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Chapitre IV Oscillateur à base de jonction tunnel magnétique

IV.1.2 Description des échantillons

IV.1.2.1 Mesures magnétorésistives à faible courant

L’empilement magnétique que nous étudierons est représenté figure IV.3 (a) et sa composition est la suivante : IrMn (6.1) / CoFe (1.8) / Ru / CoFeB (2) / MgO (0.9) / CoFe (0.5) / CoFeB (3.4), les épaisseurs entre parenthèses sont en nm. La couche de référence est un empilement de deux couches ferromagnétiques couplées de manière anti-parallèle par interaction RKKY (Ruderman-Kittel-Kasuya- Yosida) au travers d’une fine couche de ruthénium. Cette structure est appelée antiferromagnétique synthétique ou SAF (Synthetic AntiFerromagnet). Une couche antiferromagnétique supplémentaire couplée par échange à la couche ferromagnétique inférieure sert à rigidifier le SAF. La barrière de MgO est déposée par pulvérisation. La couche libre est une bi-couche CoFe/CoFeB principalement composée de CoFeB qui présente une plus faible aimantation que le CoFe, ce qui permet d’abaisser le courant critique pour observer la dynamique induite par transfert de spin. Ce type de structure est couramment utilisé pour les têtes de lecture et les MRAM. Nous focaliserons notre étude sur des échantillons de géométrie soit circulaire de 80 et 90 nm de diamètre soit elliptique de dimensions 65x130 nm². (a) -500 0 500 300 400 500 600 4 100 200 300 300 400 500 600 d V /d I ( Ω ) H (Oe) 4.2K 300K -500 0 500 200 300 400 500 600 4.2K 300K H (Oe) LTMR HTMR HTMR d V /d I A P ( Ω ) T (K) LTMR (b) (c)

Fig. IV.3 – (a) Schéma de l’empilement. (b) et (c) Courbes magnétorésistives pour une géométrie elliptique de 65x130 nm². Mesure à température ambiante (trait fin) et à 4.2 K (trait épais). Echantillon de type HTMR (b) et LTMR (c). (Insert-c) Evolution en température de la résistance de l’état anti-parallèle [80].

Les courbes de magnétorésistance à faible courant (0.05 mA) font apparaître deux familles d’échantillons naturellement présents sur un wafer. La différence entre ces deux familles se fait au niveau des résistances et TMR. Environ deux tiers (64%) des échantillons appartiennent à la catégorie que nous appellerons HTMR (High TMR) et présentent une TMR d’environ 90 % et un RA proche de 1.5 Ω.µm², valeur nominalement prévue. La seconde catégorie, soit un tiers (36%), appelée LTMR (Low TMR), est caractérisée par un niveau de résistance plus faible et une TMR réduite avoisinant les

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65%. La figure IV.4 (a) montre la distribution des populations d’échantillons. La statistique a été réalisée sur 120 échantillons de géométrie circulaire de 80 et 90 nm de diamètre. Le nombre d’échantillons est toutefois trop réduit pour tirer des conclusions quantitatives sur la forme des distributions. Il apparaît tout de même que les échantillons de type LTMR sont plus dispersés que les HTMR. Les figures IV.3 (b) et (c) montrent la courbe magnétorésistive d’un échantillon de chaque famille pour une géométrie elliptique de 65x130 nm². L’échantillon HTMR présente une résistance parallèle de 275 Ω soit un RA de 1.8 Ω.µm² et une TMR de 82% alors que l’échantillon LTMR présente une résistance parallèle de 200 Ω soit un RA de 1.3 Ω.µm² et une TMR de 45%. La réduction du RA apparent par rapport à la valeur nominale de 1.5 Ω.µm² est indissociable d’une ‘faible’ valeur de TMR (<70%).

Fig. IV.4 – (a) Distribution des échantillons LTMR et HTMR. Les barres rouges représentent l’histogramme des TMR mesurées et les enveloppes jaune et bleue ne sont qu’un guide pour matérialiser les populations LTMR et HTMR. (b), (c) et (d) Illustrations des différents modes de transport. Les électrodes ferromagnétiques sont représentées en jaune et la barrière tunnel en gris. (b) Barrière homogène : transport tunnel sur l’ensemble de la surface. (c) Présence de pinholes : deux canaux parallèles. Conduction ohmique par les pinholes et tunnel pour le reste de la barrière. (d) Barrière de composition inhomogène où la conduction reste tunnel mais a lieu par des chemins préférentiels.

L’évolution en température de la TMR, cf. insert figure IV.3 (c), indique que le transport est principalement tunnel pour les deux échantillons. Le fait que le RA apparent des LTMR soit réduit et que l’évolution de la TMR en température soit moins marquée que pour les HTMR, laisse supposer que le transport électrique est différent pour ces deux types d’échantillon. L’hypothèse la plus probable est que la barrière tunnel des échantillons LTMR présente des inhomogénéités (au sens topographique ou structurel) menant à un régime de conduction mélangé. En particulier ces observations pourraient être expliquées par la présence de pinholes (contacts métalliques directs entre les deux électrodes ferromagnétiques) résultant en un régime de conduction parallèle entre un canal ohmique (pinhole) et un canal tunnel (barrière). Cependant, la présence de pinholes au sens strict du terme n’a pas pu être mise en évidence sur les films continus. De plus, un contact direct entre les électrodes ferromagnétiques crée un couplage magnétique supplémentaire qui devrait être visible au niveau des cycles d’hystérésis. Hors il n’apparaît aucune différence notable entre les cycles des échantillons HTMR et LTMR. Nous ne pouvons toutefois pas exclure la présence de pinholes dans les échantillons LTMR mais si tel était le cas, leur taille devrait être faible. Nous retiendrons plutôt

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l’hypothèse d’une barrière tunnel continue mais inhomogène qui conduit à une densité de courant inhomogène sur la surface de l’échantillon. Comme la résistance tunnel dépend de manière inverse de l’épaisseur (au sens géométrique) ou hauteur (au sens énergétique) de la barrière, l’inhomogénéité revient à un transport à deux canaux entre les inhomogénéités de plus faible résistance et le reste de la barrière, cf. figure IV.4 (d). Cette hypothèse devrait donner les mêmes résultats que la présence de pinholes, cf. figure IV.4 (c). Elle est soutenue par de récentes études sur la diffusion du bore depuis les électrodes ferromagnétiques vers la barrière isolante. Plusieurs groupes [150-152] ont montré la formation d’un alliage MgBO dans la barrière ce qui conduit à une baisse de TMR. L’hypothèse d’une conduction assistée par la diffusion du bore au sein de la barrière nous semble la plus probable pour expliquer la différence entre les échantillons HTMR et LTMR. Nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des résultats de stress électrique.

IV.1.2.2 Influence du courant

L’évolution de la résistance en courant, cf. figure IV.5, pour les échantillons de type HTMR et LTMR indique un mode de transport tunnel dominant. La diminution de la TMR en fonction du courant est cependant moins marquée dans les LTMR, ce qui semble confirmer la discussion précédente. Notons que dans le cas d’un transport purement ohmique, on s’attend à une augmentation de la résistance en fonction du courant à cause de l’effet Joule, alors que la diminution de TMR s’explique par la perte de cohérence en spin des électrons chauds qui tunnelent, cf. paragraphe I.2.2. L’amplitude de variation de résistance liée à l’effet Joule reste cependant beaucoup plus faible que la diminution de résistance de l’état AP dans le mode de transport tunnel.

-0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 400 500 600 700 800 900 1000 R ( Ω ) I (mA)

Fig. IV.5 – Evolution en courant d’un échantillon HTMR elliptique de 50x100 nm² et de TMR 95%. Le cycle d’hystérésis montre le renversement de l’aimantation de la couche libre pour les deux polarités de courant.

Les courbes R(I) montrent le retournement de l’aimantation par transfert de spin. Un courant positif stabilise l’état antiparallèle (AP) et un courant négatif stabilise l’état parallèle (P), pour les deux types d’échantillons. Par comparaison au diagramme de phases théorique [85] et expérimental [64] pour un STO à aimantations planaires, l’observation du retournement de l’aimantation sous courant pour les deux polarités laisse penser que les échantillons présentent un RA suffisamment faible pour atteindre

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le régime de précession entretenue. Ce dernier apparaît pour une densité de courant sensiblement égale à celle de retournement. Les modèles évoqués considèrent un empilement de type métallique et il est possible que, pour des structures isolantes, le terme de champ effectif du transfert de spin modifie légèrement la situation. De grandes modifications du diagramme de phases seraient toutefois surprenantes compte tenu de la faible amplitude de ce champ effectif (de quelques œrsteds à la dizaine d’œrsteds pour une densité de courant de 106 A/cm² [48, 63]) par rapport au champ appliqué.

Les états de résistance observés sur les courbes R(H), figure IV.3, ou R(I), figure IV.5, sont parfaitement stables aux faibles densités de courant. L’augmentation de la gamme de courant fait apparaître des changements irréversibles qui ont généralement tendance à diminuer la variation de résistance ∆ =R RAPRP. Ces effets sont associés à une dégradation de la barrière diélectrique. La dégradation peut se manifester soit par un claquage net de la jonction, l’empilement final présentant une faible résistance et un comportement ohmique, soit par une diminution progressive de la résistance, que nous appellerons conditionnement.

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