• Aucun résultat trouvé

Que deviennent-ils ensuite ? du journalisme sans carte à la restauration de vieux gréements, entre élargissement de l’espace professionnel du journalisme et

NTCP 1998 à 18 ans

III. Les sortants de la CCIJP : une diversification des profils de carrière et un élargissement du champ journalistique

2/ Que deviennent-ils ensuite ? du journalisme sans carte à la restauration de vieux gréements, entre élargissement de l’espace professionnel du journalisme et

reconversions différenciées : l’exemple des NTCP 1998.

Pour documenter le devenir de ces sortants, nous avons effectué des recherches systématiques sur les réseaux sociaux professionnels, LinkedIn et Viadeo, et compléter en lançant des recherches directes sur Google. Les sortants de la cohorte 1998 s’y trouvent à environ 65 %, la culture numérique s’étant largement répandue dans le milieu journalistique depuis le début des années 2000.

Les sortants identifiés ont donc quitté les fichiers de la CCIJP pour des destins variés entre « vraies » et « fausses sorties ».

25 Voir aussi : LETEINTURIER Christine (2014), « Communication et carrières des journalistes français : le cas

des refus de la carte de presse 2010 », LES CAHIERS DU JOURNALISME, n°26, printemps/Eté 2014, pp. 116/ 133 (http://www.cahiersdujournalisme.net/cdj/pdf/26/07_LETEINTURIER_TAB.pdf)

61

Tableau 59 : répartition par secteurs d’activité des sortants 1998 après la dernière carte de presse (en %) Sortants diplômés en journalisme Sortants non-diplômés en journalisme Journalisme 27,4 27,1 Hors Média 12,3 9,7 Aucune (retraite/chômage) 11,0 9,7 Edition 9,6 1,4 Communication 8,2 10,4

Audiovisuel (production, réalisation) 8,2 4,2

Médias (hors journalisme) 4,1 2,1

Photo 2,7 9,7

Publicité Marketing 1,4 0,0

Arts graphiques 1,4 2,8

Inconnu 13,7 22,9

(source : CCIJP/IFP)

Le journalisme reste le premier secteur d’activité des sortants : en fait plus du quart des sortants, diplômés et non-diplômés, poursuivent leur activité professionnelle en journalisme, sans la carte de presse. Ils s’inscrivent aussi dans des secteurs proches du journalisme, qui en sont, en quelque sorte, des extensions dans l’univers de la production de contenus variés pour les médias : production – réalisation audiovisuelle, photo, arts graphiques, ou d’autres métiers des médias. Les métiers connexes tels que la communication, la publicité ou l’édition sont également recherchés, mais dans des proportions moindres.

Des différences de choix apparaissent entre diplômés et non-diplômés, au-delà du journalisme. Les diplômés sont plutôt dans l’édition, l’audiovisuel et les médias alors que les non diplômés sont plus nombreux en communication et en photographie. Certains, les chômeurs et retraités, ne sont évidemment dans aucun univers professionnel. Seuls 10 à 12 % des sortants vont s’insérer en dehors de l’espace élargi des médias, et nous verrons qu’ils font alors des choix très variés.

Il faut également examiner leurs statuts professionnels pour comprendre comment ces sortants ont réinvesti d’autres territoires professionnels que celui circonscrit par la CCIJP.

Tableau 60 : répartition par statut professionnel des sortants 1998 après la dernière carte de presse (en %)

Sortants diplômés en

journalisme Sortants non-diplômés en journalisme

Inconnu 13,7 20,1 Salarié 19,2 20,1 Pigiste 12,3 14,6 Travailleur indépendant (Free lance) 19,2 13,2 Entrepreneur 16,4 10,4 Retraité 11,0 11,1 Auteur 4,1 5,6 Intermittent 4,1 4,2

62

Chômeur 0,0 0,7

(source : CCIJP/IFP)

Aux statuts antérieurs, pigistes ou salariés (en CDD ou en CDI), s’en sont ajoutés d’autres, en particulier ceux qui renvoient à des conditions d’exercice autonome de l’activité : entrepreneurs ou travailleurs indépendants. De façon assez paradoxale, certains des sortants ont donc abandonné des positions relativement favorables, le CDI par exemple pour plus d’un tiers des sortants, pour tenter l’autonomie d’action, avec les responsabilités que cela induit26. Là encore, on observe quelques différences entre diplômés en journalisme et non diplômés. Ils sont globalement autant salariés les uns que les autres mais la distribution des autres statuts est plus différenciée. Les diplômés sont plutôt entrepreneurs et travailleurs indépendants, alors que les non-diplômés sont plutôt pigistes.

Quelles sont les activités investies par les 27 « entrepreneurs » ? Cela tient un peu de l’inventaire à la Prévert :

• 6 restent dans le secteur des médias dont 3 dans celui de la production audiovisuelle et 3 dans la presse ;

• 7 s’inscrivent dans le secteur de la communication ; • 2 ont créé une agence de graphisme multimédia ;

• 10 s’inscrivent dans des secteurs très variés largement hors médias : o Organisateur de stages de football,

o Reprise de l’horlogerie Triton à Montbéliard, o Design,

o Constructions en bois,

o Fabrication et vente d’articles de pêches, o Aide à la création artistique,

o Fabrique de sacs et accessoires de mode à Madagascar, o Société de fitness,

o Formation pour adultes,

o Restauration de vieux gréements. 3/ Conclusion

Dans tous les cas, il faut considérer que les sortants, qu’il s’agisse d’une sortie contrainte suite à un licenciement ou à une accumulation de séquences de chômage, ou d’une sortie volontaire sur la base de saisies d’opportunité, prennent le risque, en tous cas pour ceux, non retraités, qui retrouvent une activité. Ils vont y trouver alors sans doute à la fois du travail, mais aussi, pour ceux qui sont sortis volontairement, des formes d’exercice peut-être plus riches, plus intéressantes et une liberté de choix et d’action, une autonomie plus large, donc, en creux, une alternative aux incertitudes de l’emploi journalistique ou une réponse aux insatisfactions professionnelles.

26 Ce phénomène ne touche pas seulement les journalistes français ! Voir l’article « Ruraux d’adoption : l'avant-

garde est dans le pré. Nouvelles vies à la campagne 1/7 . Ils ont quitté la ville pour s’installer dans un environnement rural. A leur manière, ce sont des aventuriers. Aujourd'hui, rencontres avec des artistes et des télétravailleurs en Haute-Loire ». LE MONDE CULTURE ET IDEES | 10.07.2014 à 17h31 • Mis à jour le 13.07.2014 à 16h02 | Par Raphaëlle Rérolle (Brioude, Haute-Loire, envoyée spéciale), sur Lemonde.fr. : « Isabel dirigeait le bureau de l’Agence France-Presse (AFP) pour l’Afrique australe, dix pays en tout, quand elle a mis le cap vers la Haute-Loire. Fini le journalisme, finis les zigzags entre les différents pays où la conduisait son métier. « Je ne trouvais plus dans cette vie ce que je cherchais », se souvient-elle. Depuis quelques années, elle s’était formée au management, puis à la psychothérapie et au coaching d’entreprise. »

63

Ils sont amenés à construire globalement d’autres configurations professionnelles du journalisme, y compris celle de l’exercice régulier du journalisme sans la carte !...

Statutairement, ce déplacement du salariat vers la prestation de service est sans doute encouragé par les entreprises (choix du statut de TPE / microentreprise ou de travailleur indépendant). Mais il peut aussi correspondre au choix d’un mode d’exercice plus indépendant et autonome, assez en phase avec l’individualisme post-moderne.

Au-delà du maintien dans la position acquise lors de la dernière carte, cet élargissement des possibilités d’emploi doit être donc envisagé comme une réponse à une quête plus personnelle de réalisation de soi : JRI et documentaire ou réalisateur ; photographe avec travail d’auteur ; graphistes et SR avec diversification des supports. Ces spécialisations s’y prêtent car elles sont très plastiques, se rencontrant aussi bien dans la presse que dans l’audiovisuel ou sur le web. Pour les SR et les graphistes par exemple, ces modes d’exercice plus souples permettraient ainsi d’échapper à la routinisation liée à l’usage des logiciels et des bibliothèques de style pour atteindre une dimension plus créative et plus humaine.

Le passage par le journalisme encarté serait donc utile pour construire son identité professionnelle, s’inscrire dans le groupe des journalistes légitimes. Ensuite, selon les situations, l’aspiration à une vie professionnelle plus ouverte et plus libre, moins entravée par les règles de la CCIJP en conduirait une partie à s’en affranchir. Sans doute quelque chose de similaire est-il à l’œuvre dès la sortie des formations puisqu’environ 20 à 30 % des diplômés des formations reconnues ne se présente jamais devant la CCIJP.

De plus, les difficultés économiques des médias et le réagencement permanent des marchés publicitaires imposent aussi cette souplesse et cette réactivité à ceux qui souhaitent à la fois durer dans ces métiers mais aussi y voir respecter leur indépendance et leur créativité.

64

Partie 2 :

Les conditions d’entrée et les carrières dans un