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2   Cadre théorique : ontologies, Web sémantique et conception centrée sur l’utilisateur 6

2.3   Présentation de l’objet central : l’ontologie 19

2.3.2   Description fonctionnelle d’une ontologie 21

Étymologiquement, la notion d’ontologie remonte à la Grèce antique et désigne une « théorie de l’existence ». Elle est constitutive de ce que l’on appelle communément une « vision du monde » : une reconstruction synthétique du monde qui sert de cadre conceptuel pour interpréter tout ce que l’on pourra en dire (du monde) subséquemment. Et cette fonction de « cadre conceptuel » qu’incarne l’ontologie (dans son sens large) s’offre en tant qu’ordre représentatif nous permettant alors de raisonner sur ce qui existe. La version informatique du concept, qui fut introduite via les recherches en IA, dénote plus précisément une structure taxonomique – augmentée – qui répond au besoin d’expliciter (pour mieux contrôler) le vocabulaire d’un domaine d’application spécifique (voir Figure 8 et Figure 9). Dans son rôle informatique, une ontologie se veut donc une structure conceptuelle formelle qui possède des relations inter-conceptuelles augmentant les relations

conceptuelles d’hyperonymie/hyponymie (classe/sous-classe ; type/instance de type) qui forment son ossature taxonomique (hiérarchie de concepts structurée par la seule relation de type « est un »).

Figure 8 Schéma des rapports de synthèse entre un document, une ontologie et le monde (Extrait de Kiryakov, 2003)

Figure 9 Exemple d’un document annoté par une ontologie sur des faits géopolitiques et corporatifs (Extrait de Kiryakov, 2003)

Dans ce contexte plus formel, comme dit plus tôt, l’ontologie est un élément constitutif de ce que l’on appelle techniquement une « base de connaissances », une sorte de base de

données où tous les champs de noms sont sémantiquement interconnectés entre eux (ce que fait l’ontologie) et sur laquelle un système de règles (de type si-alors) peut reposer pour faire des inférences logiques sur les connaissances qu’elle contient. Ceci permet donc une intercompréhension humain-machine (et machine-machine) accrue puisque l’esprit humain fonctionne sensiblement sur le même principe (interprétation par stéréotypation du monde ; Andler, 2002 ; Fortin et Rousseau, 1989 ; Pinker, 2000 ; Quine, 1977 ; Searle, 1980). En ce sens, le concept informatique d’ontologie est assurément l’une des pièces les plus prometteuses de l’artillerie actuellement mise en place pour mener à terme cette révolution qu’est le web sémantique et ainsi paver la voie pour la venue des «agents intelligents» rêvés par Tim Berners-Lee.

Un exemple concret de ce à quoi pourrait ressembler la notion d’« agent intelligent » de Berners-Lee serait de pouvoir demander à son ordinateur personnel en langage naturel « Achète un billet d’avion le moins cher possible pour un aller-retour Montréal-Lima durant mes prochaines vacances d’été », et que l’ordinateur soit capable d’aller seul sur le Net pour s’acquitter automatiquement de cette tâche. Mais pour ce faire, l’ordinateur devra avoir accès à une certaine connaissance d’arrière plan pour mener à bien l’opération. Une ontologie fait ce genre de travail. Elle pourrait en l’occurrence renseigner la machine qu’« acheter » est une relation entre une « personne » et une « marchandise », que « billet » est justement une sorte de « marchandise » (et donc achetable par une « personne »), que « cher » est une propriété relative au « prix » d’une « marchandise », qu’un « avion » offre des « vols », qu’un « vol » est une sorte de « marchandise » échangeable contre un « billet », qu’un « aller-retour » est une sorte de « vol », qu’un « vol » relie deux ou plusieurs « aéroports », que l’« aéroport » de « Montréal » se nomme « Aéroport international Pierre-Elliot Trudeau », et ainsi de suite… Sur la base de cette connaissance d’arrière-plan, les agents intelligents de l’ordinateur seraient alors habilités à faire de manière autonome toute une série de transactions telles qu’interroger l’agenda de son maître-utilisateur pour identifier la date de ses vacances, repérer et se connecter à des services de voyages en ligne, sonder et comparer les prix, procéder à l’achat de la meilleure

aubaine, consigner les informations sur le vol acheté, ajouter le voyage à l’agenda de l’utilisateur,…

Il est à savoir cependant qu’une telle connaissance d’« arrière plan » que fournit une ontologie n’agit pas dans les faits « derrière », mais en juxtaposition réflexive aux informations qui circulent. D’où la notion introduite plus tôt à l’effet que l’ontologie est une structure de méta-données.

Bien que la notion de métadonnées exploitables par les machines remonte jusqu’aux balbutiements d’Internet, ce n’est qu’aux alentours de 1990, avec l’entrée en scène du World Wide Web et son croisement des concepts d’adresse web (URL) et de langage par balises (HTML) que l’idée d’une « sémantisation » de l’Internet par méta-représentation devint soudainement plus concrète. Dans l’incubateur du W3C (World Wide Web Consortium), le web sémantique se résume en un lot de méthodes (et de standards) orientées vers la modélisation de ressources et de contenus en tout genre. Les ontologies sont une de ces formes de modélisation et s’attardent spécifiquement à la modélisation de connaissances dites déclaratives (ce sont des connaissances sur l’état des choses qui s’expriment avec des propositions que l’on appelle des « faits » ; elles s’opposent – de manière complémentaire – aux connaissances dites procédurales).

Prenons l’exemple (Figure 10) d’un individu qui demanderait à un système d’information (ici un système de gestion de contenu ; CMS) d’avoir de l’information à propos de . Étant équipé d’une ontologie qui possède la connaissance déclarative à l’effet que « est une sorte de », et qu’il se trouve que des documents sont annotés comme traitant de , le système d’information peut inférer que ces documents sont en mesure d’intéresser le requérant et les lui envoyer.

Figure 10 Cas d’utilisation d’une ontologie pour un système de gestion de contenu (tirée de Staab & Studer, 2004)

Enfin, pour donner un portrait un peu plus spectral des divers usages pertinents d’une ontologie, voici ce que Noy et McGuinnes (2007), dans un cahier intitulé Développement d’une ontologie 101, identifient comme étant quelques bonnes raisons de créer et d’utiliser une ontologie :

1) Partager la compréhension commune de la structure de l’information entre les personnes (ou les fabricants de logiciels)

§ Améliore le partage d’information entre plusieurs usagers. Le partage d’une même ontologie par plusieurs systèmes permet à des agents informatiques d’agréger (de déduire) des informations, non nécessairement explicites, pour fournir à un usager une réponse à une question spécifique, ou encore pour servir de données d’entrée pour programme quelconque.

2) Permettre la réutilisation du savoir sur un domaine

§ Améliore la transposition des concepts opérationnalisés d’une étude à l’autre pour un même domaine d’intérêt. Les ontologies peuvent être récupérées, modifiées et/ou fusionnées de sorte à recouvrir de proche en proche de plus vastes domaines de connaissances.

3) Expliciter ce qui est considéré comme implicite sur un domaine

§ Améliore la discussion et l’apprentissage des postulats souvent implicites d’un domaine. Les ontologies rendent claires, et cohérentes, les connexions sémantiques de termes spécialisés liés à un domaine spécifique, souvent implicitement définis.

4) Distinguer le savoir sur un domaine du savoir opérationnel

§ Facilite les processus de configuration des produits de type modulaire. Les ontologies permettent, par la seule explicitation fine des liens sémantiques unissant les composantes et propriétés d’un produit, de générer automatiquement, à l’aide d’un algorithme, le processus d’assemblage répondant aux choix spécifiques d’un client.

5) Analyser le savoir sur un domaine

§ Améliore la rigueur, et l’extensibilité du vocabulaire d’un domaine. Les ontologies permettent de valider la cohérence, d’un point de vue formel, de la structure logique du réseau de connaissances qu’il constitue.(consistance définitionnelle). Elles permettent de greffer, en toute bonne logique, des parties d’autres ontologies connexes. Par auto-évaluation ou par comparaison, elles permettent la détection d’apories11 et/ou de contradictions.