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CHAPITRE 1 SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

1.3 CARACTÉRISATION DES PERTES THERMIQUES DANS LES MOTEURS

1.3.3 Évaluation des flux thermiques dans les moteurs à pistons

Il s’agit de connaître les ordres de grandeur des flux et températures de paroi ainsi que les paramètres qui influencent les pertes thermiques, dans le cas précis des moteurs à combustion interne. Bon nombre de travaux se réfèrent à l’utilisation de fluxmètres de type TFT, constitués d’un thermocouple de surface et éventuellement d’un autre en profondeur. Ce type d’équipement est aujourd’hui l’un des mieux adaptés à la mesure rapide de température de surface, et par suite à la mesure du flux thermique pariétal. La jonction est réalisée par un dépôt de métal dont l’épaisseur, de l’ordre de 1–10µm, conditionne le temps de réponse du capteur. Le temps de réponse de tels capteurs est de l’ordre de 1µs d’après les spécifications constructeur, mais il est rarement possible de vérifier le temps de réponse de tels fluxmètres, dans leurs conditions d’utilisation.

Bilan énergétique d’un moteur à allumage commandé

[Mukai et al., 2003] dressent le bilan énergétique d’un moteur 4 cylindres à allumage commandé, de cylindrée 2L. Les pertes thermiques pariétales sont évaluées via le fluide de refroidissement. Les pertes à l’échappement sont calculées via la température des gaz et l’énergie chimique des imbrûlés via leur composition. Dans l’ensemble des conditions ordinaires, le travail sur l’arbre représente environ 25% de l’énergie produite par combustion. Les pertes par refroidissement représentent environ 40% de l’énergie produite, et décroissent quelque peu à mesure que le régime ou la charge augmentent (cf. Fig. 1.24).

Fig. 1.24 : Influence du régime et de la charge sur le bilan d’énergie [Mukai et al., 2003]

avec Qwork : puissance mécanique sur l’arbre

Qc : puissance thermique de refroidissement

Qcb : puissance thermique de refroidissement sur le bloc moteur Qch : puissance thermique de refroidissement sur la culasse Qex : puissance perdue à l’échappement

Qtemp : puissance thermique des gaz d’échappement Qubc : puissance chimique des imbrûlés

Ces mesures montrent que pour un moteur actuel, les pertes thermiques pariétales sont le premier poste de dépense énergétique avec les pertes à l’échappement. Tempéra ures et flux pariétaux dans les moteurs à allumage commandé t

[Hayes et al., 1993] proposent une étude de l’évolution de la température de paroi dans un moteur 4 cylindres à allumage commandé, injection multipoint et fort taux de swirl. La culasse est aménagée pour accueillir un thermocouple de surface Fe–constantan. La température pariétale moyennée sur le cycle, ainsi que le flux pariétal maximal au centre de la culasse, croissent avec le régime (cf. Fig. 1.25).

Fig. 1.25 : Température et flux maximal au centre de la culasse [Hayes et al., 1993]

Les travaux de [Choi et al., 1997] illustrent le caractère non uniforme du transfert de chaleur aux parois, pour un moteur 4 cylindres à allumage commandé. La culasse, le piston et les soupapes sont munis de thermocouples de surface chromel–alumel. Le flux maximal et la température mesurés au centre de la culasse (cf. Fig. 1.26) sont comparables aux valeurs trouvées par [Hayes et al., 1993]. En effet, à système de combustion semblable, le centre de la culasse perçoit les mêmes pertes thermiques. Les soupapes d’admission, qui cèdent de la chaleur aux gaz frais durant une partie du cycle, ont une température moyenne modérée (≈500K) alors que les soupapes d’échappement, qui reçoivent la chaleur des gaz brûlés, sont portées à haute température (≈1000K). Il en va de même sur la culasse pour chaque espace inter-soupapes.

Fig. 1.26 : Température et flux maximal sur la culasse – 3000tr/min [Choi et al., 1997]

Tempéra ures et flux pariétaux dans les moteurs à allumage par compression t Les flux thermiques observés dans les moteurs Diesel sont a priori supérieurs à ceux des moteurs à allumage commandé. Cela tient en partie au rayonnement des suies, mais aussi aux taux de compression supérieurs propres au cycle Diesel.

[Alkidas et al., 1985] mesurent les pertes thermiques dans un monocylindre Diesel à préchambre sphérique. Un fluxmètre, formé d’un thermocouple de surface et d’un en profondeur, équipe la culasse du monocylindre en son centre. Les flux thermiques atteignent plus de 3MW/m² et la température pariétale 500K (cf. Fig. 1.27).

Fig. 1.27 : Influence du régime sur l'échange thermique [Alkidas et al., 1985]

Ces tendances sont confirmées par [Rakopoulos et al., 2000], qui mesurent les flux thermiques échangés avec la culasse à l’aide de thermocouples TFT dans un monocylindre Diesel à injection directe (cf. Fig. 1.28).

Influence de l’aérodynamique

Dans le cadre d’un moteur à allumage commandé, [Saulnier et al., 1997] étudient l’influence d’un mouvement d’ensemble sur la chaleur cédée à la culasse ainsi qu’à la chemise du cylindre. Les fluxmètres utilisés comprennent deux thermocouples Fe– constantan, l’un en surface, l’autre 6mm en profondeur. La configuration de référence du moteur étudié ne favorise pas de mouvement particulier. Pour obtenir du swirl, une des deux soupapes d’admission est désactivée. Une première intensité de tumble est obtenue à l’aide d’une culasse appropriée. Une intensité de tumble supérieure est obtenue en obturant à demi la section du conduit d’admission. La faible variation de PMI observée d’une aérodynamique à l’autre fait que les flux thermiques moyens sont comparables (cf. Tab. 1.1). L’influence d’une aérodynamique forte se traduit sur la culasse par des flux plus élevés : le surcroît de flux lié au swirl et au tumble atteint respectivement 42% et 97%.

Aérodynamique Référence Swirl Tumble Tumble+

PMI (hPa) 2120 2080 2130 1990

Flux moyen (kW/m²) 106 150 185 209

Tab. 1.1 : Flux moyen sur la culasse – 2000tr/min, Φ=1, [Saulnier et al., 1997]

Le flux thermique est influencé par d’autres paramètres moteurs (cf. Fig. 1.29). Ainsi, une avance à l’allumage plus longue augmente les pertes thermiques, qui interviennent à plus haute pression. Enfin, ces pertes décroissent lorsque la richesse s’éloigne de la stœchiométrie, car l’énergie dégagée est moindre.

Avance à l’allumage Pression d’admission Richesse

Fig. 1.29 : Flux instantané sur la culasse – Aérodynamique de référence, 2000tr/min [Saulnier et al., 1997]

Influence de la préparation du mélange

L’ensemble des transformations subies par le mélange au cours de l’admission et de la compression conditionne l’amplitude des transferts pariétaux. Cette préparation du mélange dépend notamment du système d’injection.

[Kuboyama et al., 2004] étudient l’influence de la granulométrie du spray dans une machine à compression rapide Diesel à injection directe. L’injection commence au PMH, et correspond à un régime de 1200tr/min. Les flux thermiques instantanés sont calculés à partir de thermocouples de surface TFT placés dans le bol du piston. Une caméra rapide permet de connaître la température de flamme par la méthode des deux couleurs. L’influence de la granulométrie est étudiée à l’aide d’injecteurs 10 trous à 0,10mm et 4 trous à 0,15mm (cf. Fig. 1.30). La durée du flux thermique est plus courte pour l’injecteur à 10 trous. Cela s’explique par la granulométrie plus fine des gouttes, qui s’évaporent plus vite. La combustion est ainsi plus précoce et à température supérieure.

Fig. 1.30 : Influence de la granulométrie [Kuboyama et al., 2004]

Influence de l’état de surface des parois

L’influence de l’état de surface des parois a été étudiée par [Tsutsumi et al., 1990] dans un moteur à allumage commandé. L’utilisation de pistons polis jusqu’à une finition « miroir » abaisse la consommation spécifique BSFC (Brake Specific Fuel Consumption), élève la température des gaz brûlés et augmente le couple moteur (cf. Fig. 1.31). Des gains significatifs sont obtenus si les soupapes et la culasse sont polies avec la même finition.

Sur un piston poli, la température de surface est abaissée de 2–5K, ce qui va de pair avec l’augmentation de température des gaz brûlés. En outre, une simulation numérique du problème indique que les pertes de chaleur sont diminuées de 6% environ. Le gain d’efficacité provient donc d’une moindre déperdition de chaleur aux parois.

Fig. 1.31 : Effet du polissage des pistons [Tsutsumi et al., 1990]

Influence de l’isolation des parois

Le concept de moteur à faible rejet de chaleur LHR (Low Heat Rejection engine) fait ainsi l’objet d’investigations particulières. Pour limiter l’échange de chaleur pariétal, une solution consiste à isoler la chambre de combustion à l’aide de céramiques notamment, dont la conductivité thermique est inférieure à celle des métaux habituels.

Le concept LHR semble avantageux si l’on en croît les études numériques de [Nishiwaki & Hagiwara, 1990] ou [Rakopoulos & Mavropoulos, 1999], où un cylindre Diesel est isolé à l’aide d’une couche de zircone ZrO2 ou de nitrure de silicium Si3N4. Toutefois, ce concept se heurte à des phénomènes encore mal maîtrisés. D’une part, les hautes températures atteintes par la couche de céramique ont pour effet de réduire sensiblement le rendement volumétrique lors de l’admission. D’autre part, les gaz adsorbés par la couche de céramique peuvent être désorbés à un instant où leur contribution n’est pas forcément propice au cycle moteur. De ce fait, il n’est pas surprenant d’observer dans la configuration expérimentale de [Tsutsumi et al., 1990] une

augmentation de la consommation spécifique BSFC due à un dépôt de 0,5mm de zircone ZrO2 sur le piston (cf. Fig. 1.32), et ceci quelle que soit la dilution A/F.

Fig. 1.32 : Effet du dépôt de céramique sur la consommation [Tsutsumi et al., 1990]

Des progrès sont donc encore nécessaires pour que le concept LHR se traduise par des gains de performances qui ne pénalisent pas la consommation.

Synthèse sur les cond tions thermiques aux parois i

Dans les moteurs à pistons, les transferts thermiques pariétaux ont lieu entre une paroi dont la température avoisine 400–500K et des gaz brûlés dont la température au PMH excède 2000K. La couche limite thermique résultant de ce gradient de température est de l’ordre de 0,25mm. Les flux thermiques pariétaux relevés autour de 1000tr/min sur des moteurs de recherche sont supérieurs à 1MW/m², et augmentent avec le régime et la charge. Un saut de température pariétale d’environ 10–15K est occasionné par l’échange thermique. Les pertes thermiques aux parois représentent plus d’un tiers du bilan énergétique d’un moteur. L’isolation des cylindres par céramique réduit cette proportion mais les gaz d’échappement sont plus chauds, de sorte que le rendement diminue.

Les conditions des transferts thermiques pariétaux dans les chambres de combustion des moteurs sont donc à présent identifiées. Les principaux paramètres qui augmentent le flux cédé aux parois sont entre autres : la pression (la charge), la température des gaz, la vitesse des gaz (le régime moteur) et la turbulence. C’est l’influence de tels paramètres que l’on souhaite retrouver dans un modèle de pertes thermiques utilisable pour la simulation numérique.