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3. Démarche méthodologique

3.2 Description du corpus de la recherche

Notre terrain de recherche a été supervisé par l’agence Impact Communication International – Ici Bénin. Fondée en 2008 et située à Cotonou, l’agence a entre autres pour vocation d’aider les Béninois à tirer le meilleur parti des TIC. Elle entretient notamment des liens avec des coopératives de femmes utilisant les TIC dans leurs activités quotidiennes. Ces coopératives sont localisées dans Cotonou même ou dans certaines communautés rurales situées à quelques kilomètres de la métropole. Tel que formulé dans la définition du problème spécifique et de l’objectif de recherche au chapitre I, notre projet de recherche a consisté en une série d’entretiens semi-dirigés6 avec des Béninoises âgées de 18 à 35 ans, mobilisées au sein de coopératives et se servant des TIC au quotidien. Voilà pourquoi nous avons pris contact avec Impact Communication International – Ici Bénin, de manière à ce que son directeur, Paul Kilahounko, puisse nous mettre en lien avec les femmes des coopératives sélectionnées pour notre étude de cas.

Par ailleurs, si nous avons choisi d’interroger des Béninoises issues de coopératives, c’est parce que ces associations de femmes sont reconnues pour favoriser l’accès aux outils technologiques et offrir des formations pour pallier le manque de compétences en matière de TIC (Vicentia, 2008). Comme les femmes sont trois fois moins enclines que les hommes à avoir accès à ces technologies et à se les approprier de façon durable, nous étions certaine que les Béninoises des coopératives ciblées avaient accès à l’ordinateur, à Internet et au téléphone portable, les trois TIC sélectionnées pour notre projet. Il n’est bien sûr possible d’étudier ces TIC que dans les zones a priori desservies en infrastructures d’accès, c’est-à-dire principalement en électricité (pour les ordinateurs), en téléphonie fixe (pour Internet) et en relais de téléphonie mobile (pour les cellulaires). Nous avons donc restreint le choix des coopératives à Cotonou, la presque totalité des infrastructures numériques du pays s’y trouvant et l’agence Impact Communication International – Ici Bénin y ayant établi de bons contacts avec de nombreuses coopératives de femmes.

Quatre coopératives représentant des secteurs variés de l’économie béninoise ont ainsi été volontairement ciblées pour effectuer notre collecte de données, soit l’Association des

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femmes restauratrices du Bénin (AFREB), l’Association des femmes commerçantes de tissus wax hollandais et divers (AFECOTID), la Fédération des femmes entrepreneures et femmes d’affaires du Bénin (FEFA-Bénin) et la Coopérative des femmes d’Ekpè. Toutes composées entre autres de femmes âgées de 18 à 35 ans, soit la tranche d’âge la plus susceptible de s’approprier les TIC dans son processus d’autonomisation, les associations sélectionnées bénéficient également d’un accès aux TIC, condition de base pour répondre à la question de recherche (Thioune, 2003b; Buskens et Webb, 2011).

3.2.1 L’Association des femmes restauratrices du Bénin (AFREB)

La grande majorité des micro-entreprises de restauration du Bénin, communément appelées maquis, sont gérées par les femmes. Fondée en 2005, l’AFREB a pour but de valoriser la prise en compte de l’aspect du genre dans le monde associatif du secteur. Comptant dans ses rangs 200 femmes propriétaires de maquis répartis du nord au sud du pays, mais principalement à Cotonou, l’Association offre des séances de formation marketing et informatique gratuites ayant pour but de mieux gérer son restaurant, milite pour l’accès des Béninoises au crédit et amasse des fonds pour la participation à des conférences régionales de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture en Europe et en Amérique. Le comité exécutif de l’AFREB – cinq femmes élues au 1er janvier de chaque année – se rencontre mensuellement afin de veiller au bon déroulement des activités. 3.2.2 L’Association des femmes commerçantes de tissus wax hollandais et divers (AFECOTID)

En Afrique noire, l’industrie du pagne, pièce de tissu rectangulaire fabriquée industriellement avec des cires hydrophobes – wax signifiant cire – dans une inimaginable variété de dessins et de couleurs, génère un marché annuel de plus de 200 millions de dollars (Banque mondiale, 2012). Ce secteur est l’un des principaux employeurs du Bénin. Il englobe trois modes de production : la production industrielle en série, le prêt-à-porter et la confection traditionnelle (tailleurs indépendants et vêtements sur mesure). Les entrepreneurs œuvrant dans le secteur du prêt-à-porter sont surtout des femmes (Coquery- Vidrovitch, 2013). Fondée en 2003, l’AFECOTID compte une centaine de ces entrepreneures, principalement regroupées à Cotonou, Porto-Novo et Parakou, plus grande ville du nord du Bénin. En plus d’aider ses membres à exposer et vendre leurs produits dans

les plus grands marchés d’Afrique de l’Ouest et dans les salons internationaux de mode d’Europe, la coopérative offre des séances de rattrapage informatique tous les deux mois, en alternance à Cotonou et Porto-Novo. Les femmes apprennent notamment à gérer leur budget grâce à Excel et à construire leur propre site Web de manière à ce que leurs créations bénéficient d’une visibilité accrue en Afrique, mais aussi en Occident.

3.2.3 La Fédération des femmes entrepreneures et femmes d’affaires du Bénin (FEFA- Bénin)

Créée en 2009 grâce au financement du PNUD et du Ministère de la Microfinance, de l’Emploi des Jeunes et des Femmes, FEFA-Bénin rassemble plus de 1000 femmes d’affaires à travers le pays. Le regroupement a pour objectif de contribuer à la promotion de l’entreprenariat féminin au niveau local en offrant divers services tels que l’élaboration de plans d’affaires et la mise en relations des entreprises avec les institutions de financement. En ce qui a trait à l’accès aux TIC, FEFA-Bénin dispose à Cotonou d’un centre de ressources, appelé Women Business Promotion Center (WBPC), équipé de 15 ordinateurs connectés à Internet et d’un espace de vidéoconférence. Grâce aux formations hebdomadaires organisées par le conseil d’administration de FEFA-Bénin, le WBPC permet notamment aux membres qui le désirent d’apprendre gratuitement à maîtriser le traitement de texte, à améliorer leur connaissance de l’anglais par vidéoconférence et à concevoir un plan marketing sur Excel.

3.2.4 La Coopérative des femmes d’Ekpè

Réunissant une vingtaine de femmes vivant de l’agriculture, la Coopérative des femmes d’Ekpè, un quartier pauvre de l’est de Cotonou, permet à ses membres d’avoir accès à trois ordinateurs connectés à Internet – moyennant 500 francs CFA7 pour chaque utilisation d’une heure – disponibles dans leur local et de se renseigner sur les prix des aliments et les arrivages de produits par l’intermédiaire du téléphone portable qu’on leur fournit gratuitement. Fondée en 2009, la Coopérative n’a toujours pas accès à l’électricité, les ordinateurs et les cellulaires devant être rechargés par batterie solaire.

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Il est à noter que dans les cas de FEFA-Bénin et de la Coopérative des femmes d’Ekpè, les membres bénéficient d’une salle informatique qui leur est exclusivement réservée et qui est équipée d’une connexion Internet – gratuite pour FEFA-Bénin et payante pour la Coopérative des femmes d’Ekpè. Ces espaces de travail qui ne requièrent pas de pénétrer dans la sphère publique patriarcale se veulent un lieu de refuge et permettent aux femmes qui le désirent de suivre des formations informatiques de base ou avancées qui sont axées sur les besoins de leur emploi et/ou entreprise.

3.2.5 Composition de l’échantillon

Au total, 16 jeunes Béninoises âgées entre 18 et 35 ans et issues des quatre coopératives présentées ci-dessus ont été interrogées par le biais d’entretiens individuels semi-dirigés dans le cadre de notre étude. Trois proviennent de l’AFREB, trois de l’AFECOTID, sept de FEFA-Bénin et trois de la Coopérative des femmes d’Ekpè. N’ayant ni les ressources, ni le temps pour interviewer l’ensemble des jeunes Béninoises des quatre coopératives, nous avons fait le compromis de travailler à partir d’un échantillon non-probabiliste par choix raisonné. Le postulat fondamental sur lequel repose ce type d’échantillonnage est que le chercheur peut faire le tri des cas à inclure dans l’échantillon et ainsi composer un échantillon qui réponde de façon satisfaisante aux besoins de sa recherche (Mace et Pétry, 2000). Notre échantillon a donc été sélectionné de manière à rencontrer des femmes reflétant les différentes caractéristiques des membres des coopératives. Elles ont été choisies sur la base de leur parcours de vie et de leur utilisation des TIC. Ainsi, nous avons interrogé autant de femmes scolarisées qu’analphabètes, autant de femmes œuvrant dans le secteur de la restauration que du commerce et autant de femmes se servant de la totalité des TIC à leur disposition que des femmes se servant seulement du téléphone portable. Il faut noter que les Béninoises interviewées devaient avoir une certaine expérience du téléphone portable, de l’ordinateur et d’Internet, les trois TIC auxquelles nous nous intéressons tout particulièrement dans notre recherche. La façon dont les femmes les utilisaient et se les appropriaient variait cependant considérablement selon le contexte culturel et socio- économique propre à chacune d’elles.

La taille de l’échantillon a quant à elle été déterminée par saturation empirique (Gauthier, 2010). Les 16 entrevues nous permettant déjà d’assurer une pluralité de portraits de

l’utilisation des TIC par ces jeunes Béninoises à un moment précis dans le temps, les données se seraient révélées répétitives au-delà de ce nombre d’entretiens. Si sept entrevues de notre échantillon ont été menées avec des femmes de FEFA-Bénin, c’est en raison du nombre important de membres (plus de 1000) de cette coopérative comparativement aux autres regroupements qui oscillent entre 20 et 200 membres.

Au final, notre corpus se veut représentatif de notre projet de recherche, en ce qu’il permet de clarifier comment les femmes de ces coopératives participent à la vie politique, sociale et économique de leur communauté de par leur utilisation des TIC8.