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CHAPITRE 6 TRANSFERTS THERMIQUES AUX PAROIS EN RÉGIME

6.2.2 Description de l’interaction flamme-paroi turbulente

L’interaction flamme-paroi est caractérisée localement en deux points par couplage de fluxmétrie et de PIV résolue dans le temps (5kHz). Ainsi, on peut quantifier précisément les conditions de cette interaction, en vue de la modéliser.

Dans le domaine temporel, la durée des mesures couvre la fin de l’injection, la combustion et une partie de la phase d’interaction gaz brûlés-parois, i.e. environ 75ms. Dans le domaine spatial, les mesures de PIV sont effectuées dans une zone de 7×7mm devant chacun des deux fluxmètres (cf. Fig. 6.8). Les plans transverses (y,z) passant par l’axe des fluxmètres sont étudiés en complément des plans (x,y), bien que l’écoulement soit principalement bidimensionnel (cf. 6.2.1.3), pour accéder localement aux 3 composantes du champ turbulent. Aussi, pour caractériser la turbulence en proche paroi au voisinage des fluxmètres, ces mesures sont réalisées avec un grandissement optique suffisant pour résoudre les structures turbulentes : la zone de 7×7mm est ainsi scrutée par 512×512pixels de 15µm. Injecteurs Fluxmètres + Champs PIV x y z Latéral Central Fluxmètres + Champs PIV Électrodes

Fig. 6.8 : Définition des points de mesures couplées

Le champ de vitesse est ainsi caractérisé en proche paroi devant le fluxmètre central et devant un fluxmètre latéral, dans les plans orthogonaux (x,y) et (y,z). L’ensemble des conditions explorées est synthétisé ci-après (cf. Tab. 6.2). Pour chaque condition est précisé l’instant d’allumage : t*=125ms ou t*=155ms.

Fluxmètre central Fluxmètre latéral

Plan (x, y) Plan (y, z) Plan (x, y) Plan (y, z)

125ms 155ms 125ms 155ms 125ms 155ms 125ms 155ms

Tab. 6.2 : Récapitulatif des conditions explorées

L’écoulement devant les deux fluxmètres est donc entièrement caractérisé. Le fluxmètre central est sans doute le meilleur indicateur du transfert thermique global car l’écoulement est parallèle à sa surface, ce qui donne lieu à un coincement latéral en moyenne. Le fluxmètre latéral est plutôt représentatif des coins de la chambre : il reçoit l’écoulement avec une certaine incidence, et peut être tantôt le siège d’un coincement frontal ou latéral selon la direction instantanée de l’écoulement. Pour illustrer ce phénomène d’intermittence, on reporte l’évolution du champ de vitesse instantané devant le fluxmètre latéral (cf. Fig. 6.9). La direction de l’écoulement oscille dans le temps ; on observe même parfois un point d’arrêt devant le fluxmètre, comme pour t<135,8ms.

L’écoulement moyen devant le fluxmètre central est strictement bidimensionnel, car il appartient au plan de symétrie de l’écoulement global. De ce fait, on reporte seulement son champ de vitesse moyen selon (x,y) au cours du temps (cf. Fig. 6.10), alors que les plans (x,y) et (y,z) sont reportés devant le fluxmètre latéral (cf. Fig. 6.11). Ces résultats montrent que les vitesses sont plus élevées devant le fluxmètre central (20m/s) que devant le fluxmètre latéral (15m/s), qui est quelque peu éloigné de l’écoulement principal. Devant chacun des deux fluxmètres, on retrouve l’effet de la combustion sur le champ de vitesse : les vitesses chutent durant le saut de pression, à partir de t10%=135ms. Enfin, on observe là encore une forte incidence de l’écoulement moyen devant le fluxmètre latéral, pendant et après la combustion. L’écoulement moyen devant le fluxmètre latéral fluctue aussi dans le plan (y,z), mais son intensité reste négligeable devant l’écoulement principal du plan (x,y).

6.2.2.2 Mesures de flux de chaleur pariétal en régime turbulent

Au cours de l’interaction flamme-paroi, la flamme subit un coincement d’origine principalement thermique et cède de la chaleur à la paroi. Cet apport de chaleur entraîne une augmentation locale de la température de surface Tw. Dans les conditions de l’expérience, le saut de température ∆Tw atteint plus de 10K et le flux thermique Qw dépasse 1MW/m² (cf. Fig. 6.12).

Fig. 6.12 : Température de surface et flux thermique pariétal – CH4-air Φ=0,7, t*=125ms

Le flux thermique pariétal reçu par la paroi dépend des conditions aérothermiques du coincement, qui ne sont connues que partiellement. En particulier, l’étirement local du front de flamme, la température des gaz brûlés et la distance de coincement sont des grandeurs de première importance, mais difficiles d’accès. En première approche, les pertes thermiques pariétales sont donc étudiées en fonction de paramètres connus à l’instant du coincement, comme la pression ou l’aérodynamique.

Afin de présenter le comportement des pertes thermiques dans la chambre, on a juxtaposé, pour 16 essais comparables, l’évolution (cf. Fig. 6.13) :

- du flux thermique instantané Qw et de la pression P, pour un essai individuel, - de la moyenne d’ensemble de la pression <P>ensemble et du flux <Qw>ensemble,

- et de la moyenne « phasée » du flux thermique <Qw>phase, calculée en prenant comme origine temporelle l’instant d’apparition du pic de flux.

0 0.5 1 125 150 175 t (ms) P (MPa) Qw (MW/m²) <P>ensemble (MPa) <Qw>ensemble (MW/m²) <Qw>phase (MW/m²)

Fig. 6.13 : Pression et flux mesurés par le fluxmètre central – CH4-air Φ=0,7, t*=125ms

De toute évidence, la moyenne phasée du flux restitue mieux le pic de flux brutal occasionné par l’interaction flamme-paroi ; à l’inverse, la moyenne d’ensemble lisse ce pic de flux, dont l’instant d’apparition est moins répétitif que le signal de pression. Cependant, pour des raisons de cohérence avec les autres paramètres, on appliquera la même moyenne d’ensemble à la pression, au flux thermique et aux caractéristiques de l’écoulement.

À partir des courbes moyennes, on constate que l’évolution « basse–fréquence » du flux thermique dépend principalement de la pression, elle-même représentative de la température moyenne des gaz dans cette enceinte à volume constant. Le signal de flux thermique instantané permet de suivre en temps réel le phénomène d’interaction paroi en régime turbulent. Après la fin de la combustion, le régime d’interaction flamme-paroi laisse place à l’interaction gaz brûlés-flamme-paroi. Le pic de flux dû au coincement de flamme est suivi par de fortes oscillations qui peuvent être dues à l’aérodynamique. Une analyse spectrale par FFT a donc été menée sur le signal de flux pour confirmer l’origine de ces oscillations. La densité spectrale de puissance du signal de flux est représentée en fonction de la période des oscillations de fréquence f (cf. Fig. 6.14).

0.0001 0.001 0.01 0.1 1 0.1 1 10 100 1/f (ms) De nsit é sp ectral e de pu is san ce (u .a .) Flamme-paroi Gaz brûlés-paroi Echelle de coupure Rotation d'ensemble Structures turbulentes

Fig. 6.14 : Spectre du flux mesuré par le fluxmètre central – CH4-air Φ=0,7, t*=125ms

Il apparaît que durant l’interaction flamme-paroi, le spectre présente un maximum local remarquable autour de 1/f=1–2ms. Cela correspond à des pics de flux dont la durée est comparable au temps caractéristique d’interaction flamme-paroi tq. Ces pics de flux peuvent être dus à la présence de structures tourbillonnaires de fréquence 0,5–1kHz. En effet, ces structures cohérentes ont été identifiées numériquement par [Bruneaux, 1996] comme étant responsables des flux les plus importants et des distances de coincement les plus faibles, lors d’une DNS de l’interaction flamme-paroi turbulente dans un canal à pression constante. Le spectre présente aussi un maximum local autour de 1/f=10ms durant l’interaction flamme-paroi, ce qui correspond à la fréquence de rotation de l’écoulement principal : 100Hz.

Ce maximum apparaît aussi autour de 1/f=5–10ms sur le spectre durant l’interaction gaz brûlés-paroi. Comme ce spectre est relativement continu, il existe en plus de l’écoulement principal un ensemble de structures turbulentes dont la fréquence décroît jusqu’à moins de 1kHz. Toutefois, la bande passante du spectre est nettement réduite durant l’interaction gaz brûlés-paroi par rapport à l’interaction flamme-paroi. Ceci est dû à la forte viscosité des gaz brûlés, qui dissipe les grosses structures tourbillonnaires en agitation turbulente.

La comparaison des divers points de fonctionnement montre que l’instant d’arrivée du pic de flux tQw est plus proche du temps de combustion tc pour le fluxmètre

latéral que pour le fluxmètre central (cf. Tab. 6.3), celui-ci étant atteint le premier par la flamme turbulente. À conditions équivalentes, les flux thermiques enregistrés sont plus importants à richesse 1 qu’à 0,7 comme le prévoit la puissance de flamme laminaire de ces mélanges. À richesse identique, les flux thermiques sont plus importants pour t*=125ms que t*=155ms, ce qui rappelle l’influence de l’aérodynamique sur les pertes thermiques.

Φ t* (ms) Pmax (MPa) tc (ms) Qw (MW/m²) tQw (ms) 0,7 125 1,02 15,8 0,91 15,5 0,7 155 0,98 18,4 0,67 17,7 1 125 1,27 6,4 1,43 6,0 Fl ux mètr e centr al 1 155 1,22 9,2 1,40 9,1 0,7 125 1,02 15,8 1,25 15,7 0,7 155 0,98 18,4 1,15 17,9 1 125 1,27 6,4 1,70 6,1 Fluxmètre latéral 1 155 1,22 9,2 1,42 9,1

Tab. 6.3 : Paramètres caractéristiques des pertes thermiques

Enfin, à conditions équivalentes, les flux thermiques mesurés sont plus importants sur le fluxmètre latéral que sur le central : cet effet n’a pas d’explication immédiate, c’est pourquoi une investigation du champ aérodynamique s’impose pour compléter cette étude.