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Des trajectoires professionnelles similaires

Dans le document Des amiraux au service de Vichy (1940-1944) (Page 144-186)

Le corps des officiers généraux : une cohésion sociale et professionnelle

22. Des trajectoires professionnelles similaires

Leur âge en 1940 et les grades qu’ils ont atteint dans la hiérarchie témoignent que ces hommes ont consacré leur vie à la Marine. Aussi convient-il de s’intéresser à leurs conditions d’entrée dans la carrière, à leurs évolutions de carrière, à leur formation navale supérieure. Les sources essentielles restent les dossiers personnels.

221. L’entrée au service : de jeunes hommes plongés dans un monde de traditions. 221.1 Des bordaches d’à peine dix-huit ans.

La première constatation qui s’impose est celle concernant la formation professionnelle initiale des officiers du corpus : tous proviennent de l’Ecole Navale, aucun n’est issu de l’Ecole Polytechnique360. L’âge moyen d’entrée est de dix-sept ans et neuf mois

mais la grande majorité entre à dix huit ans :

360 Les polytechniciens ne sont pas forcément bien perçus par certains des officiers généraux du corpus. L’Al Darlan reconnait leur difficulté d’adaptation au métier alors qu’il est commandant de l’ Edgar Quinet : SHD-DM, 1CC 500, Rapport sur l’instruction des officiers élèves pendant la première partie de la campagne

1927-1928, 25 mai 1928. Même constat chez le V.A Marquis, SHD-DM, 1CC 501, rapport du commandant de la Jeanne d’Arc du 24 juillet 1932 et chez le C.A Auphan, SHD-DM, Papiers Auphan, 126 GG2, carton 1, rapport du commandant de la Jeanne d’Arc, s.d., mais de 1938-1939 lors de son commandement sur la Jeanne d’Arc. Le VA Godfroy évoquant le LV Honoré Estienne d’Orves souligne la différence de formation morale : V.A Godfroy, L’aventure de la force X à Alexandrie (1940-1943), op. cit., p. 112. De son côté, le CA Chomel de Jarnieu ne les considéré guère comme vaillants, même s’il tempère ses propos pour certains : archives privées Al. B. Chomel de Jarnieu, Mémoires de l’amiral J. Chomel de Jarnieu, op. cit., p. 4-5. Seul avis discordant : celui du C.A Favin-Lévêque qui, midship sous l’autorité du C.C d’Estienne d’Orves (alors L.V), considère que les huit polytechniciens de son poste s’intégrèrent parfaitement. La différence de point de vue s’explique peut-être par le niveau de chacun des interlocuteurs. Bernard Favin-Levêque (CA) Souvenirs de mer et d’ailleurs, Versailles, Editions des Sept Vents, 1990, 296 p. et p. 23.

Age Nombre d'officiers concernés 15 ans 1 16 ans 10 17 ans 14 18 ans 22 19 ans 2

144 En fonction des limites d’âge maximal pour entrer à Navale - dix- huit ans de 1882 à 1905 et dix-neuf ans à partir de 1906361- dix d’entre eux entrent près de deux ans avant la date limite ; il s’agit des vice-amiraux d’escadre Le Bigot et Moreau, des vice-amiraux Bourragué, Godfroy et Landriau et du C.A Lafargue qui entrent à seize ans , des C.A Auphan362, Barnaud et Seguin et du V.A Collinet qui intègrent l’école à dix-sept ans. Un seul, le C.A Négadelle entre trois ans avant l’âge limite, à seize ans pour une limite d’âge à dix-neuf ans. Ce sont donc des adolescents363, d’ « un âge tendre »364

qui embrassent la carrière. Près des deux-tiers (trente-trois) ont fait Navale entre 1898-1908.

Année d’entrée à l’Ecole navale des officiers généraux du corpus.

361 Jean Martinant de Préneuf, Les officiers de marine. Mentalités et comportements religieux sous la Troisième

République, op.cit., p. 41 et 47.

362 Le C.A Auphan nous rappelle qu’il n’a pas tout à fait dix-sept ans : il est alors âgé de seize ans et onze mois à son entrée à Navale ! Amiral Auphan, L’honneur de servir, op. cit., p.21.

363 Ibidem, p. 26. Il se décrit même comme étant encore enfant, p. 21.

364 Jean Decoux, Adieu Marine, op.cit, p. 5. 0 1 2 3 4 5 6 7

145 Le concours qu’ils ont passé a été refondu en 1900 pour réduire la place des mathématiques pures au profit des sciences expérimentales. La réforme de 1910, entrée en application en 1912, aligne le concours d’entrée sur celui de Mathématique supérieure préparatoire 365

et ne concerne que deux officiers, le V.A Battet et le C.A Marzin. Les dossiers personnels ne mentionnant pas l’origine scolaire des officiers, il faut se référer aux Mémoires et correspondances privées pour connaître les établissements scolaires fréquentés par les intéressés pour effectuer leur classe préparatoire, leur flotte. Toutefois, pour les élèves ayant suivi leur flotte chez les Jésuites entre 1876-1900 à l’Ecole navale Bon Secours transférée à Jersey en 1880, nous disposons des registres de ces classes préparatoires du moins jusqu’aux années 1900, au-delà les listes n’ayant pas été conservées366. Nous y retrouvons les V.A.E de Penfentenyo de Kervéréguin367et Le Luc.Mais des officiers ont aussi effectué leur préparation dans des établissements publics donc laïcs. Ainsi les amiraux Darlan et Esteva368, ainsi que les CA Auphan369, Bléhaut370 et Chomel de Jarnieu371 ont fait leur préparation au Lycée Saint Louis à Paris ; que l’Al Gensoul a effectué la sienne au lycée Janson de Sailly372

; que le C.A Bard373 et le V.A Platon374, en tant que boursiers, ont effectué leur préparation dans des établissements publics, respectivement à Saint-Etienne et Bordeaux, tandis que le V.A Decoux témoigne avoir suivi sa préparation dans un « quelconque lycée de province ».375

365

Jean Martinant de Préneuf, Les officiers de marine. Mentalités et comportements religieux sous la Troisième

République, op.cit., p.41-49.

366 Archives Jésuites, Eje 58, Jersey-Ecole navale, listes des élèves 1881-1900.

367

Il s’agit pour la famille Penfentenyo de Kervéréguin d’une véritable tradition : ont également été élèves des Jésuites, ses frères Henri et Jehan, entre 1884 et1887. Archives Jésuites, Eje 58.

368 Hervé Coutau-Bégarie, Claude Huan, Darlan, op. cit., p.32.

369 Amiral Auphan, L’honneur de servir, op. cit., p.20.

370

Bernard Bléhaut, op. cit., p.17.

371 Archives privées Al. B. Chomel de Jarnieu, Mémoires de l’amiral J. Chomel de Jarnieu, op. cit., p. 52.

372 Philippe Lasterle, « Marcel Gensoul (1880-1973), un amiral dans la tourmente », op. cit., p. 71-91. Malgré nos demandes, les lycées Saint Louis et Janson de Sailly nous ont refusé l’ouverture de leurs archives.

373 La famille du C.A Bard a d’ailleurs souhaité qu’une bourse chaque année soit accordée à l’élève le plus méritant de la section Mathématiques spéciales. Archives privées Maitre Granger, successeur de Maitre Sicard, Lyon, testament de Madame Burelier, sœur du C.A Bard, 22 septembre 1975.

374 Jean-Marcvan Hille, op. cit., p.25.

375

146 Maisle choix de l’établissement par les parents s’opèrent aussi en fonction de la qualité de l’enseignement de mathématiques376

et non pas tant en raison du caractère confessionnel ou non de l’établissement. Certains font donc leur flotte dans des lycées publics tout en fréquentant des internats catholiques comme les C.A Auphan377, Bléhaut et Chomel de Jarnieu378 qui chaque soir rejoignent l’Ecole de Massillon.

221.2 Une formation à la Bouline379 dans une Marine pourtant en pleine évolution. Tous effectuent leurs deux années d’école sur le Borda, bâtiment à voile désarmé embossé en rade de Brest, l’Ecole navale ne se transportant à terre qu’en 1914380

. Leur formation, organisée en trois tableaux A, B, et C381 poursuit un triple but : former des marins, des ingénieurs et des militaires382. Si le tableau A comprend les enseignements littéraires383, les matières des tableaux B et C visent à former les professionnels. La formation du marin correspond au tableau C avec les cours d’architecture navale, de la machinerie à vapeur, d’artillerie, d‘infanterie et bien sûr de manœuvre. Le cours de manœuvre a pour but d’acclimater les élèves à la mer par des exercices dans la mâture du vaisseau, par des sorties en mer régulières et par les sorties du dimanche « les corvettes » 384. La formation de l’ingénieur correspond aux matières scientifiques du tableau B et s’effectue grâce aux cours

376 Jean Martinant de Préneuf, Les officiers de marine. Mentalités et comportements religieux sous la Troisième

République, op.cit, p.58-73. Cette sélection par les mathématiques n’est pas forcément du goût des marins. Louis

Guichard, Navale, Paris, La nouvelle société d’édition, Collection « Nos grandes écoles »1930, 125 p. et p.15.

377 Amiral Auphan, L’honneur de servir, op. cit., p.16-17.

378 Archives privées Al. B. Chomel de Jarnieu, lettre du 7 avril 1978 du C.A Chomel de Jarnieu à son petit-neveu.

379

Dans l’argot de l’Ecole navale, le terme de bouline s’applique à tout ce qui concerne la voile. Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d’histoire maritime, op. cit, p.233.

380 Jean-Baptiste Cochois, Monographie historique : le Versailles de la mer ou de l’Ecole Navale à terre,

1908-1936, Guingamp, Editions de la Plomée, 2000, 245 p. et p.15.

381 Catherine de la Follye de Joux, op. cit., p.38-40.

382 Jean Martinant de Préneuf, Les officiers de marine. Mentalités et comportements religieux sous la Troisième République, op.cit., p.202.

383 Le tableau A comprend la littérature, l’anglais, l’histoire, le dessin et un programme d’histoire maritime. Catherine de la Follye de Joux, op. cit., p.38-40.

147 d’analyse mécanique, de physique, de chimie, d’astronomie et de navigation, ces deux dernières matières faisant passerelle avec le tableau C.

Reste la formation du militaire et surtout " du marin militaire". Jean Martinant de Préneuf a montré que cette formation s’articule autour de plusieurs principes : un isolement proche d’un régime monacal, une pédagogie fondée sur l’exemple et une référence permanente à la tradition, le tout ancré dans une culture judéo-chrétienne oscillant entre manifestations au grand jour (messes dominicales, prières du soir) et plus discrètes, surtout après la laïcisation de 1905385.

Les officiers généraux de marine s’exprimant sur cette période de leur vie évoquent tous ce moule386 que représente l’Ecole Navale. Entre l’exercice physique et la formation intellectuelle, une large part est accordée à la formation morale. Le C.A Chomel de Jarnieu évoque le rôle de l’institution dans la formation d’une communauté, d’une collectivité au langage et aux manières communs387. Le V.A.E Decoux en employant l’image de la

couveuse388, renvoie à l’idée d’un sujet séparé, protégé de tous les miasmes environnants et destiné à se développer et à essaimer dans un milieu qui lui est sain389. Il souligne aussi l’arasement, la coupure d’avec le milieu antérieur. Les élèves ressentent cette volonté non seulement de les inscrire dans une tradition mais aussi de les en faire porteurs. Ils savent que la formation dispensée les conduit à devenir « une élite cohérente et disciplinée »390. Dans ce milieu fortement imprégné de traditions catholiques, les décisions des ministres Lanessan et Pelletan entre 1901 et 1905 concernant la laïcisation de la marine sont durement ressenties.

385

Jean Martinant de Préneuf, Les officiers de marine. Mentalités et comportements religieuxsous la Troisième République, op.cit., chapitre 2, Le creuset : l’Ecole navale et l’Ecole d’application, p.140-335.

386 Amiral Auphan, L’honneur de servir, op. cit., p.26.

387 Archives privées Al. B. Chomel de Jarnieu, C.A Chomel de Jarnieu, Mémoires, op. cit., p.3.

388 Jean Decoux, Adieu Marine, op.cit, p.4. Louis Guichard parle d’une « âme commune », Louis Guichard, op.

cit., p. 65.

389 Louis Guichard évoque une école qui sépare « l’ivraie du bon grain ». Louis Guichard, Navale, op. cit., p.10. Il convoque également l’image de la couvée, ibidem, p. 73.

390

148 Elles s’inscrivent dans un projet plus large de républicanisation des armées391

. En avril 1900, la Marine se voit donc interdire la participation aux cérémonies à l’occasion du Vendredi Saint392 ; en janvier 1901, une circulaire sur le respect absolu de la liberté de conscience rappelle que « personne ne puisse se considérer comme tenu d’y [aux offices religieux, aux

prières et toutes autres pratiques d’un culte quelconque] prendre part ou seulement intéressé à y faire remarquer sa présence. »393; par décret du 5 novembre 1901, l’assistance aux cérémonies religieuses devient facultative, les prières quotidiennes sont supprimées394. En octobre 1903, l’aumônerie de la Marine est supprimée395

. Toutes ces mesures concernent également l’Ecole navale, qui se voit préciser, en outre, en septembre 1902, que la messe du Saint Esprit ne sera plus célébrée sur le Borda et en 1904 que le Vendredi Saint n’y sera plus maigre396. Or plus de trente officiers généraux ont fait Navale avant 1905, et dix-neuf s’y trouvent entre 1900 et 1905. Ils ont donc vécu directement ces modifications. Mais pour autant, on n’observe pas de césure dans le corps. Pour les officiers entrés après 1905 et dont on a vu l’ancrage dans la foi ou la culture catholique - on pense là aux C.A Auphan, Bléhaut, - ou ceux dont le père a fait l’Ecole navale précédemment et qui ne peuvent être que porteurs de cette culture – on renvoie ici aux V.A Bouxin, Barnaud et C.A Rouyer - ils sont à l’évidence restés réceptifs aux traditions judéo-chrétiennes de la Marine que continue à porter l’Ecole navale.

391 Jean Martinant de Préneuf, Les officiers de marine. Mentalités et comportements religieuxsous la Troisième République, op.cit., chapitre 4, « Le quotidien. L’expérience religieuse dans le cadre du service courant », p.

466-666. 392 Ibidem, p. 590. 393 Ibidem, p. 592. 394 Ibidem, p. 594. 395 Ibidem, p. 600. 396 Ibidem, p. 597.

149 La formation à l’Ecole navale reste donc empreinte de tradition, s’apparente encore beaucoup à la bouline, au moins pour ce qui est de la manœuvre397. Ces jeunes officiers entrent pourtant dans la carrière à un moment où la Marine française est en pleine évolution. Le temps de la marine de guerre à voile est révolu depuis le milieu du XIXe siècle398. L’introduction de la vapeur, de l’électricité, de la T.S.F aboutit à l’apparition de nouveaux spécialistes. Une nouvelle division s’instaure au sein des équipages entre hommes relégués aux machines dans le fond du navire et personnels de pont, mettant un terme à la supériorité des gabiers sur les autres personnels399. Sur le plan stratégique, la querelle entre mahanistes, tenants du cuirassé devant assurer la maîtrise des mers, et ceux de la Jeune Ecole favorables aux torpilleurs, plus petits, moins coûteux, aptes à une guerre de course, tourne à l’avantage des premiers400. Mais le retard s’est accumulé dans la production des cuirassés de type Dreadnought401et en 1914 la France n’en dispose que de quatre. Malgré les efforts de Delcassé402, au service de la Marine sous des fonctions différentes entre 1907-1913, la Marine reste, à la veille de la guerre, une flotte d’échantillons sans grande série. De nouvelles opportunités professionnelles apparaissent avec la sous-marinade et l’aéronautique maritime. L’arme sous-marine se développe avec la première plongée du Narval en 1898, submersible à double coque avec ballasts et bénéficiant d’une double propulsion. Mais tout reste à faire et les recherches visent à accroître le rayon d’action, réduire le temps de plongée, améliorer les capacités offensives des torpilles. Stratégiquement son emploi le cantonne à des opérations de

397

Jean Decoux, Adieu Marine, op. cit., p. 4-13.

398

Martine Acerra et Jean Meyer, Histoire de la marine française des origines à nos jours, Rennes, Editions Ouest France, 1994, 427 p. et p. 214-220.

399 Philippe Masson, La mort et les marins, Grenoble, Glénat, 1995, 394 p.et p.308-309.

400

V.A.E Ausseur, « Vers une nouvelle stratégie maritime ? », Les marines de guerre du Dreadnought au

nucléaire, Actes du colloque international Paris, ex-Ecole Polytechnique les 23-24-25 novembre 1988, Château

de Vincennes, Service historique de la Marine,1990, p. 107-123.

401Martin Motte, « L’épreuve des faits ou la pensée navale française face à la Grande Guerre », Revue Historique

des Armées, n°203, juin 1996, p. 97-106.

402 Daniel Moucheboeuf, L’œuvre de Delcassé à la Marine, élément d’une politique de puissance, mémoire de D.E.A., sous la direction de Serge Berstein, IEP Paris, 2001, 231 p. et p.82-83

150 défense côtière mais commence à se faire jour l’idée qu’il peut être combiné à d’autres forces maritimes pour des taches offensives dans les eaux ennemies403. L’aviation maritime quant à elle est créée officiellement par le décret du 12 mars 1912404. Pour ces deux armes naissantes, le conflit de 1914 est déterminant pour leur développement. Mais les décisions sont longues à être prises, la Marine n’ayant quasiment pas d’Etat-major permanent : le chef d’Etat-major général de la Marine n’est que le chef du cabinet du ministre et n’assure pas le commandement des opérations en temps de guerre. Il faut attendre l’automne 1912 pour que l’ensemble des escadres soit placé sous le commandement unique du V.A Boué de Lapeyrère. Mais en 1914 à la déclaration de guerre, il n’y pas d’organisation centrale des opérations. Ces évolutions techniques, technologiques, stratégiques, organisationnelles se situent dans un contexte international fortement marqué par le développement de nouvelles marines de haute mer (Allemagne, Etats-Unis et Japon) aboutissant pour la France, à de nouvelles alliances, en particulier avec l’Angleterre : la signature de l’Entente cordiale (1904) réoriente stratégiquement la Marine française vers la Méditerranée405. Avec le développement de nouveaux systèmes d’armes, la bataille se livre à des distances croissantes - cinq mille mètres en 1904 et douze à dix-huit mille mètres en 1914, et de moins en moins d’hommes participent réellement au combat. Pourtant la mort reste omniprésente, les combats faisant plus de morts que de blessés, l’attaque pouvant surgir dans un rayon de plus en plus important406

. Les explosions sur le Iéna (mars 1907, cent dix-huit morts), le Liberté (septembre 1911, deux cents morts) liés à l’instabilité des explosifs, les naufrages des croiseurs Sully (septembre

403

Claude Huan, « La révélation du sous-marin, instrument de combat », Les marines de guerre du Dreadnought

au nucléaire, op cit., p.71-79.

404En avril 1910, le V.A Boué de Lapeyrère avait constitué une commission sous la direction du CA Le Pord chargée de réfléchir sur l’éventuel emploi de dirigeables et d’aéroplanes. Dans son rapport, rendu en juillet de la même année, la commission affirme la primauté de l’avion. Il est de tradition de retenir cette date comme acte de naissance de l’aéronautique maritime française.

405 Philippe Masson, Histoire de la Marine, tome 2 : de la vapeur à l’atome, Paris, Lavauzelle, 1983, 582 p. et p.230-231.

406

151 1905), Jean-Bart (février 1907), Chanzy (mai 1907), du transport Nive (janvier 1908), des sous-marins Farfadet (juillet 1905) et Lutin (octobre 1906)407 dus en partie à un entretien défectueux du matériel, à une formation insuffisante du personnel et à de nombreuses négligences, rappellent combien la mer reste un métier dangereux, y compris en temps de paix. C’est donc dans cet environnement que les officiers généraux de marine entament leur la carrière.

La croisière d’application, après les deux années d’Ecole navale, reste un temps fort de leur formation, leurs « fiançailles inoubliables avec la mer »408. Traversée de dix mois sur l’Iphigénie ou le Duguay Trouin selon les époques,409

elle couronne leur amarinage, les confronte à " un vrai navire " et les emmène loin de la France métropolitaine. Ils découvrent alors, souvent pour la première fois, des pays étrangers ou des territoires de l’Empire français et surtout prennent toute la dimension de leur rôle de représentants de la France à l’occasion des visites et réceptions organisées par les pays ou colonies hôtes410. La grandeur de la France leur apparaît alors dans toute sa magnificence. Ces croisières, malgré quelques variantes, présentent quelques constantes : traversée de l’Atlantique vers le Brésil ; l’Afrique et Dakar ; la Méditerranée. Ainsi, d’octobre 1903 à juillet 1904, le V.A.E Decoux avec le V.A

407 Philippe Masson, Histoire de la Marine, tome 2 : de la vapeur à l’atome, op. cit., p.198-199 et Jean-Michel Roche (LV), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française, op. cit. .

408 Archives privées Al. B. Chomel de Jarnieu, C.A Chomel de Jarnieu, Mémoires, op. cit., p 5.

409L’Iphigénie est un croiseur de 1ère classe qui sert de navire école de 1884 à 1899. Le Duguay Trouin, à l’origine transport hôpital baptisé Tonkin, lui succède en 1900 et ce jusqu’en 1912. A cette date prend le relais La

Jeanne d’Arc, croiseur cuirassé qui mène campagnes jusqu’en 1928. L’Edgar Quinet effectue la campagne de

1929. Une nouvelle Jeanne d’Arc croiseur école est lancée en 1931 et effectue huit croisières jusqu’en 1939. Jean-Michel Roche (L.V), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française, Tome 2 : 1870-2006, Toulon, Editions Jean-Michel Roche, 2005, 527 et 591 p. C’est ce dernier bâtiment que commande le C.A Auphan, alors capitaine de vaisseau pour deux campagnes, d’août 1937 à mai 1939. Amiral Auphan, L’honneur

de servir, op. cit., p.163-209 ; mais aussi le V.A Marquis à décembre 1930 à août 1933 et le C.A Rouyer de mai

1939 à juillet 1942.

410 Jean Decoux, Adieu Marine, op. cit, p.33.

Cette dimension reste aujourd’hui une des dimensions fondamentales de la Marine nationale. Hervé Coutau-Bégarie, Le meilleur des ambassadeurs. Théorie et pratique de la diplomatie navale, Paris, Economica, 2010, 383 p.

152 Godfroy et le C.A et Ven effectuent la traversée de l’Atlantique vers le Brésil depuis Madère, s’en retournant par Le Cap, Dakar et la Méditerranée411. D’octobre 1912 à juillet 1913 la promotion du C.A Chomel de Jarnieu navigue vers Dakar, puis le Brésil, les Antilles, Panama,

Dans le document Des amiraux au service de Vichy (1940-1944) (Page 144-186)