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CHAPITRE I : LE CHANVRE (CANNABIS SATIVA) SOURCE DE COMPOSES A

I.1.1. Description générale de la plante

Le chanvre utilisé de nos jours en Europe désigné par le terme « industriel » ou « à fibres » est une plante contenant de faibles quantités de δ-9-tetrahydrocannabinol (THC) (moins de 0,2 %) (Bouloc 2006). Cette dénomination permet de le différencier du chanvre à semence (CAB des Pays de la Loire 2015).

Actuellement, quarante-sept variétés de chanvre industriel sont d’origine européenne. Ces variétés sont souvent peu adaptées aux régions hors de l’Europe, les conditions climatiques et les latitudes étant différentes de celles existantes en Europe.

Le chanvre industriel compte aussi des variétés originaires de l’Asie de l’Est (Girouard, Mehdi, et Samson, 1999).

a. Caractéristiques botaniques et physiologiques de la plante

Le chanvre est une plante dicotylédone herbacée appartenant à la famille des Cannabaceae. Selon la classification de Cronquist de 1981, cette famille appartient à l’ordre des Urticales, alors que la classification phylogénique Angiosperm Phylogeny Group II (Bremer et al. 2003) la classe dans l’ordre des Rosales. Néanmoins, dans les deux cas, dans la famille des Cannabaceae le genre Cannabis est associé à l’espèce Cannabinus sativa L qui se subdivise en trois sous espèces :

- C. sativa ssp indica (ou chanvre indien) : la forme psychotrope, - C. sativa ssp ruderalis ou « spontanea » : forme dite sauvage,

- C. sativa ssp sativa : variété industrielle, source de fibres et de graines.

Selon (Bouloc 2006), l’espèce Cannabinus sativa L regroupe deux sous espèces : Cannabinus sativa ssp spontanea pour la forme sauvage et Cannabinus sativa ssp culta pour les formes cultivées.

Les caractéristiques morphologiques et physiologiques de la variété industrielle dépendent de la nature de la terre où elle a été cultivée. Il en est de même pour la qualité des fibres, des graines et du tétrahydrocannabinol (THC).

Tableau I.2 : Caractéristiques botaniques de la plante selon la classification APG II

Règne végétal Plante

Embranchement Spermatophytes (plantes à graines)

Sous embranchement Angiosperme (plantes à ovaires)

Classe Dicotylédones

Sous classe Archichlamydées (plantes à pétales séparées)

Ordre Rosales

Famille Cannabacées

Genre Cannabis

Espèce Sativa

Il existe deux types de chanvre industriel (Cannabis sativa ssp sativa) : monoïque (obtenu après amélioration génétique) et dioïque (présent naturellement, constitué d’une population d’individus à caractère mâle ou femelle).

A noter que les variétés originaires de la France sont toutes monoïques (Girouard, Mehdi, et Samson, 1999 ; Bouloc 2006).

La plante peut atteindre plus de trois mètres de haut. Le diamètre moyen de la tige est de 1 à 3 cm. Sa tige est droite, dressée, cannelée et plus ou moins ramifiée. Ses feuilles épineuses ont des bords dentés. Elles sont palmées en 5 à 7 segments inégaux et s’insèrent sur la tige selon une disposition opposée tous les 10 à 30 cm. La plante est caractérisée par de longues et fines fleurs. Elle présente des poils glanduleux qui la rendent odorante et gluante (Anwar, Latif, et Ashraf 2006 ; Bouloc 2006).

C'est seulement durant la dernière phase de croissance, lorsque débute la formation des fleurs, que la détermination du sexe devient possible. Les fleurs femelles (Figure I.4c) se distinguent nettement des fleurs mâles (Figure I.4d).

Les fleurs femelles dépourvues de pétales, se composent de deux longs stigmates blancs, jaunes ou roses. Leur calice, pas plus long que 3-6 mm, enveloppe l’ovaire renfermant un seul ovule. Le calice est complètement entouré d'un carpelle. Les fleurs femelles apparaissent par paire, à l'aisselle de petites feuilles (bractées). Au niveau de ces bractées sont concentrés de nombreux trichomes (poils) glandulaires où s’accumulent les cannabinoïdes dans le cas des variétés riches en THC.

Les fleurs mâles possèdent 5 sépales de quelques 5 mm de longueur, de couleur jaune, blanche ou verte. Elles fleurissent inclinées vers le bas et possèdent 5 étamines longues d'environ 5 mm (Bouloc 2006 ; Botineau 2010).

Figure I.4 : Inflorescence (a) des pieds femelles, (b) des pieds mâles, (c) fleur femelle et (d) fleur mâle (Bouloc 2006 ; Terres Inovia 2015)

Les graines de chanvre sont de forme ovoïde ou sphérique et elles mesurent de 3 à 5 mm de longueur. Chaque graine renferme deux cotylédons riches en substances de réserves (protéines et huile). L’albumen est particulièrement réduit comparé à d’autres espèces végétales (Bouloc 2006).

Figure I.5 : Coupe transversale d’une tige de chanvre (Adaptée de (Correia, Roy, et Goel 2001))

La tige (Figure I.5) se compose d'un cylindre creux comportant le xylème de 1-5 mm d'épaisseur couvert par le cambium de 10-50 µm , le cortex de 100-300 µm, l’épiderme de 20-100 µm et la cuticule de 2-5 µm (Dupeyre et Vignon 1998).

b a

Ecorce de la tige contenant les fibres libériennes

Cœur de la tige (xylème) Moelle

Zone creuse

Figure I.6 : La tige du chanvre (Terres Inovia 2015)

La tige du chanvre peut être divisée en deux principales zones morphologiques :

- les fibres situées à la périphérie de la tige, liées par la lamelle moyenne et disposées en faisceaux. Ces fibres dites primaires se caractérisent par leur longueur, une paroi cellulaire très épaisse et une composition chimique particulière. Elles sont séparées par les cellules du parenchyme cortical riche en pectine et hémicelluloses. En particulier, les fibres contiennent une quantité considérable de cellulose et peu de polysaccharides non cellulosiques, de protéines, et de lignines. Leurs parois secondaires épaisses se caractérisent par la présence de cellulose hautement cristalline (Crônier, Monties, et Chabbert 2005).

- le cœur de la tige (xylème) aussi appelé « chènevotte » ou bois de chanvre constitué de cellules lignifiées, de fibres ligneuses, de vaisseaux et de rayons de cellules (Figure I.7) et qui donne sa résistance à la plante. On assimile ses propriétés à celles du bois dur (Vignon, Garcia-Jaldon, et Dupeyre 1995 ; Crônier, Monties, et Chabbert 2005).

Figure I.7 : Coupe transversale d’une tige de chanvre : mise en évidence des lignines par l’acide phloroglucinol (V : vaisseaux ; F : fibres xylémiennes) (Bouloc 2006)

Les fibres secondaires sont générées à partir du cambium. Elles sont appelées aussi fibres extra- xylémiennes. Ces fibres restent généralement accrochées au bois (chènevotte) lors des procédés de défibrage et elles sont connues sous le nom de « fibres techniques ».

Selon Vignon et al., les fibres d'une tige de chanvre récoltée fin juin se distinguent des « woody fibers » (fibres de bois) constituant la chènevotte par :

- une longueur 10 à 100 fois plus grande, - un même diamètre,

- des cellules de la paroi des fibres 5 à 10 fois plus épaisses.

La Figure I.8 ci-dessous montre l’image des cellules de chènevotte obtenue par microscopie électronique à balayage. Les fibres sont courtes et s’écartent les unes des autres. Celles-ci ont le même diamètre que les fibres du bois dur, mais sont plus courtes avec des parois cellulaires plus fines (Vignon, Garcia-Jaldon, et Dupeyre 1995).

Figure I.8 : Observation de la chènevotte par microscopie électronique à balayage (Barre d’échelle: 100 µm)

De même, d’autres études ont montré que les caractéristiques physiques des « woody fiber » sont très semblables à celles du bois dur et que ces fibres sont considérablement plus longues que celles du bois tendre ou résineux (Correia, Roy, et Goel 2001).

La composition chimique montre que les fibres de chanvre contiennent une plus grande proportion d’holocellulose (plus des deux tiers étant de type alphacellulose) par rapport aux bois durs et tendres. Elles contiennent aussi considérablement moins de lignine (10 %) que le bois dur (20-22 %) et tendre (27-28 %) (Correia, Roy, et Goel 2001).

Au stade de la maturité du grain, l'écorce de la tige contient 4 % de pectines, 4 % d’hémicellulose, 2 % de lignine, et 75 % de cellulose. Les études ont montré que la teneur en cellulose augmente de façon continue avec l'âge de la plante, alors qu’avec l'apparition de la floraison, la proportion en hémicelluloses commence à diminuer contrairement à la proportion de lignine (Toonen et al. 2004 ; Crônier, Monties, et Chabbert 2005).

Lors des années de sa prohibition, la fibre isolée du chanvre était remplacée par d’autre plantes comme le jute, le lin et le bois. Actuellement, elle fait face à la concurrence de multiples matériaux de caractéristiques semblables tels que le lin, la ramie et le jute (Tableau I.3).

Tableau I.3 : Composition chimique de certaines plantes à fibres (en % de la masse totale) (Adapté de Rigal 2015)

Plante Cellulose

Hémice-

lluloses Lignine Pectine Référence Min Max Min Max Min Max Min Max

Tige

Chanvre 59 77 17 (Godin et al.

2010) 4 7 Nd Nd

(Han 1998 ; Struik et al. 2000 ; Godin et al. 2010)

Kénaf 53 (Godin et al.

2010) 18 27 7 8 Nd Nd (Han 1998 ; Godin et al. 2010)

Jute 45 63 18 21 21 26 Nd Nd (Han 1998)

Lin (à

fibre) 45 60 14 27 2 14 1,8 2,3 (Dambroth et Seehuber 1988 ; Han 1998) Lin (à

graine) 43 47 24 26 21 23 Nd Nd (Han 1998)

Ramie 68 87 8 13 0,5 1,3 4-5 5 (Han 1998 ; Pandey 2007)

Bois

Chanvre 40 52 12 30 22 30 5,5 6

(Williams et Wool 2000 ; Kymäläinen et Sjöberg 2008 ; Lips et al. 2009 ; Ross et Mazza 2010 ; Gandolfi et al. 2013)

Kenaf 33 49 14 41 15 25 2-6 6

(Webber, Whitworth, et Dole 1999 ; Finell 2003 ; Ververis et al. 2004 ; Lips et al. 2009 ; Akil et al. 2011)

Jute 41 48 18 22 21 24 Nd Nd (Han 1998)

Lin 34 53 13 26 23 31 5 (Popa et al.

2013)

(Williams et Wool 2000 ; Kymäläinen et Sjöberg 2008 ; Lips et al. 2009 ; del Rio et al. 2011 ; Stevulova et al. 2012 ; Popa et al. 2013)

Fibres

Chanvre 63 92 5 24 3 10 0,9 18

(Dupeyre et Vignon 1998 ; Correia, Roy, et Goel 2001 ; Finell 2003 ; Franck 2005 ; Mwaikambo 2006 ; Taj, Munawar, et Khan 2007 ; Kymäläinen et Sjöberg 2008 ; Yao et

al. 2008 ; Akil et al. 2011 ; Dittenber et

GangaRao 2012 ; Ho et al. 2012 ; John, Thomas, et Clark, 2012 ; Khalil, Bhat, et Yusra 2012)

Kenaf 31 87 15 27 3 23 2 5

(Saikia, Goswami, et Ali 1997 ; Khristova, Bentcheva, et Karar 1998 ; Finell 2003 ; Ververis et al. 2004 ; Franck 2005 ; Mwaikambo 2006 ; Reddy et Yang 2007 ; Taj, Munawar, et Khan 2007 ; Yao et al. 2008 ; Akil et al. 2011 ; Dittenber et GangaRao 2012 ; Ho et al. 2012 ; John, Thomas, et Clark 2012 ; Khalil, Bhat, et Yusra 2012)

Jute 51 84 12 20 5 13 0,2 0,4

(Finell 2003 ; Franck 2005 ; Mwaikambo 2006 ; Taj, Munawar, et Khan 2007 ; Yao et

al. 2008 ; Akil et al. 2011 ; Dittenber et

GangaRao 2012 ; Ho et al. 2012 ; John, Thomas, et Clark 2012 ; Khalil, Bhat, et Yusra 2012 ; Saw, Sarkhel, et Choudhury 2012 ; Fidelis et al. 2013) Lin 60 78 14 21 2 5 2,3 (Taj, Munawar, et Khan 2007 ; Dittenber et GangaRao 2012)

(Finell 2003 ; Franck 2005 ; Mwaikambo 2006 ; Taj, Munawar, et Khan 2007 ; Kymäläinen et Sjöberg 2008 ; Akil et al. 2011 ; del Rio et al. 2011 ; Dittenber et GangaRao 2012 ; Ho et al. 2012; John, Thomas, et Clark, 2012 ; Khalil, Bhat, et Yusra 2012 ; Bourmaud et al. 2013)

Grande

ortie 79 86 10 13 1 4 Nd Nd

(Franck 2005 ; Mwaikambo 2006 ; Taj, Munawar, et Khan 2007 ; Akil et al. 2011 ; Dittenber et GangaRao 2012 ; Ho et al. 2012 ; John, Thomas, et Clark. 2012)

Ramie 69 93 5 17 0,5 1 1 2

(Franck 2005 ; Pandey 2007 ; Taj, Munawar, et Khan 2007 ; Akil et al. 2011 ; Dittenber et GangaRao 2012 ; Ho et al. 2012 ; John, Thomas, et Clark. 2012 ; Khalil, Bhat, et Yusra 2012)

b. Culture du chanvre

Le chanvre représente une excellente culture grâce à sa croissance très rapide ; il est semé en mai (le dernier parmi les cultures de printemps) et récolté en septembre. Il est donc caractérisé par son développement rapide et son cycle cultural court (Annexe 1).

C’est une plante robuste peu exigeante en eau et fertilisants. C’est aussi une plante nettoyante qui couvre rapidement le sol et étouffe toute autre végétation présente. En effet, le chanvre est reconnu comme étant très compétitif aux mauvaises herbes. Il libère le sol tôt (en septembre), laissant une terre, non seulement propre, mais aussi ameublie en profondeur par son système racinaire. Les racines de la plante sont profondes et très ramifiées ce qui permet d’améliorer la structure du sol, d’augmenter sa capacité hydrique et de protéger de l’hydromorphie.

Etant donné qu’aucune maladie ou ravageur ne provoquent de pertes significatives de rendement, la culture ne nécessite aucun traitement phytosanitaire. Ces caractéristiques font du chanvre une plante ne nécessitant que peu de travail en amont de sa culture et pouvant s’adapter à différentes terres (Terres Inovia 2015).

La culture du chanvre s’adapte alors bien au mode de production biologique puisque c’est une plante qui ne demande pas d’entretien en désherbage du fait de sa forte couverture du sol.

Pour la récolte du chanvre, le moment et la procédure diffèrent si l’on vise la production de graines ou de fibres :

- Pour la production de fibres, la récolte s’effectue entre le début et la fin de la floraison à l’aide d’une andaineuse à barre de coupe non rotative.

La qualité de la fibre récoltée quand les graines arrivent à maturité est moindre et impropre à la production de textiles (Girouard, Mehdi, et Samson, 1999). En plus de la date de récolte, la variété de chanvre, la nature du sol, la disponibilité en eau, les épandements (principalement azotés), et la densité de semis sont aussi des facteurs qui influencent les rendements en fibres longues de chanvre. La densité de semi est un facteur déterminant qui entraîne un auto-éclaircissement et donc une perte de rendement, pour une densité de semis supérieure à 45-55 kg de graines par hectare (Abot 2010). - Pour la production de graines, la récolte s’effectue 40 jours après la récolte de la fibre à

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