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CHAPITRE 3 : Trajectoires professionnelles des immigrés d’Afrique subsaharienne vivant

II. Matériel et méthodes

III.2. Description de l’insertion sur le marché du travail français

III.2.1. La migration rupture des trajectoires professionnelles

La migration introduit une rupture importante dans les trajectoires des individus et notamment au regard de l’activité professionnelle. Les chronogrammes, présentés dans les Figure 10 à 13, montrent la temporalité de l’insertion sur le marché du travail français des personnes qui étaient en emploi un an avant la migration. Il convient de noter que six ans après l’arrivée, l’échantillon est réduit de 30%, en effet ces chronogrammes présentent, chaque année après l’arrivée la répartition sur le marché du travail des personnes qui étaient en emploi avant la migration. Certains individus par exemple, ne sont arrivés en France que depuis trois ans, ils ne sont donc pas représentés 6ans après l’arrivée.

L’année de l’arrivée le taux d’emploi est bas, moins de la moitié des hommes VIH sont en emploi (46.7%) et seulement un tiers des hommes du groupe de référence (36.6%). Parmi les femmes, elles ne sont plus que quatre sur dix en emploi dans le groupe VIH (39%) et le niveau est encore plus bas, pour les femmes du groupe de référence, qui ne sont qu’un quart en emploi (25%). Alors qu’un an avant la migration, ils étaient 43% et 27%, parmi les hommes séropositifs et du groupe de référence, à exercer des professions à statut socio-économique élevé, en France, ils ne sont plus que 11% et 10% respectivement à l’arrivée. Six ans après l’arrivée, la proportion d’hommes exerçant des professions à statut socio-économique élevé sont respectivement de 15% et 16%. Les professions de statut socio-économique bas sont occupées par 59% et 56%, respectivement des hommes immigrés selon le groupe, proportions qui étaient de 27% et 34% un an avant la migration.

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Figure 10: Chronogramme de l’insertion professionnelle sur le marché du travail français des hommes du groupe VIH

Champ : Hommes du groupe VIH, âgés de 18ans ou plus et en emploi un an avant la migration.

Lecture : Les hommes du groupe VIH étaient 30% à exercer un métier de statut socio-économique intermédiaire avant

la migration, six ans après l’arrivée en France ils sont 8%.

Figure 11 : Chronogramme de l’insertion professionnelle sur le marché du travail français des hommes du groupe de référence

Champ : Hommes du groupe de référence, âgés de 18ans ou plus et en emploi un an avant la migration.

Lecture : Les hommes du groupe de référence étaient 39% à exercer un métier de statut socio-économique

intermédiaire avant la migration, six ans après l’arrivée en France ils sont 8%. 27 28 59 30 8 8 43 11 15 18 6 33 11 3 1 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Avt

la migration Année1 Année2 Année3 Année4 Année5 Année6 Année7 Année8 Année9 Année10 En France

Homme Groupe VIH (n=215)

SSE Bas SSE Intérmédiaire SSE Elevé Instabilité prof Inactivité Etudiant

34 20 56 39 7 8 27 10 16 23 13 39 5 2 3 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Avt

la migration Année1 Année2 Année3 Année4 Année5 Année6 Année7 Année8 Année9 Année10 En France

Homme Groupe de référence (n=190)

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Figure 12 : Chronogramme de l’insertion professionnelle sur le marché du travail français des femmes du groupe VIH

Champ : Femmes du groupe VIH, âgées de 18ans ou plus et en emploi un an avant la migration.

Lecture : Les femmes du groupe VIH étaient 42% à exercer un métier de statut socio-économique intermédiaire avant

la migration, six ans après l’arrivée en France elles sont 7%.

Figure 13 : Chronogramme de l’insertion professionnelle sur le marché du travail français des femmes du groupe de référence

Champ : Femmes du groupe de référence, âgées de 18ans ou plus et en emploi un an avant la migration.

Lecture : Les femmes du groupe VIH étaient 38% à exercer un métier de statut socio-économique intermédiaire avant

la migration, six ans après l’arrivée en France elles sont 10%. 24 30 57 42 6 7 35 3 8 13 7 44 20 3 1 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Avt

la migration Année1 Année2 Année3 Année4 Année5 Année6 Année7 Année8 Année9 Année10 En France

Femme Groupe VIH (n=307)

SSE Bas SSE Intérmédiaire SSE Elevé Instabilité prof Inactivité Etudiant

29 15 47 38 3 10 34 7 9 9 9 60 23 6 3 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Avt

la migration Année1 Année2 Année3 Année4 Année5 Année6 Année7 Année8 Année9 Année10 En France

Femme Groupe de référence (n=177)

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Parmi les femmes, concernant la répartition des professions exercées avant et après la migration, la même tendance s’observe, mais de manière plus accentuée. Elles étaient 35% et 34% parmi les femmes séropositives et celles du groupe de référence à exercer des professions à statut socio-économique élevé avant la migration, à l’arrivée elles ne sont plus que 3% et 7% respectivement. Cette proportion ne s’élève ensuite qu’à 8 et 9% respectivement six ans après l’arrivée. Concernant les professions à statut socio-économiques bas, six ans après l’arrivée en France, les femmes sont majoritairement employées dans ce type de professions, 57% et 47% d’entre elles, alors qu’elles n’étaient que 24% parmi les femmes séropositives et 29% parmi les femmes du groupe de référence à exercer ce type de professions avant de migrer.

Les premières années en France sont donc caractérisées par des taux d’inactivité élevés, entre 32,5% et 39% parmi les hommes et 44% et 60% parmi les femmes à l’arrivée en France, mais qui diminuent avec le temps de séjour en France. Ainsi six ans après l’arrivée, 8 hommes sur 10 environ et 7 femmes sur 10 ont retrouvé un emploi. La part des immigrés (parmi ceux qui travaillaient avant la migration) qui commencent des études ou des formations est très faible voire inexistant. L’instabilité professionnelle, caractéristique des premières années se réduit également au cours du temps. L’année de l’arrivée, l’instabilité professionnelle concerne 18% des hommes séropositifs et 23% des hommes du groupe de référence, pour atteindre 6% et 13% respectivement six ans après l’arrivée en France. Les femmes aussi sont concernées par ce phénomène mais dans une moindre mesure, l’instabilité professionnelle durant la première année en France concerne 13% des femmes séropositives et 9% des femmes du groupe de référence.

L’insertion sur le marché du travail français semble légèrement différente, de celles décrites à partir des données de l’enquête MAFE, particulièrement pour les hommes. Dans celle-ci, sur l’insertion des migrants congolais, ghanéens et sénégalais dans différents pays européens, Castagone et coll. montrent que le non emploi touche très peu les hommes et beaucoup plus les femmes à l’arrivée. Les hommes et femmes congolais sont cependant plus touchés par l’inactivité à l’arrivée que les sénégalais. Les femmes congolaises sont, elles, plus à risque de retomber en inactivité même si elles ont commencé à travailler (Castagnone et al. 2013).

137 III.2.2. Professions exercées en France

L’analyse des professions porte sur les personnes en emploi six ans après l’arrivée et qui étaient en emploi avant de migrer.

Parmi les personnes en emploi avant la migration et qui sont toujours en emploi six ans après l’arrivée, on observe chez les hommes comme chez les femmes une forte concentration de l’emploi dans quelques professions. Les hommes sont employés dans le secteur de la sécurité, du nettoyage et du bâtiment (Tableau 13), les femmes quant à elles sont concentrées dans les emplois de ménage, et de services à la personne (garde d’enfants et aide à domicile) (Tableau 14). Cette concentration fait donc apparaître un décalage important entre métiers exercés dans le pays d’origine avant la migration et dans le pays d’accueil. Les hommes séropositifs en emploi en France sont employés pour 30% en tant qu’agent de sécurité alors qu’ils étaient moins de 1% à exercer ce métier avant de migrer. Les « Commerçant et vendeurs », premier métier occupé avant la migration ne représente plus que 2.3% des professions occupées en France. De même pour les hommes du groupe de référence, ils sont un quart à être employé comme « Aides de ménages ou agent d’entretien », alors que ces emplois représentaient un peu moins d’un emploi sur dix avant la migration.

Parmi les femmes, trois secteurs d’emploi concentrent les trois quarts des emplois féminins, les «Aides de ménage et agents d’entretien », les « Aides-soignantes et assimilés » et les «Gardes d’enfants ». Les « Aides de ménages » représentent un peu plus d’un tiers (35%) des femmes séropositives en emploi six ans après l’arrivée, alors qu’elles n’étaient que 8.8% à exercer ce métier avant de partir. Les métiers qui ont pour tâche la garde d’enfant représentent un peu moins d’un quart (23.1%) des emplois des femmes séropositives, elles étaient 4% à exercer ce type de professions avant de migrer. Parmi les femmes du groupe de référence, les premiers métiers exercés en France sont également ceux relatifs au ménage et qui concentrent 39% des emplois des femmes du groupe de référence. Elles étaient 8.3% à exercer ce métier avant de partir. Elles sont une sur cinq à exercer le métier d’ « aide-soignante ou assimilés », professions qui regroupaient moins de 1% des métiers avant la migration.

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Tableau 13 : Les dix métiers les plus représentés avant la migration et six ans après l’arrivée en France, parmi les hommes du groupe VIH et du groupe de référence Professions exercées avant la migration

Groupe VIH (n=215) Groupe de référence (n=190)

ISCO Label sous-groupes % % cumulé ISCO Label sous-groupes % % cumulé 522 Commerçants et vendeurs, magasins 15.8 15.8 522 Commerçants et vendeurs, magasins 16.3 16.3 142 Directeurs et gérants, commerce de détail et de gros 4.8 20.6 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 9.1 25.4 631 Agriculteurs, subsistance 4.5 25.1 631 Agriculteurs, subsistance 7.6 33.0 832 Conducteurs d'automobiles, de camionnettes et de motocycles 3.6 28.7 711 Métiers qualifiés du bâtiment (gros œuvre) et assimilés 7.2 40.2 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 3.6 32.3 833 Conducteurs de poids lourds et d'autobus 4.0 44.2 933 Manœuvres des transports et de l'entreposage 3.6 35.9 951 Travailleurs des petits métiers des rues et assimilés 4.0 48.2 753 Métiers qualifiés de l'habillement et assimilés 2.8 38.7 723 Mécaniciens et réparateurs de machines 3.7 51.9 143 Autres directeurs et gérants 2.7 41.4 832 Conducteurs d'automobiles, de camionnettes et de motocycles 3.0 54.9 611 Agriculteurs et ouvriers qualifiés, cultures commerciales 2.7 44.1 233 Professeurs, enseignement secondaire 2.8 57.7 931 Manœuvres des mines, du bâtiment et des travaux publics 2.6 46.7 952 Vendeurs ambulants (à l'exception de l'alimentation) 2.5 60.2

Professions exercées en France, six ans après l’arrivée

Groupe de VIH (n=135) Groupe de référence (n=88)

ISCO Label sous-groupes % % cumulé ISCO Label sous-groupes % % cumulé 541 Personnel des services de protection et de sécurité 30.4 30.4 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 25.8 25.8 941 Assistants de fabrication de l'alimentation 10.1 40.5 941 Assistants de fabrication de l'alimentation 11.8 37.6 931 Manœuvres des mines, du bâtiment et des travaux publics 9.8 50.3 931 Manœuvres des mines, du bâtiment et des travaux publics 8.8 46.4 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 6.2 56.5 541 Personnel des services de protection et de sécurité 8.5 54.9 713 Ouvriers peintres, ravaleurs de façades et assimilés 3.3 59.8 933 Manœuvres des transports et de l'entreposage 4.5 59.4 421 Guichetiers, encaisseurs et assimilés 2.8 62.6 265 Artistes créateurs et exécutants 4.3 63.7 265 Artistes créateurs et exécutants 2.3 64.9 723 Mécaniciens et réparateurs de machines 4.2 67.9 522 Commerçants et vendeurs, magasins 2.3 67.2 711 Métiers qualifiés du bâtiment (gros œuvre) et assimilés 3.3 71.2 512 Cuisiniers 2.2 69.4 712 Métiers qualifiés du bâtiment (finitions) et assimilés 3.1 74.3 741 Installateurs et réparateurs, équipements électriques 2.1 71.5 932 Manœuvres des industries manufacturières 2.3 76.6

Champ : Hommes âgés de 18ans ou plus et en emploi un an avant la migration (partie supérieure du tableau) et en emploi six ans après l’arrivée en France (partie inférieure du

tableau).

Lecture : Les hommes du groupe VIH sont 15.8% à exercer un métier de « commerçant et vendeurs, magasins» un an avant la migration. Six ans après l’arrivée en France, ils sont

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Tableau 14 : Les dix métiers les plus représentés avant la migration et six ans après l’arrivée en France, parmi les femmes du groupe VIH et du groupe de référence Professions exercées avant la migration

Groupe VIH (n=307) Groupe de référence (n=177)

ISCO Label sous-groupes % % cumulé ISCO Label sous-groupes % %cumulé 522 Commerçants et vendeurs, magasins 25.9 25.9 522 Commerçants et vendeurs, magasins 22.4 22.4 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 8.8 34.7 952 Vendeurs ambulants (à l'exception de l'alimentation) 10.4 32.8 412 Secrétaires (fonctions générales) 6.9 41.6 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 8.3 41.1 514 Coiffeurs, esthéticiens et assimilés 6.1 47.7 412 Secrétaires (fonctions générales) 7.7 48.8 952 Vendeurs ambulants (à l'exception de l'alimentation) 5.3 53.0 951 Travailleurs des petits métiers des rues et assimilés 6.1 54.9 521 Vendeurs sur les marchés et vendeurs ambulants de comestibles 4.7 57.7 753 Métiers qualifiés de l'habillement et assimilés 4.8 59.7 753 Métiers qualifiés de l'habillement et assimilés 4.4 62.1 631 Agriculteurs, subsistance 4.5 64.2 531 Gardes d'enfants et aides-enseignants 4.0 66.1 514 Coiffeurs, esthéticiens et assimilés 3.2 67.4 141 Directeurs et gérants, hôtellerie et restauration 3.0 69.1 234 Instituteurs, enseignement primaire et éducateurs de la petite enfance 2.6 70.0 516 Autre personnel des services directs aux particuliers 3.0 72.1 141 Directeurs et gérants, hôtellerie et restauration 2.5 72.5

Professions exercées six ans après l’arrivée en France

Groupe VIH (n=170) Groupe de référence (n=66)

ISCO Label sous-groupes % % cumulé ISCO Label sous-groupes % %cumulé 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 35.0 35.0 911 Aides de ménage et agents d'entretien à domicile 38.7 38.7 531 Gardes d'enfants et aides-enseignants 23.1 58.1 532 Aides-soignants 20.9 59.6 532 Aides-soignants 17.9 76.0 531 Gardes d'enfants et aides-enseignants 9.8 69.4 412 Secrétaires (fonctions générales) 3.2 79.2 523 Caissiers et billettistes 5.8 75.2 941 Assistants de fabrication de l'alimentation 2.9 82.1 514 Coiffeurs, esthéticiens et assimilés 5.2 80.4 523 Caissiers et billettistes 2.5 84.6 516 Autre personnel des services directs aux particuliers 4.3 84.7 522 Commerçants et vendeurs, magasins 2.2 86.8 941 Assistants de fabrication de l'alimentation 2.5 87.2 334 Secrétaires d'administration et secrétaires spécialisés 1.9 88.7 411 Employés de bureau, fonctions générales 2.3 89.5 933 Manœuvres des transports et de l'entreposage 1.9 90.6 422 Employés chargés d'informer la clientèle 2.3 91.8 513 Serveurs et barmen 1.6 92.2 961 Eboueurs 1.9 93.7

Champ : Femmes âgées de 18ans ou plus et en emploi un an avant la migration (partie supérieure du tableau) et en emploi six ans après l’arrivée en France (partie inférieure du

tableau).

Lecture : Les femmes du groupe VIH sont 25.9% à exercer un métier de « commerçant et vendeurs, magasins» un an avant la migration. Six ans après l’arrivée en France, elles sont

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Ces chiffres ne prennent en compte que les personnes qui étaient en emploi avant la migration et qui sont en France depuis au moins six ans. Ce tableau exclut donc ceux qui sont venus pour des études et qui atteignent des professions plus favorables. Toutefois, nos résultats sont cohérents avec les différentes études ayant analysé la segmentation des emplois selon le sexe et l’origine en France. Si pour les vagues d’immigration plus anciennes (Maghrébins, Espagnol et Italiens) les professions se diversifient l’immigration africaine est très concentrée dans les métiers du nettoyage et de la sécurité pour les hommes, et, pour les femmes, dans les services à la personne (Jolly et al. 2012).

Cette porte d’entrée sur le marché du travail par les métiers des services se retrouve également parmi les migrantes en Espagne, mais moins parmi les hommes. En effet, la bulle immobilière qu’a connue l’Espagne avant la crise de 2008, a alimenté une demande importante de main d’œuvre peu qualifiée dans le secteur du bâtiment et de l’industrie, en faisant les secteurs d’entrée sur le marché du travail espagnol pour les hommes immigrés(Fernández-Macías et al. 2015).