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Description des espèces de Calanus à l’étude dans l’Arctique et le nord-ouest de l’Atlantique

Chapitre 1. Introduction

1.3 Description des espèces de Calanus à l’étude dans l’Arctique et le nord-ouest de l’Atlantique

Les caractéristiques des espèces parentales à l’étude seront décrites afin de pouvoir les comparer avec celles des hybrides dans les chapitres subséquents. Les trois espèces à l’étude sont Calanus

finmarchicus, C. glacialis et C. hyperboreus. Ces dernières présentent des caractéristiques

similaires et distinctes pour différents aspects. Les similitudes ontogéniques entre les espèces seront tout d’abord présentées. Par la suite, les différences entre les espèces aux plans morphologique, génétique et écologique seront décrites pour l’aire d’étude soit de l’Arctique au nord-ouest de l’Atlantique.

1.3.1 Similitudes ontogéniques

Tout d’abord, l’ontogenèse des espèces Calanus pélagiques comporte 13 stades dont un sous la forme d’œuf, six sous la forme larvaire nommés nauplius I à VI (NI à NVI), cinq sous la forme juvénile nommés copépodite I à V (CI à CV) et un sous la forme adulte nommé copépodite VI. C’est généralement durant la métamorphose en stade adulte qu’il y a différenciation sexuelle chez les Calanus.

9 Différentes phases actives et inactives caractérisent le cycle de vie de ces espèces. Elles sont d’abord actives suite à l’éclosion jusqu’à la forme copépodite. La durée de la phase active de développement varie principalement en fonction de l’espèce, de la température et de la biomasse phytoplanctonique (Huntley et Lopez, 1992 ; Campbell et al. 2001). Lorsqu’un certain stade de développement est atteint et que des conditions environnementales sont défavorables au développement, une migration saisonnière vers le fond peut avoir lieu (revu dans Hirche 1996). C’est suite à cette migration saisonnière que la phase inactive débute. Cette phase inactive, nommée diapause, se caractérise par un état léthargique, un métabolisme réduit (environ 15-30% de la période active) et un arrêt d’alimentation (Hirche 1983 ; Hirche 1989 ; Miller et al. 1991). Suite à la phase inactive, les copépodites retournent en surface afin de continuer leur développement. Certaines espèces, telles que C. glacialis et C. hyperboreus, alternent plusieurs fois entre une phase active et inactive afin de compléter leur cycle vital. De plus, le taux de développement (croissance et changement de stades) de C. finmarchicus est positivement lié à la concentration en nourriture et la température (Campbell et al. 2001) et ceci semble le cas chez les autres espèces de calanidés.

Suite à une diapause ou non, les stades CV se métamorphosent en adultes (CVI) afin de se reproduire. Chez les calanidés, les mâles sont généralement plus petits que les femelles. Pour plusieurs espèces de copépodes, il est estimé que cet accouplement se produit généralement en eau profonde (Hayward 1981). D’après Frost (1974), les femelles C. marshallae nouvellement métamorphosées déposent des phéromones sur leur passage, ce qui maximise les chances de rencontrer des mâles. Une fois que les partenaires se sont repérés s’en suit alors une danse nuptiale du mâle, un saut de la femelle au premier contact et une poursuite. Ensuite, le mâle attache un spermatophore à l’urosome de la femelle (Frost 1974), lequel se décharge dans la spermathèque de la femelle. Chez les espèces de Calanus, un seul spermatophore pourrait féconder les œufs d’une femelle pendant 2 à 2,5 mois (Marshall et Orr 1955).

1.3.2 Différences morphologiques

Les liens systématiques entre les espèces de Calanus sont confus à l’aide de la morphologie (Frost 1971 ; 1974 ; Bradford et Jillette 1974 ; Bradford 1988). Il est à noter que contrairement à plusieurs autres espèces de copépodes, le genre Calanus est particulier puisque la morphologie générale de la cinquième paire de pattes ne permet pas de différencier les espèces (Frost 1971 ; 1974).

Parmi les trois espèces à l’étude, il est possible de mieux distinguer certaines espèces sur la base de différents critères. En effet, la présence d’une pointe au cinquième segment thoracique à partir du stade CIV chez C. hyperboreus permet de la distinguer de C. finmarchicus et C. glacialis. Pour C.

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glacialis et C. finmarchicus, il est possible d’observer des différences morphologiques entre ces

espèces aux stades copépodites (Jashnov 1955). À partir du stade CI, la longueur du prosome semble permettre de discriminer ces espèces (Unstad et Tande 1991 ; Hirche 1994). Au stade adulte (CVI), les traits sont le nombre de pores sur l’urosome ainsi que la courbe du basipode de la cinquième paire de pattes.

Ces critères d’identification ne font toutefois pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique. En effet, quelques années après la caractérisation de l’espèce C. glacialis, des études ont montré qu’il existait des phénotypes intermédiaires pour les critères discriminants de C. finmarchicus et C.

glacialis (p. ex. Grainger 1961 ; Jashnov 1972). Frost (1971) montra à l’aide d’une analyse

morphométrique rigoureuse que les mâles de ces espèces avaient des gammes de tailles différentes pour des mesures du basipode de la cinquième paire de pattes. Cette publication, par ailleurs fortement influente, permettait alors de confirmer qu’il existait un isolement reproducteur entre ces deux espèces, et ce, basé sur des critères morphologiques. Frost (1974) publia aussi une deuxième étude montrant à l’aide de figures les différences morphologiques entre les femelles de C.

finmarchicus, C. glacialis et C. marshallae. De plus, des études ultérieures statuèrent à nouveau

qu’il existait une distribution bimodale des classes de taille pour les stades copépodites I à VI (p. ex. Unstad et Tande 1991 ; Hirche 1994). Ainsi, ces dernières études semblaient toutes s’accorder pour conclure qu’il existait bel et bien des différences morphologiques évidentes entre ces espèces. Cependant, lorsque Lindeque revisite le sujet en 2006, elle compare l’identification morphologique à celle génétique et découvre alors qu’il existe un grand chevauchement de la longueur de prosome entre C. finmarchicus et C. glacialis près de l’Angleterre. Elle conclut qu’il ne s’agit pas d’un bon indicateur pour identifier les espèces, et ce, jusqu’au stade CV. Malgré ces derniers résultats, nombreuses sont les études à ce jour utilisant le critère de la taille pour discriminer C. finmarchicus et C. glacialis (p. ex. Bergvik et al. 2012 ; Kwasniewski et al. 2013)

D’autres traits tels que le type de membrane externe des œufs et la couleur des copépodes sont couramment utilisés pour confirmer l’identification des espèces, mais ne sont généralement pas mentionnés dans les publications. Dans le cas de la membrane externe des œufs, il existe un espace entre les membranes externe et interne des œufs de C. glacialis contrairement à ceux de C.

finmarchicus (Knutsen et al. 2001). Cette membrane pourrait réduire la densité des œufs de C. glacialis et ceci permettrait d’éviter le fond pour cette espèce néritique tel qu’observé chez les

euphausiacés (cf. Lindley 1997). Quant au degré de coloration des individus, il est généralement reconnu que C. glacialis est plus rouge que C. finmarchicus. En fait, les antennes, l’appareil buccal et l’urosome sont généralement plus colorés chez C. glacialis (Arctic Ocean Diversity 2013).

11 Cependant, aucune étude quantitative n’a à ce jour évaluer si ce dernier critère est bel et bien discriminant.

La petite différenciation morphologique interspécifique au sein des calanidés est expliquée par une radiation récente (Frost 1974 ; Fleminger et Hulsemann 1977) soit pendant le Pléistocène (2,5 millions d’années). La spéciation au sein des calanidés est généralement expliquée par la présence d’un couvert de glace et le changement des courants qui auraient permis l’isolement géographique et reproducteur entre les espèces durant cette période (Frost 1974 ; Fleminger et Hulsemann 1977).

1.3.3 Divergence génétique

L’utilisation de marqueurs moléculaires a permis de préciser les liens évolutifs entre les différentes espèces de Calanus (Bucklin et al. 1995). En fait, il existe une grande divergence génétique interspécifique (7,3 à 20,4%) pour le gène 16S au sein de ce genre (Bucklin et al. 1995). Grâce à ce marqueur génétique, Bucklin et ses collaborateurs (1995) ont tout d’abord confirmé que l’espèce C.

hyperboreus est monophylétique tel que la morphologie l’indiquait (Frost 1974). Pour les espèces

de l’aire d’étude, la séquence 16S de C. hyperboreus diffère de 19,2% de celle de C. glacialis et de 17,3 à 18,1% de celle de C. finmarchicus. En revanche, celle de C. glacialis diffère de 17,2 à 18,3% de celle de C. finmarchicus (Bucklin et al. 1995). Ensuite, ils ont montré qu’il existe deux groupes d’espèces sœurs au sein des Calanus. Le premier groupe est composé de C. finmarchicus, C.

glacialis et C. marshallae tandis que le deuxième groupe est constitué de C. helgolandicus et C. sinicus.

Paradoxalement aux résultats obtenus par la différentiation morphologique, cette grande divergence génétique observée pour le gène 16S (ADNmt) indique que la divergence du genre Calanus a eu lieu bien avant le Pléistocène (Bucklin et al. 1995). Il semble que le genre Calanus ait divergé des autres calanidés il y a 80 millions d’années (fin du Crétacé supérieur) et les espèces sœurs sont apparues il y a 20 millions d’années (dont C. glacialis et C. finmarchicus).

1.3.4 Différences écologiques

Pour chacune des espèces de Calanus de l’aire d’étude, il sera présenté en premier lieu leur aire de répartition et leur structure de populations et en deuxième lieu la variabilité du cycle de vie dans les différentes régions de l’aire d’étude.

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1.3.4.1 Calanus finmarchicus

L’aire de répartition de C. finmarchicus est limitée au nord par la baie de Baffin et la mer de Barents, et au sud par le cap Hatteras et la Manche (revu dans Shih 1984 ; Helaouët et Beaugrand 2007). Dans cette aire, une absence ou une faible structure génétique des populations a été détectée à l’échelle océanique avec l’aide de marqueurs microsatellites ou de quelques SNP (Provan et al. 2009 ; Unal et Bucklin 2010). Il est peu probable que l’espèce ait subi un accroissement très récent de l’aire de répartition ou de la taille de la population (Provan et al. 2009). Il existerait donc un grand flux génique entre les différentes régions de l’Atlantique.

Au nord de sa répartition, la durée du cycle de vie de C. finmarchicus est plus longue qu’au sud (Conover 1988). Des expériences en laboratoire ont d’ailleurs confirmé que la durée du développement de l’œuf au stade copépodite V est estimée à 56 jours à 4oC et à 22 jours à 12oC

(Campbell et al. 2001). En général, le cycle de vie habituel de C. finmarchicus implique un développement printanier ou estival de l’œuf au stade copépodite V, suivi d’une première migration saisonnière vers le fond afin d’hiverner en diapause et d’une seconde migration vers la surface des femelles pour pondre durant la saison printanière ou estivale suivante. Il s’agit alors d’un cycle de vie d’un an. Au nord de l’aire de répartition, il est possible d’observer une génération par année (Tande 1982 ; Gislason et Astthorsson 1998), tandis qu’à la limite méridionale, il est fréquent d’observer des générations multiples de C. finmarchicus au cours d’une année (p. ex. McLaren et al. 1989 ; Gislason et Astthorsson 1996 ; Michaud et Taggart 2007).

Bien que l’abondance de femelles de C. finmarchicus en surface soit généralement liée à l’abondance de phytoplancton dans l’ensemble de l’aire de répartition de cette espèce, il existe des anomalies dans différentes régions. Par exemple, bien qu’on retrouve cette espèce dans le nord de la mer de Barents et dans l’océan Arctique, aucun recrutement n’est observé (Hirche et Kosobokova 2007). Dans ces régions, C. finmarchicus proviendrait de régions limitrophes (p. ex. la mer du Groenland) où la phénologie du phytoplancton serait plus favorable au recrutement (Hirche et Kosobokova 2007). Dans l’estuaire du Saint-Laurent, la forte abondance de femelles en surface en avril/mai est aussi asynchrone avec la floraison phytoplanctonique. Le faible recrutement observé durant cette période est d’ailleurs expliqué par une faible survie des jeunes stades de vie (Plourde et al. 2009).

1.3.4.2 Calanus glacialis

L’aire de répartition de C. glacialis se trouve le long des milieux côtiers de l’Arctique, du nord du Pacifique et de l’Atlantique. Dans l’Atlantique, la limite méridionale se trouve sur le plateau

13 néoécossais à l’ouest et sur la côte de l’Angleterre à l’est (Jaschnov 1970). Contrairement à C.

finmarchicus, C. glacialis est caractérisé par une structure des populations dans l’ouest de son aire

de répartition. En effet, différents haplotypes mitochondriaux sont documentés dans différentes régions de la mer de Béring du Pacifique à l’Arctique (Nelson et al. 2009).

Dans son aire de répartition, C. glacialis a généralement un cycle de vie de deux ans. Il a ainsi deux périodes de diapause soit une au stade CIV et l’autre au stade CV. Dans certains endroits tels que dans l’ouest du Groenland et dans la mer Blanche, des cycles de respectivement un et trois ans ont été observés (Maclella 1967 ; Kosobokova 1999).

Contrairement à C. finmarchicus, C. glacialis amorce la ponte avant la floraison phytoplanctonique en utilisant principalement ses réserves lipidiques et en s’alimentant grâce aux algues de glace (Smith 1990 ; Hirche et Kattner 1993 ; Kosobokova et Hirche 2001). Cependant, une partie de la population de C. glacialis semble dépendre de la floraison phytoplanctonique pour pondre dans certaines régions (Hirche et Kosobokova 2003). De plus, il a même été noté que dans certains cas, le moment de ponte de C. glacialis varie en fonction de l’abondance de phytoplancton, soit d’avril à août (Hirche 1989 ; Plourde et al. 2005). Cette variation du moment de ponte coïncide généralement avec la fonte de la glace de surface et l’apparition de la floraison phytoplanctonique (revu dans Falk-Petersen et al. 2009). D’ailleurs, le moment de ponte de C. glacialis semble plus hâtif vers le sud de son aire de répartition alors que la glace fond plus tôt (revu dans Falk-Petersen et al. 2009).

1.3.4.3 Calanus hyperboreus

L’aire de répartition de C. hyperboreus est associée aux bassins profonds de l’Arctique, la baie de Baffin, l’est du talus du plateau néoécossais, le détroit de Fram et la mer de Norvège (Conover 1988 ; Sameoto et Herman 1990 ; Hirche et Mumm 1992). Malheureusement, aucune étude n’a caractérisé à ce jour la structure génétique des populations de C. hyperboreus.

La durée du cycle de vie de C. hyperboreus est entre un et cinq ans dans son aire de répartition (Conover 1988 ; Hirche 1997 ; Falk-Petersen et al. 1999 ; Plourde et al. 2003) et semble liée à la disponibilité en nourriture et à la température (Conover 1988 ; Hirche 1997 ; Plourde et al. 2003). Tout comme C. glacialis la durée du cycle de vie semble s’accroitre vers le nord. Ainsi, un cycle de vie d’un an est observé dans le golfe du Maine (Conover 1988) tandis qu’il est entre 3 et 5 ans dans la mer de Barents (Falk-Petersen et al. 1999).

C. hyperboreus pond en eau profonde (Vinogradov 1997) pendant l’hiver entre les mois d’octobre

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2003). Les œufs et les nauplii se développent durant la remontée vers la surface en utilisant leur réserve lipidique. Les nauplii se nourrissent ensuite d’algues de glace ou de phytoplancton. Le stade CIII est le premier stade observé en diapause (Hirche 1997). Suite à la diapause, une seule métamorphose se produit généralement lors de l’été suivant (Hirche 1997 ; Falk-Petersen et al. 2009). Finalement, suite au développement en stade CV et à la migration ontogénique à l’automne, il peut y avoir métamorphose en eau profonde et accouplement de l’hiver au printemps (Hirche 1997). Les femelles C. hyperboreus peuvent retourner en diapause et pondre à nouveau l’année suivante (Plourde et al. 2003).

1.4 Objectifs

Cette thèse a pour objectif général de décrire l’hybridation entre les espèces de C. glacialis et C.

finmarchicus en explorant différentes échelles spatiales et temporelles. Bien que l’hybridation soit

connue entre plusieurs espèces, aucune étude avant cette thèse ne portait sur ce phénomène entre des espèces de zooplancton marin. Cette thèse présente trois chapitres avec des objectifs spécifiques (chapitres 2-4). Au moment du dépôt final, les chapitres 2 et 3 sont publiés.

Le chapitre 2 a pour objectif spécifique d’évaluer le chevauchement de taille entre les espèces C.

hyperboreus, C. glacialis et C. finmarchicus dans l’aire d’étude. De plus, cette étude évalue

l’impact des erreurs d’identification par la taille sur les estimés d’abondance dans deux régions de l’aire d’étude. Par le fait même, cette étude contribue à caractériser à nouveau la zone de sympatrie des deux espèces dans le nord-ouest de l’Atlantique et dans l’Arctique. La caractérisation antérieure remontait à plus de 40 ans (Jashnov 1970).

Le chapitre 3 vise d’une part à détecter la présence des hybrides entre les espèces C. glacialis et C.

finmarchicus et d’autre part à évaluer la variabilité spatiale et temporelle de la fréquence d’hybrides

dans l’aire d’étude. J’ai aussi caractérisé la taille de prosome des espèces parentales et des hybrides chez le stade copépodite V. De plus, différentes hypothèses seront exposées afin d’expliquer la variabilité spatiale et temporelle des fréquences hybrides.

Dans le chapitre 4, j’évalue et compare la phénologie reproductive, la valeur adaptative et le phénotype des femelles adultes de C. glacialis, C. finmarchicus et de leurs hybrides pendant la période de reproduction des espèces parentales dans l’estuaire du Saint-Laurent entre mars et juillet 2010. Ces comparaisons permettront de caractériser pour ces différents aspects les hybrides à une station dans la zone hybride.

15 Le chapitre 5 consiste en un résumé des résultats probants et des limitations de cette thèse ainsi que des perspectives qui en découlent.

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Chapitre 2. Overlapping size ranges of Calanus spp. off the

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