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Description de la stratégie expérimentale développée

La Figure 14 est un organigramme décrivant les étapes clés de la stratégie expérimentale qui a été développée dans ce travail pour la discrimination de modèles.

Figure 14 – Description schématique de la stratégie de discrimination de modèles

La procédure proposée est très proche du schéma classique du processus de modélisation, présenté dans le Chapitre 1 (section I.1.4), sauf que dans le cas présent le travail expérimental est optimisé par la méthode de planification, et l’étape d’analyse de l’estimation des paramètres de modèle est complétée par une étape de discrimination des modèles dont les paramètres ont été estimés.

L’objectif des sections suivantes n’est pas de revenir en détail sur la description de ces étapes (elles ont été présentées dans le chapitre précédent), mais, pour chacune, de donner et de justifier le choix des outils mis en place, parmi l’ensemble des outils reportés dans le Chapitre 1.

I.1 Etape (A1) – Expériences préliminaires

Un travail expérimental préliminaire est souvent nécessaire à la construction des modèles. En effet, même si les connaissances nécessaires à la modélisation du processus étudié peuvent être en grande partie acquises grâce à la littérature, un travail expérimental reste très souvent essentiel pour acquérir les informations complémentaires requises pour le choix de modèles. Ceci est d’autant plus vari lorsqu’une stratégie de discrimination de modèles est mise en place, puisque la proposition de plusieurs modèles est généralement induite par le peu de connaissances disponibles sur le processus étudié.

Un travail expérimental peut être également nécessaire pour mettre en place le protocole expérimental de suivi de la réaction : conditions de prise d’échantillons, trempe du milieu réactionnel, développement des méthodes analytiques, analyse de l’erreur expérimentale, etc. Pour l’acquisition de données cinétiques, il est, par exemple, particulièrement crucial de s’assurer que la méthode de trempe permet de bien « figer » l’état du milieu réactionnel dans son état au temps de prélèvement.

Enfin, une fois le protocole expérimental défini, la réalisation de plusieurs expériences préliminaires est nécessaire à la première estimation des paramètres des modèles (étape B), et à la première itération de la stratégie de discrimination.

I.2 Etape (A2) – Proposition de modèles

La proposition de plusieurs structures de modèles stœchio-cinétiques envisageables résulte de l’analyse du système étudié, de la littérature et des expériences préliminaires. Il est essentiel ici de s’assurer que les propriétés de ces structures permettent l’identification de leurs paramètres, et que les conditions de leur discernabilité sont vérifiées (Cf. section I.2 du Chapitre 1).

I.3 Etape (B) – Estimation des paramètres de modèle

L’estimation (ou identification) des paramètres cinétiques est effectuée à l’aide d’un critère (Chapitre 1, section I.3.1) et d’une méthode d’optimisation (Chapitre 1, section I.3.2).

Le critère de Gauss-Markov, rappelé dans l’équation (86), a été utilisé.

(87)

Où est la variance estimée pour la réponse expérimentale , et est le nombre de réponses expérimentales

Ce critère a été choisi en raison de sa simplicité de calcul, moyennant l’estimation de la variance sur les données expérimentales et de ses propriétés asymptotiques (non-biaisé, efficace).

Pour la méthode d’optimisation, deux méthodes ont été choisies : une méthode hybride lorsque qu’aucune valeur approchée des paramètres cinétiques n’est déjà connue, et une méthode locale dans le cas contraire.

Pour la méthode hybride, un algorithme génétique (méthode globale) a tout d’abord été mis en œuvre pour cibler une population de valeurs des paramètres proche de l’optimum global du critère. Ensuite, un algorithme basé sur la méthode de Levenberg-Marquardt (méthode locale) est utilisé pour converger efficacement vers la solution. Ce dernier algorithme est directement utilisé dans le cas où les paramètres cinétiques ont déjà été pré-estimés.

L’algorithme génétique est la méthode globale la plus utilisée et la plus développée, notamment sous « R » (l’algorithme utilisé dans nos travaux a été construit pas Scrucca (2013)). Quant à la méthode locale (Levenberg-Marquardt), elle est choisie car particulièrement efficace et adaptée aux problèmes d’optimisation de critères des moindres carrés (Ranganathan, 2004), l’algorithme utilisé sous « R » a été construit par Elzhov et al. (2015).

I.4 Etape (C) – Discrimination des modèles

L’étape de discrimination de modèles se base sur l’évaluation de la validité des modèles (Chapitre I, sectionI.3.4). Cette validité est tout d’abord vérifiée graphiquement, en comparant qualitativement les réponses expérimentales et les réponses calculées par les modèles. Ensuite, le critère de Gauss- Markov est utilisé car il permet de mettre en œuvre le test du ² pour évaluer quantitativement le niveau d’adéquation des modèles. Le test est effectué suivant la procédure suivante :

 Calcul du degré de liberté de l’échantillon, défini par l’équation (88):

Où est le nombre de réponses expérimentales, , le nombre d’échantillons de mesure de l’expérience , le nombre d’expériences et le nombre de paramètres du modèle évalué.

 Calcul de l’échantillon de la loi de distribution , avec le degré de liberté calculé précédemment et un niveau de confiance  = 95%.

Un modèle est alors considéré encore valide s’il vérifie la propriété suivante :

( )

Où est la valeur estimée des paramètres, optimisant le critère .

I.5 Etape (D) – Planification expérimentale

De façon similaire à l’étape d’estimation des paramètres des modèles, les outils requis pour l’étape de planification expérimentale sont un critère et une méthode d’optimisation. Les critères de planification expérimentale développés pour la discrimination de modèles ont été présentés en détail dans le chapitre 1, section II.3.

I.5.1 Critère de planification expérimentale

Dans ce travail, deux critères seront utilisés : dans les chapitres 3 et 4 (cas d’étude numérique et expérimental), il s’agira du critère de Buzzi-Ferraris (1983), tandis que dans le chapitre 5 (discrimination du comportement thermique de la réaction), ce sera le critère de Hunter et Reiner (1965).

La méthode de Buzzi-Ferraris a été choisie car elle prend en considération la fiabilité sur les mesures expérimentales et sur la prédiction des modèles. De plus, Donckels et al. (2012) ont montré l’efficacité de ce critère : après un grand nombre de répétitions de leur procédure, ils ont montré que la stratégie aboutissait toujours à la sélection du bon modèle avec le critère de Buzzi-Ferraris. Pour les autres critères étudiés, les taux de réussite étaient de 97% (Hunter et Reiner, 1965), 85% (Hunter et Reiner modifié) et de 89% (critère anticipé).

Le critère de Hunter et Reiner a été retenu dans le Chapitre 5 en raison de sa simplicité de mise en œuvre qui a permis l’adaptation rapide de la stratégie expérimentale à une formulation adimensionnelle des modèles (Cf. chapitre 5).

I.5.2 Stratégie d’optimisation à plus de deux modèles

Nous rappelons que les critères de planification pour la discrimination de modèles comparent et cherchent à différentier au maximum les réponses de deux modèles. Pour les cas ou plus de deux modèles sont en compétition, plusieurs stratégies sont envisageables (Chapitre 1, section II.3.3).

Il a été choisi d’utiliser la stratégie « max » qui consiste à calculer l’ensemble des critères de planification comparant les modèles deux-à-deux, puis à prendre la valeur maximale de ces critères (équation 82).

Cette stratégie « max » est reconnue pour être la plus efficace. En effet, elle permet d’éliminer rapidement les modèles les plus mauvais, et chaque modèle éliminé rapidement est un modèle de moins pris en compte pour la planification de l’expérience suivante.

I.5.3 Méthode d’optimisation

La valeur du critère de planification expérimentale est ensuite optimisée en fonction des variables expérimentales choisies. Puisqu’il n’est pas aisé de déterminer une valeur initiale pour ses variables en vue d’une optimisation locale, une méthode d’optimisation hybride sera utilisée.

L’algorithme d’optimisation globale utilisé est le même algorithme génétique que pour l’estimation des paramètres (Scrucca, 2013). Par contre, l’algorithme d’optimisation locale sera basé sur la méthode BFGS (de Broyden, Fletcher, Goldfarb et Shanno). En effet, la méthode de Levenberg- Marquardt n’est adaptée qu’aux problèmes des moindres carrés, alors que la méthode d’optimisation BFGS, d’utilisation très courante, reste très performante (Byrd et al., 1995; Fletcher, 2013).

I.6 Etape (E) – Expériences

L’expérience planifiée est réalisée si elle apporte suffisamment d’informations pour assurer la discrimination des modèles encore en compétition.

Les données de cette expérience sont ajoutées aux données expérimentales déjà recueillies. Les étapes d’estimation des paramètres et de discrimination de modèles peuvent alors être réitérées avec ces nouvelles informations, normalement optimales pour l’élimination des plus mauvais modèles.

I.7 Arrêt de la procédure

La procédure s’arrête si : un seul modèle est sélectionné, ou si le potentiel de discrimination est trop faible.

I.7.1 Faible potentiel de discrimination

On dira que le potentiel de discrimination est trop faible, lorsque l’expérience optimale trouvée ne permet pas de discriminer parmi les modèles restants. Cela signifie qu’aucune nouvelle expérience ne permettra de différencier ces modèles.

Cela peut-être visualisé qualitativement en comparant graphiquement la prédiction des réponses de l’expérience planifiée, fournie par chacun des modèles restants. Si les profils sont très proches les uns des autres, il est évident que l’expérience ne pourra pas départager ces modèles. Quantitativement, la valeur du critère de planification peut être utilisée : un seuil minimal que doit dépasser la valeur optimale du critère peut alors être proposée. Ainsi, l’expérience planifiée sera considérée non discriminante si le critère associé ne dépasse pas la valeur seuil.

Si finalement plusieurs modèles sont valables dans le domaine expérimental étudié, le choix du modèle sera arrêté en fonction de sa simplicité. La simplicité d’un modèle sera quantifiée simplement via son nombre de paramètres (plus il y a de paramètres plus il sera considéré complexe). Notons qu’il existe aussi des critères de complexité (Chapitre 1, section I.3.1.3), ils se basent d’ailleurs tous, en partie, sur le nombre de paramètre des modèles.

I.7.2 Sélection d’un modèle

Lorsqu’il ne reste plus qu’un seul modèle valide, la stratégie s’arrête puisqu’elle a identifié le modèle qui est le plus à même de décrire le processus expérimental.

Le modèle proposé peut alors être validé directement. Cependant généralement de nouvelles expériences sont nécessaires pour affiner l’estimation des paramètres du modèle sélectionné. Les expériences optimales pour la discrimination de modèles sont en effet rarement les meilleures expériences pour améliorer la précision de l’estimation des paramètres de modèles (Chapitre 1, section II.3.4).

I.8 Travail complémentaire sur le modèle sélectionné

Une fois le meilleur modèle sélectionné, si de nouvelles expériences sont nécessaires pour améliorer la précision des paramètres du modèle, une stratégie de planification expérimentale pour l’estimation des paramètres est adoptée. On parle alors de planification alternée (Cf. chapitre 1, section II.3.4.1).

Il ne s’agit pas de mettre en place une nouvelle stratégie expérimentale complète, mais simplement de planifier une ou deux expériences optimales pour réduire l’incertitude sur les paramètres d’un modèle (Chapitre 1, section II.2.2), par exemple en utilisant la D-optimalité, stratégie la plus courante.

Cette étape nécessite peu de développements supplémentaires, car :

- d’une part, l’optimisation du critère D-optimal peut s’effectuer avec les mêmes méthodes que le critère de Buzzi-Ferraris (algorithmes génétiques puis BFGS)

- et d’autre part, elle ne nécessite pas de calculs supplémentaires, car la D-optimalité se base sur la matrice d’information de Fisher, qui doit de toute façon être calculée pour le critère de Buzzi-Ferraris.