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Des procédures démocratiques investies de façon différenciée

La façon de concevoir la structuration de l’organisation interprofessionnelle, ses modes de fonctionnement, participe d’une réflexion plus large sur les formes de démocratie que l’on entend mettre au cœur de la démarche syndicale. Par le biais des questionnaires, nous avons interrogé les délégués des différents congrès à la fois sur des dispositifs liés à l’histoire singulière de Solidaires et sur des règles plus générales qui valent aussi bien pour les structures professionnelles que pour les structures interprofessionnelles.

En ce qui concerne les premiers dispositifs, il paraît intéressant de noter qu’à la question « en termes de démocratie interne, quelles sont les pratiques internes auxquelles vous accordez le plus d’importance » (avec deux choix de réponses possibles), le « droit de veto » n’est retenu que par 9 délégués au Congrès de Saint Jean de Monts, comme s’il relevait – ainsi que cela a été évoqué plus haut – d’une phase antérieure dans la construction de l’organisation. Les deux propositions qui ont été le plus choisies par les délégués de Solidaires sont « la recherche systématique du consensus » (24,1%) - règle qui renvoie là aussi à l’histoire de l’union - et « la circulation systématique des informations » (17,8%). Les deux autres propositions qui ont ensuite été sélectionnées de façon plus marquée, en troisième et quatrième position, sont le « principe ‘un syndicat = une voix’ » (15,2%) et la « rotation des mandats » (13,1%).

Les résultats obtenus lors des Congrès de SUD Rail et de SUD Santé Sociaux présentent des différences significatives. L’exigence de circulation systématique des informations

apparaît dans les deux cas comme la réponse la plus fréquente (25,4% des délégués de SUD Rail l’ont retenu dans leur deux choix et 32,5% des délégués de SUD Santé Sociaux). Les réponses les plus fréquentes qui viennent ensuite par ordre d’importance, et qui sont là encore les mêmes pour les délégués des deux organisations professionnelles, sont le « partage des tâches » (21,3% et 18,1%) et la « rotation des mandats » (15,4% et 15,1%).

Graphique 20 : Les règles de démocratie interne

comparaison entre Solidaires, SUD Rail et SUD Santé Sociaux (en %)

Population de référence : Solidaires (530) ; SUD Rail (240) ; SUD Santé Sociaux (431)

Les choix retenus lors des Congrès de SUD Rail et de SUD Santé Sociaux peuvent bien sûr prêter à une certaine confusion, la référence au « syndicat » pouvant désigner aussi bien l’organisation professionnelle que la structure interprofessionnelle164. A l’inverse, on voit bien

combien les contraintes propres à la transformation progressive du G10 en Solidaires, la construction progressive et pragmatique de l’organisation contribuent à ce que la règle du consensus soit placée en premier, alors qu’elle obtient moins de 10% des réponses du côté de SUD Rail et de SUD Santé Sociaux.

164 D’autres résultats permettent cependant de penser que c’est la structure professionnelle qui a été prise comme

référence. Alors que l’item « circulation systématique des informations » se démarque très fortement dans les réponses des délégués de SUD Santé Sociaux sur cette question, ceux-ci n’ont pas plébiscité le même enjeu pour désigner les efforts d’amélioration à fournir dans le fonctionnement de Solidaires.

Des ordres de priorité en partie différents ressortent également des appréciations que portent les délégués des trois structures sur les améliorations relatives au fonctionnement de Solidaires.

Graphique 21 : Les améliorations à apporter au fonctionnement de Solidaires comparaison entre Solidaires, SUD Rail et SUD Santé Sociaux (en %)

Population de référence : Solidaires (403) ; SUD Rail (207) ; SUD Santé Sociaux (388)

Les délégués de SUD Rail comme ceux de SUD Santé Sociaux ont retenu de façon plus fréquente parmi leur deux choix l’enjeu de la clarification du message de Solidaires vers l’extérieur (30,4% des répondants au sein des congressistes de SUD Rail et 29,4% au sein de SUD Santé Sociaux). Or, pour les délégués de Solidaires, cette priorité ne vient qu’en troisième rang (18,9%), la première urgence étant « l’articulation entre les syndicats membres et les structures territoriales » (29,3%), problème qui apparaît, à l’inverse, en troisième rang des préoccupations des militants de SUD Rail (15,9%) et de SUD Santé Sociaux (17,5%). Ce dernier décalage s’explique en grande partie par le fait que la question de la place des Solidaires locaux - et par contrecoup de celle des syndicats nationaux - figurait au centre des débats du Congrès de Saint Jean de Monts. En revanche, le fait de retenir parmi d’autres réponses possibles le problème de la lisibilité de ce qu’est Solidaires « à l’extérieur », notamment pour les salariés, renvoie nous semble-t-il à de nombreuses discussions internes et aux choix qu’ont dû faire certaines structures, sur leur sigle (SUD ou Solidaires). La multiplication des sigles, la construction singulière de Solidaires (avec des syndicats SUD et

des syndicats portant d’autres appellations) constituent des paramètres maîtrisés par les militants les plus investis, mais d’un abord bien plus compliqué pour ceux dont l’expérience syndicale s’avère plus récente, dont les militants les plus jeunes. Ils sont encore plus étrangers aux salariés peu informés sur le paysage syndical, le sigle SUD ayant conquis une certaine visibilité médiatique, notamment via SUD PTT et SUD Rail, mais celui de Solidaires étant relativement plus méconnu. Au cours de l’enquête qualitative, nous avons recueilli un certain nombre de témoignages allant dans ce sens, la compréhension de ce que représente Solidaires ne se livrant qu’après un certain temps de militantisme.

« Je n’en avais jamais entendu parler [de Solidaires]. Lorsque j’étais simple adhérente, je voyais bien le sigle de Solidaires sur les documents et les tracts mais cela ne m’a pas interpellé plus que cela. C’est lorsque j’ai commencé à militer que j’en ai entendu parler et lorsque certains d’entre nous ont commencé à s’investir dans les solidaires locaux. » (Aurélie, 33 ans, SUD Rail)

Cette préoccupation relative à la clarification du message que délivre Solidaires vis-à- vis de l’extérieur revêt ainsi plusieurs sens : elle cristallise des enjeux d’articulation entre différentes identifications (celle liée au syndicat professionnel, celle liée à la structure interprofessionnelle) comme elle sert à exprimer un souci d’expansion de l’organisation, de syndicalisation. La même militante de SUD Rail précise ainsi ce qu’elle pense indispensable d’améliorer dans le fonctionnement des Solidaires locaux :

« Mais pour améliorer, les choses, il faudrait réussir à investir davantage des grandes entreprises où des sites comme La Défense où Solidaires est absent pour faire connaître son projet. Notre faiblesse réside dans notre diffusion qui n’est pas assez importante. Il faut à partir des Solidaires locaux renforcer l’info auprès des entreprises en lutte, distribuer davantage de tracts. J’ai l’impression qu’en termes de fonctionnement interne, cela marche bien. Par contre, le souci, c’est la diffusion externe. »

Si l’on revient aux résultats des enquêtes par questionnaires, cette préoccupation de lisibilité semble davantage présente au sein des organisations qui ont rejoint l’union syndicale dans un deuxième temps, voire plus récemment, que du côté des membres fondateurs. La ventilation par sous-groupes montre, en effet, que sur l’ensemble des délégués de Solidaires ayant choisi cette réponse, 40% environ militent dans des syndicats ayant rejoint Solidaires après 1998, 40% dans des syndicats présents en 1998 contre 20% environ au sein de SUD PTT, de SUD Rail et du SNUI, comme si le fort investissement dans la construction de l’outil interprofessionnel se traduisait par une confiance plus forte dans le fait que celui-ci est connu

en dehors des cercles militants. A l’inverse, ce sont les délégués du sous-groupe des « historiques » qui retiennent le plus souvent l’enjeu de l’articulation entre les syndicats membres et le structures territoriales, celui-ci étant relativement moins sélectionné par les délégués des deuxième et troisième sous-groupes.

IV.4 La rançon du succès : l’entrée dans une nouvelle phase de