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Le Design Emotionnel apparait au travers des travaux menés par Desmet (2002) et Norman et Ortony (2003). Cette approche consiste en l’étude des valeurs émotionnelles des produits, c’est-à-dire de la réaction émotionnelle (peur, joie, dégoût, envie, colère…) d’une personne lors de l’interaction avec un produit. Dans cette approche, tout produit suscite des émotions élémentaires chez les utilisateurs propres à chacun d’entre eux. Le Design Emotionnel a pour but d’évaluer et de définir les émotions que procure le produit à partir de son apparence, son usage ou encore sa manipulation.

Selon Norman (2007), le design d’un produit influence directement le comportement de l’utilisateur. Il soutient que le produit provoque différents types d’émotions catégorisées selon trois niveaux de design comme illustré en Figure 8 :

• Le niveau viscéral correspond aux émotions qui sont interprétées automatiquement. A ce niveau, l’esthétique, les sensations et les sons dominent. Il correspond à la réaction initiale face à l’apparence d’un produit.

• Le niveau comportemental correspond aux émotions liées à l’utilisation du produit. A ce niveau l’apparence ne prédomine plus. La fonctionnalité du produit et sa compréhension sont alors les facteurs influant sur les émotions. Par exemple, les émotions négatives résultent d’une charge cognitive importante liée à une mauvaise compréhension du produit.

• Le niveau réflectif concerne le message, la culture et le sens, l’identité que le produit renvoie à l’utilisateur et aux autres individus (consommateurs ou non). Les émotions comme la fierté sont mentionnées à ce stade. A ce niveau, l’utilisateur est conscient des émotions provoquées et ressenties.

Figure 8 : Les niveaux de Design selon Norman (2007)

Il est intéressant de noter que ces trois niveaux ne sont pas indépendants. Chacun interagit avec celui au-dessus et/ou en dessous engendrant différentes réponses. Une activité initiée au niveau viscéral, c’est-à-dire fondée par la perception, va évoluer vers les niveaux supérieurs. Le terme « bottom up », ascendant en français, est alors employé pour décrire ce phénomène. Dans ce type de phénomène, l’activité commence avec le stimulus lui-même sans interprétation de l’utilisateur suscitant des émotions primaires (Gibson, 1972). La réponse émotionnelle de l’utilisateur se fait alors de manière inconsciente. Au contraire, une activité initiée par le niveau réflectif et évoluant vers le bas est appelée « top-down » (Gregory, 1971). Dans ce cas, les expériences passées de l’utilisateur, sa culture et le contexte dans lequel il se situe valident ou invalident les informations sensorielles perçues, conditionnant les émotions provoquées.

Norman (2007) souligne également que l’utilisateur est conscient de la réponse émotionnelle suscitée par le produit dès le niveau comportemental atteint, c’est-à-dire dès que les aspects d’usage et d’utilisabilité du produit sont expérimentés.

Afin d’évaluer, mesurer et quantifier la réponse émotionnelle, il est recommandé dans un premier temps de connaitre les émotions éprouvées par les utilisateurs. Pour cela, différentes représentations visuelles des émotions que peut éprouver une personne sont observables dans la littérature scientifique. Deux des plus connues sont la roue des émotions proposée par Plutchik et Kellerman (1981) et la roue des émotions proposée par Scherer (2005) issues des domaines de la psychologie et de la théorie de la perception. Dans le modèle de Plutchik et Kellerman (1981), illustré à gauche dans la Figure 9, huit émotions primaires sont présentées (1er cercle), puis huit émotions secondaires (2e cercle) et enfin huit émotions tertiaires (3e cercle). Ce modèle permet d’identifier les émotions que l’utilisateur peut ressentir et d’en esquisser leur intensité. En effet plus l’émotion est proche du centre de la roue (émotions primaires), plus il est facile de la dissocier des émotions voisines. La distinction entre l’ennui et la contrariété est plus difficile que son équivalent à l’étage supérieur le dégoût et la colère. De plus ce modèle permet de connaitre les résultats d’une combinaison d’émotions. Par exemple, une combinaison de joie et d’anticipation forme l’optimisme ou encore acception combinée à appréhension créent la

soumission. Le second modèle (Scherer, 2005) présente quant à lui seize émotions qui peuvent être

évaluées selon leur intensité et leur valence pouvant être positive ou négative. Ce modèle permet d’évaluer l’intensité d’une émotion. Ainsi le premier modèle permet de caractériser une émotion alors que le deuxième permet de mesurer son intensité.

Figure 9 : (à gauche) Roue des émotions développée par Plutchik et Kellerman (1981) et (à droite) Roue des émotions développée par Scherer (2005)

Dans l’approche de Design Emotionnel, Desmet (2002) propose une nouvelle catégorisation des émotions. La classification qu’il propose regroupe quatorze émotions divisées en deux groupes (voir Tableau 1) : les émotions positives et les émotions négatives.

Tableau 1 : Emotions observées dans les travaux de Desmet (2002)

Emotions positives Emotions négatives

Le désir Le dégoût L’espoir La peur La fierté La honte La joie La tristesse L’admiration Le mépris La satisfaction L’insatisfaction La fascination L’ennui

Il utilise ensuite ces 14 émotions au travers d’un outil nommé Product Emotion Measurement instrument interface (PrEMo). Il y associe chaque émotion à une carte sur laquelle correspond une représentation graphique de l’émotion. Cet outil est alors utilisé pour caractériser la réponse émotionnelle de l’utilisateur. En effet, le sujet associe l’émotion qu’il ressent en choisissant la carte correspondante lors de l’évaluation du produit.

En 2009, il présente avec un collaborateur une nouvelle version des représentations graphiques des émotions et propose également d’améliorer l’outil en permettant non seulement de caractériser l’émotion

mais aussi d’évaluer l’intensité de l’émotion en adaptant le modèle de Scherer comme illustré sur la Figure 10 ci-dessous (Caicedo et Desmet, 2009).

Figure 10 : Interface du nouvel outil PrEMo présenté par Caicedo et Desmet (2009)

Ainsi, le Design Emotionnel permet de caractériser l’émotion ressentie par l’utilisateur lors de l’Expérience Utilisateur. Des outils graphiques simples et faciles à mettre en place rendent l’application de cette approche flexible. Néanmoins, cette approche repose sur les émotions d’un individu avec sa propre culture, sa propre histoire et sa propre expérience. Ainsi, un même produit peut susciter une émotion différente selon l’individu.

De plus, cette approche se focalise, à l’instar du Design Sensoriel avec les sens, à un des aspects de la réponse perçue par l’utilisateur lors de l’expérience d’un produit, la réponse émotionnelle (bloc Réponse émotionnelle dans la Figure 7). Le point commun entre le Design Sensoriel et le Design Emotionnel est que ces approches utilisent toutes les deux des outils qui se basent sur une sémantique spécifique respectivement aux sens et aux émotions. Il existe cependant une approche utilisant une sémantique plus « globale » permettant de prendre en compte l’aspect cognitif de la réponse de l’utilisateur lors de l’expérience avec le produit : l’approche sémantique.