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Deuxième partie Le paysage exposé

Dans le document en fr (Page 174-188)

Cette deuxième partie explore la transformation contemporaine du paysage à travers les circulations géographiques et médiatiques de ses images photographiques, en prenant comme points de départ des expositions qui ont eu lieu aux États-Unis, en Italie et en France dans la période 2015-2018. Il s’agit d’un atlas personnel – donc forcément arbitraire et incomplet – qui nous permettra d’enquêter sur les pratiques d’exposition du paysage à travers des cas de redéfinition de catégories esthétiques comme le sublime, de réinterprétation d’œuvres ou d’auteurs connus, et de réactivation de collections ou d’archives non artistiques. La re- contextualisation d’images au sein de nouveaux lieux et récits (les expositions elles-mêmes se pensent souvent comme itinérantes) comporte des modes de consommation différenciés ouvrant parfois sur de nouvelles perspectives et sur une réception par des publics multiples. Qu’il s’agisse de musées nationaux ou de lieux d’art contemporain, de bibliothèques ou d’espaces publics, les expositions sont souvent accompagnées de propositions de médiation et d’approfondissement sous forme de conférences, de projections ou de rencontres.608 Les paysages s’exposent par ailleurs au-delà des frontières géographiques et temporelles, grâce à l’édition de catalogues mais aussi, de plus en plus, à la création d’expositions virtuelles sur internet.

Ma thèse affirme en effet que la circulation du paysage, notamment sous la forme d’expositions, change le sens de sa représentation ; et que la photographie en particulier contribue à faire du paysage un élément de construction des identités culturelles. Nous avons déjà mis en évidence, dans la première partie, que la circulation des images de paysages marque un tournant dans la construction des imaginaires nationaux. À travers la documentation de monuments, d’architectures et de lieux historiques (surtout en Europe) ainsi que de zones de nature sauvage ou des effets de leur exploitation (surtout aux États-Unis), la photographie contribue à la création des archives des nations et donc à la « stabilisation » de leurs identités visuelles dès la deuxième partie du XIXe siècle. La diffusion de paysages photographiques à travers les magazines (nous avons vu en particulier l’exemple du National Geographic) ou de formes de consommation populaires comme les vues stéréoscopiques et plus tard les cartes postales, participe à la

608 Par exemple celles qui ont eu lieu dans le cadre des deux expositions américaines Life and times on NM route 66

et Route 66: radiance, rust, and revival on the mother road, ou les rencontres de l’exposition italienne Il sorpasso.

promotion touristique des territoires alors même que certains photographes demandent leur protection ou leur conservation.

Il s’agit dans cette deuxième partie d’interroger à nouveau, cette fois à partir de cas contemporains d’exposition du paysage, le rôle de la photographie dans la définition des identités visuelles. Entre intericonicités et regards croisés, le point de vue ne sera plus tant celui des oppositions nationales que de celui des héritages, des influences ou des échanges culturels. En passant du XIXe au XXe siècle, les directions des regards se trouvent en partie inversées : aux réactions américaines à des modèles paysagers européens souvent précédemment adoptés, succèdent les réponses européennes au développement de certaines pratiques américaines des images. Cette évolution se déroule en parallèle à l’intensification de la circulation des images et à l’accélération de la transformation des territoires. Deux aspects récurrents dans les prochains chapitres se révèlent particulièrement importants pour l’évolution du concept de paysage à travers son exposition : d’une part le rapport de plus en plus intense, surtout à partir de l’après-guerre, entre images fixes et images en mouvement (paysages photographiques iconiques et imaginaires cinématographiques, voire ensuite télévisuels) ; d’autre part le rôle documentaire de la photographie pour des projets géographiques, architecturaux ou urbanistiques, en particulier dans le contexte de missions ou d’enquêtes à partir des années 1980, souvent matérialisés à travers des expositions.

Avant d’aborder les trois prochains chapitres à visée géographique, nous allons brièvement donner une perspective historique sur le rôle de l’exposition photographique du paysage. Il s’agit notamment de souligner son rôle dans la définition des identités nationales à partir de la deuxième moitié du XIXe et des premières décennies du XXe siècle, jusqu’à des cas et pratiques contemporains qui semblent particulièrement représentatifs à la fois des transformations et des persistances concernant l’exposition photographique du paysage. La photographie est en effet au centre de multiples recherches qui interrogent sa flexibilité, sa légèreté, sa reproductibilité et sa mobilité à travers l’hétérogénéité des formes, des espaces (publics et privés) et des supports qui ont contribué à sa diffusion.609 Dans le contexte d’expositions, les tirages se trouvent confrontés à

d’autres éléments comme des objets ou des textes, qui en influencent tout autant la réception que

personnelle, ou encore la riche programmation en marge de l’exposition Paysages français. Une aventure

les scénographies et les espaces concrets.610 L’exposition du paysage nous permet aussi de suivre le mouvement centrifuge de la photographie et l’expansion de ses pratiques contemporaines.

609 Pour une approche historique et internationale voir Alessandra Mauro, Photoshow: Landmark Exhibitions That Defined the History of Photography (Roma: Contrasto, 2014), pour une interactionniste ou « centrifuge » Olivier

Lugon, Exposition et médias: photographie, cinema et télévision (Lausanne: L’Age d’homme, 2012).

610 Claire-Lise Debluë et Olivier Lugon, « Introduction. Par-delà l’exposition de photographie », dans le deuxième

numéro de la revue « Transbordeur » intitulé Photographie et exposition (Paris : Éditions Macula ; Genève : Association Transbordeur, 2018).

Paris, 1867 – 1919 – 2015

Une photographie de la section des États-Unis à l’Exposition universelle de Paris de 1867 montre la scénographie de la « galerie » numéro II, et comprend l’affichage et les cadrages de photographies de l’Ouest qui contribuèrent à recréer l’image de la nation américaine à l’étranger « as a land of opportunity ».611 On reconnait les paysages de la Yosemite Valley de Carleton E. Watkins (dont on a parlé dans le deuxième chapitre de la première partie de cette thèse), qui présenta aussi des images des arbres de Mariposa.612 En comparaison avec la peinture613 en effet, les photographies de paysages naturels transmettaient une nouvelle « esthétique environnementale » américaine à travers le lien créé entre la qualité technique et l’attrait visuel, la dimension géographique des territoires et les possibilités de leur exploitation économique : « their ability to link economic and aesthetic values ».614

Cette photographie d’une vue de l’exposition américaine est consultable sur internet à travers le projet « Geostereoscope : an interactive cartography of the 1867 Paris World Fair »615 : un zoom arrière nous permet de la localiser sur un plan général de l’Exposition universelle au Champ de Mars qui montre la disposition des différentes sections nationales. « Geostereoscope » est à la fois une base de données interactive et un outil pour visiter cette exposition virtuellement : nous pouvons choisir parmi cinq types de plans généraux, visualiser des photographies et leur angle de prise de vue, les bâtiments, ainsi que d’autres images produites à l’époque comme des dessins, des estampes et des vues stéréoscopiques (à la fois des paysages exposés et des lieux de

611 François Brunet et Jessica Talley, « Exhibiting the West at the Paris Exposition of 1867: Towards a New

American Aesthetic Identity? », Transatlantica. Revue d’études Américaines. American Studies Journal, no 2 (31 décembre 2017), http://journals.openedition.org/transatlantica/11280, p. 2. Voir aussi « Aesthetics and Economics of the American West at the 1867 Paris World Fair » dans le cadre des journées d’études « “The American West: A French Appropriation” at Institut National d’Histoire de l’Art », Terra Foundation for American Art, https://www.terraamericanart.org/what-we-offer/american-art-resources/the-american-west-a-french-appropriation- at-institut-national-dhistoire-de-lart/. Un des objets américains qui attira le plus d’attention est la locomotive-tender « America », rendue iconique aussi par ses abondantes décorations comprenant des paysages peints, qui portèrent à la définir d’après un témoignage « a poem in iron and silver ».

612 28 tirages de grand format de l’Ouest de Carleton E. Watkins étaient exposés. La Californie présentait aussi un

grand nombre de photographies et vues stéréoscopiques de paysages, villes et sites miniers de la Californie et du Nevada.

613 Par exemple Niagara de Frederic Church et Rocky Mountains de Albert Bierstadt (le seul tableau de l’Ouest

présenté).

614 François Brunet et Jessica Talley, « Exhibiting the West at the Paris Exposition of 1867: Towards a New

American Aesthetic Identity? », op. cit., 20.

615 « Geostereoscope : an interactive cartography of the 1867 Paris World Fair. Une cartographie interactive de

l’exposition universelle parisiene de 1867 », https://geostereoscope-expo1867.huma-num.fr/. Il s’agit de la première étape d’un projet qui visait à recréer l’expérience immersive de l’exposition à travers aussi la réalité virtuelle.

l’exposition). Si déjà au XIXe siècle ces images stéréo restituèrent aux amateurs « l’immense bazar »616 où le monde entier avait envoyé ses produits, aujourd’hui les nouvelles possibilités de la numérisation en haute définition et de la cartographie en ligne permettent d’explorer et restituer des données et des images d’archive dans une perspective géographique ou spatiale.617

L’exposition de ces photographies de paysage à Paris en 1867 contribua donc à faire connaître l’Ouest américain à l’étranger, selon un processus comparable (une métonymie de la partie pour le tout) à celui qui avait vu environ trente années auparavant la Hudson River School de la région de New York devenir représentative de la première école « nationale de peinture ». Comme nous l’avons montré dans le deuxième chapitre, il s’agit moins d’une expression « naturelle » de l’identité américaine dans son paysage, que de réactions à des modèles paysagers européens partiellement adoptés et réappropriés. Dans la première partie du XIXe siècle, les États-Unis étaient en effet encore fortement marqués par des modèles esthétiques européens, comparant les paysages des Rocheuses à ceux des Alpes (mis en avant par le sublime européen) et ne voyant pas malice à reproduire en stuc, sur les bords de l’Hudson, de parfaites copies des palais de marbre italiens618, ou encore des piédestaux et des colonnes Corinthiennes sur les rives du Mississippi pendant le « Greek Revival ».619 La deuxième moitié du siècle voit l’émergence d’une culture visuelle américaine, le paysage naturel et sauvage contribuant à la construction et à la défense de l’identité nationale comme on l’a vu. Pourtant, au tournant du XXe siècle la Californie était encore décrite comme la Méditerranée américaine ou l’« Italie des États- Unis ».620 À propos de la « California Midwinter Exposition » de 1894, Carolin Görgen souligne

comment « The attempt to portray San Francisco and its architecturally sophisticated fair venues

616 François Brunet, « Voir et revoir l’exposition en petit volume. La couverture stéréographique de l’Exposition

universelle de 1867 », dans Photographie et exposition, op. cit..

617 Il a également été question du projet « Photogrammar » à la fin du premier chapitre.

618 Géraldine Chouard, « 1840-1900. L’image s’américanise », dans L’Amérique des images, op. cit., p. 76.

619 Projection architecturale des aspirations politiques de la période inspirée du modèle de démocratie grecque. En

particulier, les « Ruins of Windsor » ont été photographiées par Eudora Welty (qui y ajoute son ombre). Voir Géraldine Chouard, « Mississippi : An Odyssey of the In(Di)Visible », Revue Francaise Detudes Americaines no98, no 4 (2003): 79-98, https://www.cairn.info/revue-francaise-d-etudes-americaines-2003-4-page-79.htm, p. 88-90.

620 Carolin Görgen parle de la négociation du paysage et de l’identité californienne sur support photographique à

travers cette tension entre local et national dans son article « Historiens du territoire et de la pratique : les photographes du California Camera Club », dans « Revue Histoire de l’art », n° 80 | Varia. http://blog.apahau.org/revue-histoire-de-lart-n-80-varia-carolin-gorgen-historiens-du-territoire-et-de-la-pratique-les- photographes-du-california-camera-club/.

as ‘the Paris of the West’ led to the emergence of a new image of the Western United States, to which photography was to contribute ».621

De même, si l’Exposition universelle de Paris avait été l’occasion de présenter, à travers les photographies de paysages en particulier, une nouvelle image de l’Ouest américain à l’étranger après la Guerre de Sécession, dans les années 1870 on continuait pourtant de parler, aux États- Unis, de « Suisse américaine »622 à propos du Colorado. Au sujet de la circulation géographique de modèles paysagers à travers la photographie, il est intéressant de remarquer que ce déplacement d’imaginaire depuis la Suisse donne lieu à un transfert sur des paysages grecs lors de la Conférence de paix de Paris en 1919, dans le cadre de l’exposition La Grèce éternelle du photographe suisse Fred Boissonnas. Comme pour les images de l’Ouest à l’exposition universelle de Paris, la qualité formelle et technique de ces photographies était essentielle à leur rôle idéologique (dans ce cas à une promesse de paix et de beauté après le trauma de la guerre).

La Grèce éternelle se proposait comme une invitation au voyage623 et érigeait en particulier le

mont Olympe en symbole, photographié comme les montagnes suisses : l’héliogravure de 1913 intitulé « Pic Vénisélos. Le plus haut sommet de l’Olympe », par exemple, nous le montre partiellement couvert par les nuages, une vue classique du sublime.

Selon Estelle Sohier cette exposition peut être appréhendée comme l’une des étapes de l’élaboration de l’imaginaire de la Grèce sur la scène internationale, un processus déjà fondé sur l’importation d’une image du pays élaborée à l’étranger, et reposant sur une fascination pour l’Antiquité qui faisait d’Athènes le lieu de naissance de l’histoire et le berceau de la civilisation européenne. Cette « création identitaire » se basait donc « sur un transfert de technique et d’imaginaire depuis la Suisse »624, utilisant le paysage comme moyen de construction identitaire nationale.625 La Grèce éternelle témoigne ainsi du « bricolage » visuel des états et de la dimension transnationale de la fabrique de nouvelles visibilités pour imaginer la carte du monde

621 Carolin Görgen, Out here it is different, op. cit., p. 148.

622 Anne Crémieux et Anne Paupe, « Images de l’Ouest : exploration et transformation », dans François Brunet, dir., L’Amérique des images, op. cit., p. 112.

623 Boissonnas propose aussi une vision dynamique des paysages et des ruines en animant les matériaux par des jeux

d’eau et de lumière.

624 Estelle Sohier, « L’éternité en photographie. La Grèce exposée à la Conférence de paix de Paris, 1919 », dans Photographie et exposition, op. cit., p. 72. Voir aussi Estelle Sohier et Nicolas Crispini, Usages du monde, et de la photographie: Fred Boissonnas (Genève: Georg Éditeur, 2013).

625 Organisée en marge de la Conférence, l’exposition abritait aussi une série de réceptions, de conférences, de

projections de lanterne ou de films, devenant ainsi un espace de la diplomatie internationale où le spectateur pouvait être alternativement invité à contempler, lire, écouter ou dialoguer.

au sortir de la guerre. La migration des photographies sur différents supports comme les livres d’art contribua à faire de Fred Boissonnas un « passeur culturel » entre la Grèce, l’Europe et l’Amérique du Nord. La reproductibilité photographique des paysages permet en effet de disséminer, depuis Paris, une culture visuelle mobile d’une portée géographique illimitée : l’exposition fut ensuite montrée à New York et dans différentes villes américaines avant d’être dissoute, les photographies ayant été acquises par différentes universités.626

Nous sommes au début des années 1920 et la trajectoire « du pictorialisme au modernisme » promue par Alfred Stiegltiz peut être considérée comme « accomplie », grâce surtout à l’espace d’exposition de la galerie « 291 », qui a accueilli des artistes de l’avant-garde européenne, et au magazine « Camera Work » (1903-1917). Cette pratique élitiste, qui est devenue aujourd’hui centrale dans l’historiographie de la photographie, était à l’époque minoritaire : tandis qu’Alfred Stieglitz s’efforce de la « purifier », la photographie dans l’entre-deux-guerres « pénètre toutes les couches de la société et devient un medium à la fois populaire et élitiste ».627 Sa production est de plus en plus industrielle et la présence des images devient de plus en plus importante dans l’espace social, grâce aussi au développement des pratiques Kodak et des cartes postales, comme on l’a vu dans le deuxième chapitre. Le tournant du XXe siècle avait en effet été caractérisé par l’expansion simultanée des moyens de production des images, des réseaux de diffusion et des thématiques visuelles, qui s’émancipent des iconographies artistiques traditionnelles.628 Ainsi les gratte-ciels de New York sont photographiés « comme les falaises du Yosemite l’avaient été par Carleton Watkins presque un demi-siècle plut tôt »629, la photographie multiplie et fait circuler

l’image architecturale des villes américaines en forte évolution, contribuant fortement à ériger les paysages urbains en symboles de la grandeur nationale.

La photographie de Alfred Stieglitz The City of Ambition (1910), par exemple, montre la ville américaine de New York comme symbole de la modernité, avec ses cheminées fumantes et ses bâtiments dont la hauteur est soulignée par la verticalité du format précédemment utilisé pour Old and New New York la même année : la représentation de cette « élévation » en cours à travers la

626 Estelle Sohier, « L’éternité en photographie. La Grèce exposée à la Conférence de paix de Paris, 1919 », dans Photographie et exposition, op. cit., p. 75.

627 Jean Kempf, « La photographie communique », dans François Brunet, éd., L’Amérique des images, op. cit., p.

232.

628 François Brunet, « La ‘révolution graphique’ : l’image à l’ère industrielle », dans François Brunet, éd., L’Amérique des images, op. cit., p. 168.

629 Didier Aubert, « 1890-1930. L’Amérique se modernise », dans François Brunet, éd., L’Amérique des images, op. cit., p. 141.

juxtaposition de vieux bâtiments montre, en arrière-plan, le squelette d’un gratte-ciel en construction. Ces deux images, porteuses d’un même message de célébration des architectures nouvelles et d’un même esprit moderniste, figuraient dans Une brève histoire de l’avenir au Louvre à Paris en 2015, exposition pluridisciplinaire qui faisait dialoguer des œuvres insignes du passé avec des créations contemporaines, afin de retracer au présent un récit du passé susceptible d’éclairer notre regard sur le futur.630 Le parcours se déroulait autour de quatre thématiques dont la scénographie a fait l’objet de commandes spécifiques à des artistes contemporains – l’ordonnancement du monde, les grands empires, l’élargissement du monde et le monde contemporain polycentrique – proposant un voyage diachronique à travers civilisations, espaces, et objets.

L’exposition présentait aussi – pour la première fois en France – la série de cinq tableaux intitulée The Course of the Empire (1833-1836) de Thomas Cole dont on a parlé dans le deuxième chapitre, retraçant l’évolution d’une civilisation non précisée depuis ses débuts (« l’état sauvage »), et dans ses stades successifs (« l’état arcadien », « l’apogée », « la destruction »), jusqu’à « la désolation ». Dans ce nouveau contexte, le cycle se retrouve déplacé d’une collection américaine vers un musée international, le Louvre. L’extraction des œuvres de leur contexte ouvre le potentiel d’un dialogue international et permet de toucher de nouveaux publics631 – mais les insère aussi dans un récit plus ample et les confronte à d’autres créations. Le cycle dialoguait ainsi avec l’œuvre spatialement et thématiquement proche de l’artiste contemporain Wael Shawky La Conquista632, mais résonnait aussi avec l’installation de Ai Weiwei, Fondation, qui

occupait la dernière salle de l’exposition : ici l’artiste avait conçu l’environnement comme un forum, proposant sa vision moderne de l’espace de débats démocratique de l’« agora » à partir de

630 L’exposition (visitable du 24 septembre 2015 au 4 janvier 2016) est inspirée du livre éponyme de son conseiller

scientifique Jacques Attali (Paris : Fayard, 2006, nouvelle édition de 2015). Voir aussi https://vimeo.com/140780759 ; https://www.youtube.com/watch?v=pgvPIIwAwvU. Deux autres photographies de Alfred Stieglitz plus tardives sont aussi exposées : les Equivalents montrant des nuages de la moitié des années 1920.

631 Voir en particulier Dominique de Font-Réaulx, « Le musée au cœur de l’avenir », dans Dominique de Font-

Réaulx et Jean de Loisy, Une brève histoire de l’avenir (Paris; Paris: Hazan ; Musée du Louvre, 2015), p. 43-49.

632 Conçue pour l’exposition, elle évoque la chute de la royauté aztèque en réinterprétant le célèbre Paravent de la

conquête de Mexico (Mexico, Museo Franz Mayer) dont un côté décrit le saccage de Mexico et l’attaque de Moctezuma par les Aztèques eux-mêmes, furieux que leur empereur les pousse à se soumettre aux envahisseurs espagnols, et dont l’autre côté montre la cité reconstruite par les conquérants, harmonieuse, couverte d’églises, de jardins et de fontaines, offrant un message de propagande politique… Dans l’œuvre de Wael Shawky, la cité est

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