagnostiques financées par les patients eux-mêmes (Vlaeminck-Guillem et al.,

2015).

b. Toucher rectal

Le dosage du PSA seul ne suffit pas au dépistage du CaP. En effet, il est estimé que

5 à 10% des CaP palpables au toucher présentent une valeur de PSA normale. Le toucher

rectal est d’ailleurs préconisé préalablement à la prescription du dosage du PSA (Boissier,

2011; Gosselaar et al., 2008). Il permet au praticien de palper la prostate à travers la paroi du

rectum et d’obtenir des informations quant au volume de la prostate, la présence de nodules

durs ou d’une zone plus ferme, ou encore l’asymétrie des lobes prostatiques. Ces observations

permettent d’émettre une alerte relative à la suspicion d’un CaP (Roupret and Beley, 2008).

c. Biopsies

Toute anomalie mise en évidence par le dosage du PSA ou au cours du toucher rectal

conduit à la réalisation d’un examen anatomo-pathologique. Il repose sur le prélèvement de

biopsies echo-guidées endorectales permettant de rendre compte de l’ensemble de la prostate.

Ainsi, 10 à 12 prélèvements sont effectués en première intention, étagés de la base à l’apex

de la glande et dirigés vers la zone périphérique ou toute zone suspecte à l’échographie (Rozet

et al., 2016).

Les fragments de prostate sont ensuite analysés au microscope par un

anatomo-pathologiste. Cet examen permet de déterminer le type histologique de CaP mais aussi son

grade par la classification TNM (Tumor, Metastasis, Node), le score de Gleason ou encore la

classification d’Amico.

La classification TNM est le plus ancien facteur pronostique validé. Elle tient compte

de la taille de la tumeur, de son extension extracapsulaire, de l’atteinte ganglionnaire et de la

présence de métastases (Yarbro et al., 1999).

Le score de Gleason, reconnu internationalement, a été défini en 1966 puis revu en

2005 et en 2014. Il définit 5 grades histologiques en fonction de la différenciation des tumeurs

et permet d’attribuer un indice composite dont la valeur est obtenue en additionnant le grade

des 2 territoires les plus représentés. Il permet de rendre compte de l’architecture de la glande

dans laquelle coexistent plusieurs foyers tumoraux d’évolution différente et à des stades de

différenciation distincts (Figure 31) (Epstein et al., 2005; Gleason, 1966; Harnden et al., 2007).

En 2014, le classement des tumeurs prostatiques par le score de Gleason a été débattu au

cours de la conférence consensus de la société internationale des pathologies urologiques et

les bases d’une nouvelle stratégie de classification ont été développées. Cette nouvelle

stratification tend à mieux rendre compte du risque des tumeurs et discrimine ainsi 5 groupes

de CaP en fonction de leur indice composite de Gleason. Cette stratégie a été validée par

l’organisation mondiale de la santé en 2016 (Epstein et al., 2016 a and b).

Figure 31 : Représentation des différents scores de Gleason.

Le grade 1 correspond à des glandes de petites tailles, uniformes et bien différenciées. Le grade

2 caractérise des glandes arrondies mais plus dispersées et aux bords mal définis. Des glandes

simples de taille, de forme et d’espacement variés mais aussi des massifs épithéliaux cribiformes

ou papillaires sont regroupés dans le grade 3. Le grade 4 est caractérisé par la présence de

glandes fusionnées et de cellules claires. Le grade 5 ne présente plus de structures glandulaires,

la masse tumorale y est indifférenciée. (d’après Harnden et al., 2007)

La classification d’Amico permet de guider la prise en charge thérapeutique des

patients en les ségrégant dans différents groupes à risque. Initialement, elle englobait les

facteurs multiples du dosage du PSA, du score de Gleason et du stade TNM. Depuis peu, elle

intègre d’autres paramètres cliniques tels que le pourcentage de biopsies positives par

exemple (Kattan, 2003).

d. Imagerie à résonance magnétique

L’imagerie à résonance magnétique (IRM) occupe depuis peu une place importante au

cœur du diagnostic du CaP. Bien qu’elle ne fasse pas partie des recommandations officielles,

elle est prescrite par la moitié des urologues français en amont de la réalisation des biopsies

(Renard-Penna et al., 2016). Elle permet d’apporter des précisions quant au volume de la

tumeur et aux caractéristiques des zones suspectes de manière plus précise que

l’échographie. Les images peuvent ainsi être utilisées pour guider le clinicien au cours de la

réalisation des biopsies grâce à des applications logicielles projetant l’IRM en 3 dimensions

sur l’écran de guidage de l’échographie. De plus, grâce à sa bonne valeur prédictive négative,

l’IRM permet également d’éviter les prélèvements sur de nombreux patients. Les résultats de

l’essai randomisé PRECISION appuient l’efficacité de l’IRM systématique avant une première

série de biopsies pour une meilleure détection des cancers cliniquement significatifs par

rapport à la biopsie standard (Kasivisvanathan et al., 2018).