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4 1 Les formalismes de traitement de l’information cérébrale

4.2.3 Des validations expérimentales encore insuffisantes

Ce travail s’est principalement focalisé sur l’aspect théorique du formalisme. Il reste cependant à construire des modèles pouvant être confrontés de manière ro- buste à l’expérience. Les applications proposées vont dans ce sens mais demandent à être encore détaillées pour pouvoir prendre en compte des pathologies associées. Cette limitation est à nuancer par le fait que SimBa n’est pas une théorie du fonctionnement de telle ou telle partie du cerveau. Les applications proposées ne font que reprendre des architectures proposées précédemment. SimBa constitue plus un langage formel permettant de poser des hypothèses fonctionnelles et qui repose sur quelques considérations générales sur le fonctionnement du cerveau. Ces bases constituent les seules hypothèses du formalisme quant au fonctionne- ment du cerveau. C’est en particulier le cas du pattern matching et de l’organisation topique généralisée à l’ensemble des traitements cérébraux. Cela n’enlève rien au fait que pour valider SimBa en tant que langage de modélisation cérébral, des mo- dèles solides s’appuyant sur ses mécanismes sont encore nécessaires.

Un autre aspect important du formalisme, à savoir son lien avec les réseaux mis en évidence par les études en neuroimagerie, reste aussi à être exploité. En réalisant la convolution des activités neuronales générées par un modèle SimBa avec une réponse hémodynamique, il est possible de faire des comparaisons entre les résultats d’une simulation et des mesures faites en neuroimagerie, et ce de manière localisée. Mais l’interaction marche aussi dans l’autre sens, car SimBa a comme vocation, à terme, d’être un outil pour les neuroimageurs avec lequel ils pourront tester facilement une hypothèse fonctionnelle correspondant à un réseau de régions activées observé expérimentalement.

4.2.4

Développements théoriques

Il existe des perspectives intéressantes de développement de ce travail dans son aspect plus théorique. En effet, il existe un certain nombre de «ponts» théoriques existants entre différents formalismes liés à SimBa. Ainsi, Balkenius et Gärdenfors (1991) ont montré qu’il était possible de faire de l’inférence non-monotone avec des réseaux de neurones. Or les règle floues, qui sont sous-jacentes à l’association prototype-pattern dans les nœuds du formalisme SimBa, permettent justement de faire de l’inférence non-monotone. Il pourrait donc être intéressant de montrer qu’il

existe une équivalence entre un réseau de neurones et un système de règles floues tel que celui utilisé par un nœud fonctionnel. Il existe de nombreux travaux allant dans ce sens (Jang et Sun 1993, Benitez et coll. 1997, Jin et Sendhoff 2003, Mantas et coll. 2006).

4.3

Les questions ouvertes

Dans la modélisation du traitement de l’information cérébrale, le passage de la modélisation des neurones à la modélisation des processus cognitifs de haut ni- veau, comme le langage dans son acceptation la plus complexe ou le raisonnement abstrait, pose certains problèmes théoriques complexes. Nous nous situons vis à vis de deux d’entre eux, à savoir le binding problem et le grounding problem.

4.3.1

Le «Binding Problem»

Le binding problem (BP) se pose lorsqu’on considère que le traitement cérébral est massivement parallèle, que les différentes modalités sensorielles sont traitées dans un premier temps largement indépendamment et que pourtant ces infor- mations traitées en parallèle sont liées ensemble pour permettre la formation de concepts évolués et utilisant les informations de toutes les modalités (von der Malsburg 1995, van der Velde et de Kamps 2002; 2006). La manière dont les neu- rones atteignent ce niveau de synchronisation, avec une telle robustesse, et malgré des dynamiques largement variables reste un mystère. Ce problème devient par- ticulièrement important si on considère que l’observation d’une scène génère un nombre gigantesque de concepts qui sont tous multimodaux et qui doivent être liés correctement : «un enfant sur le trottoir jouant avec un ballon alors qu’une voiture passe dans la rue» est une scène qui implique de «lier» le bruit du moteur avec l’image de la voiture et le bruit du ballon qui rebondit avec l’image du ballon, et rien ne garantit que l’image de la voiture ne «précède»1

pas celle de l’enfant dans les réseaux cérébraux alors que le son du ballon précède celui de la voiture.

Le BP constitue un des arguments principaux en faveur d’un codage neuronal

1

La notion de position dans la chaîne des traitements est un raccourci commode mais, bien-sûr, inexact. Les traitements étant massivement parallèles, il est fort probable que l’image de l’enfant et de la voiture soient fragmentées et complètement mélangées dans les réseaux, image qui constitue encore une approximation commode mais inexacte...

de l’information s’appuyant sur des phénomènes de synchronisation et accordant plus d’importance au temps séparant deux potentiels d’action qu’à leur fréquence. Une autre proposition pour résoudre partiellement ce problème s’appuie sur l’uti- lisation massive des connexions en feedback : considérons un concept lié à deux valeurs spécifique des entrées qui proviennent de deux modalités différentes ; la présence d’une des deux valeurs provoque l’activation partielle de ce concept, ce qui, par activation feedback, entraine une pré-activation pour l’autre valeur qui se répercute tout le long de la chaîne de traitement, facilitant d’autant l’établisse- ment de cette autre valeur si elle est présente (Deco et Rolls 2005, van der Velde et de Kamps 2006). Ce phénomène de boucles de feedback peut facilement être adapté dans un modèle SimBa en créant des connexions en retour. Cependant, une telle connexion implique l’adaptation de tous les prototypes pour qu’ils reconnaissent le type transporté par cette connexion. Si ces connexions sont systématiques, cela peut poser problème. Une solution probablement plus élégante est de considérer les connexions entre deux noeuds comme partiellement bi-directionnelles. L’ac- tivation circule bien dans un seul sens, mais une facilitation circule dans l’autre. Lorsqu’un prototype est activé, il facilite l’activation des prototypes en amont qui l’activent. De cette façon, si seule une partie des informations l’activant est pré- sente, l’autre partie pourra lui parvenir plus facilement.

4.3.2

Le «Grounding Problem»

Le grounding problem (GP) se pose surtout pour les systèmes symboliques et est défini comme la nécessité pour les symboles d’être ancrés (grounded) dans la perception et l’action pour avoir un sens en tant qu’information (Harnad 1990). En termes neuronaux, cela se traduit par le fait que si nous pouvons traiter des entités symboliques comme les mots du langage, ils doivent avoir un ancrage dans une représentation neuronale (Pulvermuller 1999). Ce problème est particulièrement visible lorsqu’on considère le problème de 2, ou le problème de la duplication des symboles. Il survient lorsqu’on cherche, par exemple, à comprendre comment le cerveau peut traiter une phrase comprenant plusieurs instances d’un même mot comme «la petite étoile est derrière une grande étoile», c’est à dire comment se fait la liaison entre les structures représentant «petite», «grande» et «étoile» sans qu’émerge le concept de «petite grande étoile» (van der Velde et de Kamps 2006). En termes plus généraux, la particularité des symboles est d’être faciles à dupli- quer, mais s’ils sont ancrés dans une structure qui leur donne leur sens, la dupli-

cation devient problématique. Et considérer qu’il y a une structure neuronale pour toutes les positions possibles du mot dans la phrase n’est pas raisonnable.

L’association systématique d’un pattern de neurone à un symbole dans le for- malisme SimBa en fait une réponse naturelle au GP : tous les symboles sont ancrés dans une réalité neurologique. En revanche, le problème de la duplication reste entier. D’autant plus que, comme mentionné au paragraphe 3.1.2.4 (p.166), SimBa est mal adapté pour traiter les patterns spatio-temporels alors qu’une manière de traiter la phrase «la petite étoile est derrière une grande étoile» repose sur une gestion précise de la séquentialité.