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La question de l’identité et de la différence

CHAPITRE III : LA PENSEE SPECULATIVE

PARTIE 3 : DEVENIR ET SCIENCE DANS LA LOGIQUE DE HEGEL

2.1. La question de l’identité et de la différence

Parler de dialectique chez Hegel, c’est être ramené à certains concepts clés de ce mouvement. Ainsi, dans ce « mouvement rationnel supérieur » que représente la dialectique, l’absolu s’autoproduit en se révélant au monde comme unité du fini et de l’infini, ou encore selon Hegel comme : « identité (l’infini) et différence (le fini) ». Retenons cependant que si les déterminations ou les catégories de l’identité et de la différence ont leur source dans la logique classique, Hegel en les reprenant « en modifie profondément ou en développe

considérablement les relations mutuelles. Il dialectise ces relations » nous dit Jacques D’Hondt dans Hegel, Textes et débats.

Voyons donc comment avec Hegel et sous le sceau de la pensée dialectique, s’expriment l’identité et la différence. De l’identité, Hegel stipule dans la Science de la logique que « l’essence parait dans elle-même où est réflexion pure, ainsi elle est seulement relation à soi, non pas en tant que relation à soi immédiat, mais en tant que relation à soi réfléchie-identité avec soi ». Ainsi l’identité ramènerait à l’absolu dans sa réflexion immédiate. Pensée très complexe et qui conduit inexorablement au principe dit principe de non-contradiction. André Doz, estime qu’ « en rejoignant l’identité Hegel rejoint aussi les principes d’identité et de contradiction, tout en marquant leurs limites : ces principes isolent l’identité et donc versent dans l’abstraction ». En effet, Hegel constate qu’en considérant les déterminations de l’essence pour elle comme détermination essentielle, on est conduit à les entrevoir comme prédicat d’un sujet présupposé, qui nous oblige à admettre des maximes qui s’expriment comme : « les lois universelles de la pensée » qui poseront comme principe qu’une chose ne saurait être à la fois soi-même et son contraire.

Aux yeux de Hegel, de telles propositions aux yeux de Hegel dérivent, de

« l’entendement abstrait ». Alors qu’une « proposition promet aussi une différence entre sujet et prédicat ».Ce qu’il faut comprendre de ce raisonnement, c’est que Hegel se refuse à cette philosophie qui depuis Aristote fait du principe d’identité, une vérité indubitable et qui trouve sa correspondance dans le principe de la contradiction. Aristote dans Métaphysique, jugeait « impossible que le même prédicat appartienne au même sujet en même temps et selon le même fondement de détermination » (Doz, 1987, p.86). Leibniz reprendra à son compte cette idée en affirmant à son tour que « le grand fondement des mathématiques est le principe de la non contradiction ou de l’identité, c'est-à-dire qu’une énonciation ne saurait être vraie ou fausse en même temps ; qu’ainsi A est A et ne saurait être

non-A » (Ibid). Même avec Kant et Baumgarten, nous retrouvons ce principe sous la pensée suivante « tout ce qui est, est ». Dibi Augustin enseigne que, pour Hegel, « le monde est à comprendre comme la différence que l’Absolu se donne à soi dans la particularité pour donner corps à son identité. La diversité des choses est à saisi comme le résultat d’une participation de soi de l’universel. En un mot, le réel est le fruit de la partition, de la division originaire de l’Absolu. L’Absolu est l’identité, qui s’est déjà toujours résolu à passer dans la différence » (2016, p.14). À travers cette pensée, nous croit le saisir ; l’identité passe dans la différence, dans chacun des relatifs ; la stabilisation, d’ailleurs provisoires, de cette structure instable advient donc par une sorte de fracture, de désagrégation ou de décomposition de l’identité : la différence prend la forme de la diversité » (Doz, 1987, p88). De ce dédoublement de « l’identité par réflexion en soi de chacun des côtés de la différence » se lit le sens profond de l’existence. Il est donc plus que nécessaire de voir en chaque identité subjective une complémentarité « de l’identité à soi de chaque entité et la différence qu’elles ont entre elle ». Dans cet éclatement de l’identité dans une multitude de différence, qui chacune se rapportant à soi comme identité, la question de la contradiction et de l’opposition entrevue par les présocratiques dans le principe d’identité, resurgie.

Jacques D’Hondt, pour sa part, attire l’attention sur le fait que « la dialectique de Hegel ne met pas en péril les prescriptions de la logique traditionnelle ; principe d’identité, principe de non-contradiction, principe du tiers exclu. En revanche, elle conteste le caractère absolu de ces exigences. Il faut bien qu’il y ait une identité pour que la différence se distingue

d’elle et s’y oppose. Mais il faut aussi, pour cela que l’identité ne reste pas fixée une fois pour toute, qu’elle se montre fluide, qu’elle puisse impliquer en elle-même la différence et se transformer en elle, « passer » en elle. Non seulement l’identité, pour Hegel, implique la différence, mais il pousse cette différence jusqu’à la véritable contradiction. L’identité est toujours l’identité de l’identité et de la contradiction » (J.D’Hondt, 1982, p.265).

La réhabilitation logique de la contradiction par Hegel est perçue dans sa pensée comme la condition de tout changement et de toute vie. Sur la place de la contradiction dans la logique existentielle, Hegel juge dans sa logique que « c’est l’un des préjugés fondamentaux de la logique jusqu’alors en vigueur et du représenter habituel que la contradiction ne serait pas une détermination aussi essentielle et immanente que l’identité ; pourtant s’il était question d’ordre hiérarchique et que les deux déterminations étaient à maintenir fermement comme des déterminations séparées, la contradiction serait à prendre pour le plus profond et le plus essentiel. Car, face à elle, l’identité est seulement la détermination de l’immédiat simple, de l’être mort, tandis qu’elle est la racine de tout mouvement et de toute vitalité ; c’est seulement dans la mesure où quelque chose a dans soi-même une contradiction qu’il se meut, à une tendance et une activité » (J.D’Hondt, 1984, p266).

Le philosopher hégélien admet la contradiction comme fondement de tout devenir. Cependant Hegel ne justifie pas n’importe quelle contradiction car « la contradiction est, certes, selon la logique, omniprésente, mais elle est présente dans la mesure où se joue une avancée du concept ». Eu égard à la place qu’accorde Hegel à la contradiction comme : « devenir intégré » qui fonde toute existence, il est clair que l’opposition n’aura sa véritable signification qu’avec le travail du négatif.